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Chapitre 2 : Modélisation des systèmes hybrides et notion de scénario

2.5. Scénario et logique linéaire

2.5.1. Modélisation logique

Dans le cas de la construction d’un scénario, ce que l’on souhaite obtenir c’est un ensemble d’événements muni d’un ordre partiel. On ne souhaite pas énumérer tous les états (les marquages d’un réseau de Petri), mais on souhaite avoir une approche orientée événements. La logique linéaire proposée par J.Y. Girard [Girard 87] prend en compte la notion de ressource ce que ne peut pas faire la logique propositionnelle classique. Cela veut dire que les propositions logiques sont considérées, non plus comme des vérités éternelles, mais comme des ressources qui sont consommées et produites pendant les preuves. Une déduction en logique linéaire consomme les propositions qu’elle prend pour prémisses, et produitles propositions qui forment sa conclusion. Cela signifie que pour réutiliser une prémisse qui vient d’être consommée, soit il aurait fallu initialement poser deux fois cette prémisse, soit il faut préalablement la produire à nouveau, par le biais d’une autre déduction.

Plusieurs connecteurs ont été introduits en Logique Linéaire (LL) mais pour traduire un réseau de Petri en Logique Linéaire, le fragment MILL (Multiplicative Intuitionnist Linear Logic) contient les connecteurs nécessaires.

2.5.1.1Introduction à la logique linéaire : fragment MILL

Ce fragment comprend le connecteur multiplicatif « Fois » et le connecteur « implication

linéaire ». Il n’y a pas de négation et le méta-connecteur «, » est commutatif. Le lecteur intéressé

pourra trouver une présentation détaillée des autres connecteurs dans [Girault 97].

Le connecteur « Fois », noté⊗, est la conjonction multiplicative. Il correspond au connecteur « et » de la logique classique auquel on a enlevé la propriété d’idempotence. Ce connecteur exprime l’accumulation de ressources : ainsi la proposition AAreprésente la présence de deux exemplaires deA. Cette proposition n’est pas équivalente àA.

Le connecteur « implication linéaire », notéeo, exprime la causalité entre la production et la consommation de ressources. Par exemple, AoBtraduit le fait qu’en consommant la proposition A, la proposition B est produite. C’est donc le résultat d’un changement d’état qui est ainsi modélisé.

Considérons deux exemples de déduction utilisant ces deux connecteurs. A partir de la proposition AA et de AoBil est possible de déduire ABmais pas B : le second

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exemplaire de A ne peut être « oublié ». Si on part de A et deA AoB, il n’est pas possible de déduire B car un seul exemplaire de A n’est pas suffisant pour la déduction. Dans les deux cas, l’usage des connecteurs classiques (« et » et « implique ») aurait permis ces déductions.

Un séquent en logique Linéaire

Un séquent est une formule de la forme : Γ,F ├∆,Goù le symbole ├, dit le tourniquet, est un

méta-symbole qui sépare la partie gauche (ici,Γ,F) de la partie droite (ici,∆,G). Ces deux parties sont constituées de suites finies de formules. La virgule est aussi un méta-symbole dont le sens est fonction de sa position par rapport au tourniquet : la conjonction dans la partie gauche et la disjonction dans la partie droite. Le séquent peut se lire de la façon suivante : la conjonction «Γet F » permet de déduire la disjonction «∆ouG». Dans le cadre de fragment MILL, le membre droit sera toujours réduit à une seule formule (qui peut contenir plusieurs atomes).

2.5.1.2Traduction des RdP en logique linéaire

L’une des bases de la logique linéaire est sa capacité à raisonner sur les ressources. Les réseaux de Petri sont également un outil qui manipule des ressources. Du fait de cette similitude, plusieurs travaux ont traité du lien entre ces deux formalismes. Nous ne présenterons, par la suite, que ceux qui traitent de la logique linéaire comme un outil permettant d’interpréter les modèles RdP et d’en extraire les relations d’ordre en prenant en compte la notion de marquage. Cela permet, une meilleure caractérisation des relations d’ordre en tenant compte de l’influence du marquage sur les relations d’ordre structurelles dans le réseau de Petri.

Afin de permettre une meilleure caractérisation des relations d’ordre dans un réseau de Petri, des travaux [Pradin et al 99], [Girault 97] ont été menés et ont abouti à une approche, dite avec marquage. Cette approche permet de prendre en compte le parallélisme dynamique d’un réseau de Petri. C’est celle que nous avons retenue pour notre travail car une prise en compte exacte du parallélisme est essentielle dans les scénarios.

Dans le cadre de cette approche, les transitions d’un réseau de Petri sont représentées par une proposition implicative. Nous représentons ainsi des instances de franchissement de transitions et non plus des transitions, et les propositions implicatives pourront être consommées au cours de la preuve, ce qui indiquera que la transition est effectivement franchie. Si la proposition implicative représentant la transition est consommée deux fois au cours de la preuve, cela signifie que cette transition a été franchie deux fois. En ce qui concerne le marquage, il est explicitement pris en compte.

Dans cette approche, une formule logique est associée à chaque marquage et à chaque transition. Un marquage correspond à la présence simultanée de jetons dans un ensemble de places. A chaque place correspond une proposition atomique. Un marquage est alors décrit par une formule conjonctive (connecteur⊗) de propositions atomiques. Ainsi, un marquage constitué d’un jeton dans la place A et d’un jeton dans la place Bse traduira par la formuleAB. Alors que le marquage est constitué d’un jeton dans la place A et aucun jeton dans la place B se traduira par la formuleA. Par contre, un marquage constitué de deux jetons dans la place Aet d’un jeton dans la placeB se traduira par la formuleAAB.

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Une transition exprime une relation de causalité (dite aussi une relation de cause à effet) entre deux formules de marquage. En effet, le marquage final est causalement lié au marquage initial car, quand ce dernier est consommé, ceci produit le marquage final. En conséquence une transition est traduite par une formule implicative (connecteuro). Le côté gauche de la formule établit le marquage minimal pour franchir la transition, tandis que le côté droit représente le marquage atteint après le franchissement de cette transition à partir du marquage minimal. Pour un réseau de Petri donné, cette traduction peut être formalisée de la façon suivante :

- un atome propositionnel Pest associé à toute place pdu réseau,

- un monôme en ⊗(Fois : la conjonction multiplicative) est associé à tout marquage ainsi qu’à toute pré-condition (Pre) ou post-condition (Post) de transition,

- une formule implicative est définie pour chaque transition tdu réseau de Petri :

o t po Post o i t pi e i p p t ) , ( ) , ( Pr : −−o

Chaque franchissement de transition est représenté par une instance de la forme implicative associée à la transition franchie.

L’accessibilité entre deux marquagesM0etMfest représentée par un séquent. La partie gauche de ce séquent contient la liste de tous les franchissements de transition permettant d’atteindre le marquageMf à partir du marquageM0. Cette partie du séquent contient également la formule représentant le marquage initial. Quant à la partie droite du séquent, elle contient la formule représentant le marquage final. Le séquent exprimant l’accessibilité entre les marquages M 0 et

f

M s’écrit sous la forme : M0,t1,...,tnMf

Le séquent spécifie quelles sont les transitions franchies (tireprésente la formule implicative correspondant à la transition ti et doit être répétée autant de fois qu’elle est franchie pour atteindreMf ).

2.5.1.3Equivalence entre accessibilité et preuve

[Girault 97] a montré qu’il y a équivalence entre la prouvabilité de certains séquents du fragment MILL de la logique linéaire et l’accessibilité dans un réseau de Petri. Afin d’illustrer cette équivalence entre accessibilité et prouvabilité, considérons un réseau de Petri muni d’un marquage initial M0et d’un marquage final Mf. L’équation fondamentale étantC=Post−Pre. Soit s une liste non ordonnée de transitions (sest le vecteur caractéristique, solution de l’équation fondamentaleMf =M0 +C.s. Il y a équivalence entre le fait de prouver le séquent

s

M0, Mf et celui de trouver une séquence σde franchissements de transitions menant de M0 à

f

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de franchissement de transitions (on franchit autant de fois la transition tiqu’elle se trouve dans la listes:σ =s ).

Puisqu’il y a équivalence entre l’accessibilité dans un réseau de Petri et la prouvabilité de certains séquents en logique linéaire, nous allons nous intéresser à comment conduire la preuve du séquent exprimant cette accessibilité à travers la construction d’un arbre de preuve canonique.