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L’impact est un phénomène extrêmement complexe et le modéliser avec exac- titude est une entreprise ardue si ce n’est impossible. Elle nécessiterait, a minima, une connaissance approfondie de la géométrie et de la cinématique de l’impact ainsi que des matériaux des corps en présence. De plus, ces informations sont des données empiriques qui ne peuvent être connues que a posteriori. Ainsi, on s’appuie généra- lement sur un modèle simplifié rendant compte de l’impact dans ses grandes lignes. Il existe principalement deux façons de traiter l’impact [Chatterjee 1997; Gilardi et Sharf 2002]. La première façon consiste à s’appuyer sur une loi constitutive, héritée des travaux de Hertz, qui lie la force de contact à la déformation subie par les corps en collision. Ces modèles permettent ainsi de calculer des forces extérieures s’appli- quant sur le système modifiant la dynamique de celui-ci. Ainsi, lorsqu’une collision est détectée, on pourra intégrer la dynamique du système pendant tout le temps que dure l’impact, jusqu’au décollement des corps. La seconde façon consiste à considérer l’impact comme un évènement discret, l’état du système post impact étant déduit, grâce à un système algébrique, de l’état pré impact. Cette méthode s’appuie sur un modèle dynamique impulsionnel allié à une loi constitutive de l’impact.

3.3.1

Modèle continu

Le modèle continu qui reflète au mieux la physique de l’impact fait intervenir la

méthode des éléments finis (MEF) [Kane et al. 1999; Pandolfi et Ortiz 2007]. Cette

méthode permet de prendre en compte des situations de contact complexes et de la possible fragmentation des corps en collision au détriment d’un temps de calcul et

d’un besoin en ressources qui peuvent être excessifs. De plus, les résultats obtenus par une telle modélisation requièrent une connaissance approfondie de la géométrie ainsi que des matériaux des corps en collision sous peine de fournir des résultats approchés. Ipso facto, nous évacuerons cette méthode pour nous concentrer sur des modélisations de l’impact, plus légères, compatibles avec une simulation temps réel, ou proche du temps réel, de la dynamique des systèmes étudiés.

Les modèles continus, ou modèles des forces continues, cherchent à modéliser les forces de contact survenant lors de l’impact. Ces forces, appliquées comme forces extérieures s’appliquant sur le système, permettent d’intégrer la dynamique du sys- tème pendant tout le temps que dure l’impact. Ces modèles continus de l’impact prennent leurs racines dans les travaux de Hertz [Hertz 1896a,b]. Celui-ci a déve- loppé un modèle de ressort non-linéaire liant la force de contact normale à la surface des deux corps à la déformation élastique locale de ces corps. La rigidité généralisée d’un tel ressort dépend des propriétés des matériaux ainsi que de la forme de la surface de contact. Dans [Goldsmith 1960], Goldsmith exprime ce coefficient pour plusieurs cas de contact et fait apparaître sa dépendance au coefficient de Poisson et au module de Young des objets en contact.

Cette première loi modélise l’impact sous la forme d’un ressort non-linéaire. En conséquence, elle se limite au cas des collisions élastiques et ne permet donc pas la dissipation d’énergie lors de l’impact. Pour palier ce défaut, un modèle de Kelvin- Voigt est utilisé, modélisant la force de contact normal sous la forme d’un ressort (linéaire dans un premier temps puis non-linéaire) et d’un amortisseur linéaire mis en parallèle [Goldsmith 1960; Dubowsky et Freudenstein 1971; Flores et al. 2011]. Bien que cette loi constitutive fasse apparaitre de la dissipation, point important et manquant de la loi de Hertz, elle présente tout de même des aspects problématiques du point de vue physique. En effet, à l’instant initial de la collision, lorsque la déformation est nulle, la vitesse relative des points de contact est, elle, non nulle ; la force de contact subissant alors une brusque variation. De même, après l’impact, à l’instant où le contact se rompt, bien que la déformation soit nulle, la vitesse relative des points de contact est, cette fois, négative. Il en résulte, toujours en raison de l’amortisseur, une force négative traduisant une adhérence des corps en collision, ce qui va à l’encontre du phénomène attendu [Johnson 1982; Marhefka et Orin 1999].

En réponse à ces problèmes, et après avoir montré que le modèle avec amor- tisseur linéaire ne représente pas fidèlement les échanges d’énergie lors de l’impact, [Hunt et Crossley 1975] proposent un nouveau modèle alliant la théorie de Hertz sur le contact à un amortisseur non-linéaire défini comme une fonction de la déformation ainsi que de la vitesse de déformation (voir figure 3.3). Exprimant l’amortissement comme une fonction, entre autre, de la déformation, ce modèle ne fait plus appa- raître de discontinuité en force lorsque le contact se crée ou se rompt (c’est-à-dire lorsque la déformation est nulle, voir figure 3.3).

Figure 3.3 – Force de répulsion en fonction de la déformation. Modélisation

de Hunt-Crossley pour deux sphères d’acier (R1 = R2 = 1 cm, E = 210 GPa,

ν = 0.28) entrant en collision avec une vitesse initiale de déformation de ˙δ− =

10 cm s−1 pour différents coefficients de restitution : ε = 0 (en bleu), ε = 0.5 (en

orange), ε = 0.9 (en jaune), ε = 1 (en violet).

Enfin, [Lankarani et Nikravesh 1994] proposent un nouveau modèle faisant ap- paraître, cette fois, une déformation résiduelle aux suites de l’impact. Ainsi la colli- sion se termine et le contact se rompt, non plus quand la déformation résiduelle est nulle, mais quand la force de répulsion est nulle. Cela permet alors de traduire une déformation permanente des corps en collision lors d’un impact plastique.

3.3.2

Modèle discret

La formulation discrète de l’impact s’appuie sur l’hypothèse que l’impact a lieu instantanément. Il en résulte que les corps en collision subissent une discontinuité de vitesse. Ainsi les accélérations et les forces réactions sont infinies et représentées par des impulsions de Dirac. De plus, le phénomène étant supposé instantané, la configuration du système dans son ensemble reste inchangée. Cette modélisation est principalement utilisée dans le cas d’impact entre corps supposés rigides.

L’intégration entre les instants avant et après impact de la dynamique permet d’établir un jeu d’équations algébriques faisant intervenir les quantités cinétiques et les réactions de contact impulsionnelles [Whittaker 1904]. Afin d’être résolubles, ces équations doivent être augmentées des équations de comportement des contacts tel que la loi de frottement d’Amontons-Coulomb et la loi de restitution de Newton, Poisson ou Stronge [Stronge 1990] paramétrées par les coefficients du même nom.

Les coefficients intervenant dans ces lois de restitution sont définis de diverses manières dont la première, historiquement, est attribuée à Newton. Newton intro-

duit ce coefficient afin d’étendre les lois du choc de Huygens au cas des impacts non parfaitement élastiques. Le coefficient de restitution de Newton, ou coefficient de restitution cinématique, est défini comme le ratio entre les vitesses post et pré- impact. Newton réalise des essais et mesure la perte d’énergie lors de la collision entre deux billes de matériau identique et présume, faussement, que ce coefficient est une propriété intrinsèque au matériau, ne dépendant donc ni de la géométrie, des surfaces ni des vitesses des corps en contact. Le coefficient de restitution peut également être défini comme le ratio entre la force normale impulsionnelle de la phase de compression et celle de restitution. Ce coefficient de restitution cinétique est attribué à Poisson par Routh dans [Routh 1897], qui le nomme le coefficient de restitution de Poisson. Dans [Stronge 1991], Stronge propose une formulation du coefficient de restitution qu’il définit comme la racine carrée du ratio de l’éner- gie restituée lors de la phase de restitution sur celle absorbée durant la phase de compression. Cette définition du coefficient de restitution se trouve être similaire à celle suggérée par Boulanger dans [Boulanger 1939;Stronge 1994]. Stronge [Stronge 1990, 2000] montre que les définitions cinématiques (Newton), cinétiques (Poisson) et énergétiques (Stronge) du coefficient de restitution sont équivalentes si l’on tient compte de la friction et que la direction du glissement varie au cours de la collision. De ces lois de comportement émanent différents modèles discrets de l’impact. Whittakker [Whittaker 1904] traite l’impact, tant suivant la normale au contact que dans le plan de celui-ci, au moyen de la loi de restitution de Newton. Ce modèle de l’impact peut aboutir à une surestimation des vitesses post-impact, en particulier du fait qu’il ne tienne pas compte du possible changement de direction du glissement tangentiel durant l’impact [Kane et Levinson 1985; Stronge 1991]. Pour combler le problème de gain d’énergie, Brach [Brach 1989,1991, 1998] propose une alternative pour tenir compte de la composante tangentielle de la force de réaction impulsion- nelle en introduisant un ratio entre celle-ci et la composante normale. Brach montre que ce ratio, assimilable à un coefficient de frottement est borné par des valeurs qui correspondent à l’absence de glissement lors de la séparation des corps et à la conservation de l’énergie [Brach 1989]. Pour sa part, Keller [Keller 1986] opte pour une vision où l’impact est vu comme un processus évolutif paramétré par la force impulsionnelle normale au contact. Il propose donc un modèle d’impact différentiel utilisant la loi de restitution de Poisson couplée à la loi de frottement d’Amontons- Coulomb. Ce modèle permet de déterminer les variations de direction de glissement durant l’impact et, ainsi, de calculer le frottement impulsionnel. De plus, Keller montre que, lorsque la direction de glissement est constante tout au long de la col- lision, son modèle aboutit aux mêmes résultats que ceux obtenus avec le modèle de Whittaker [Whittaker 1904]. Le modèle d’impact de Keller est par la suite généra- lisé au cas multi-contact par Hurmuzlu et Marghitu [Hurmuzlu et Marghitu 1994] qui , de plus, proposent une formulation intégrée du modèle d’impact différentiel [Hurmuzlu et Marghitu 1994; Miossec 2004].

Dans le contexte de cette thèse, la modélisation de systèmes holonomes et non- holonomes est basée sur la réduction projective. Pour cela, les contacts sont pris en compte sous la forme de contraintes cinématiques (voir chapitre 2). Ces contraintes définissent pour une configuration x = (g, r) les vitesses interdites et se marient donc tout naturellement avec la modélisation discrète de l’impact (voir section 3.10). De plus nous avons pris le parti de nous focaliser sur l’impact purement plastique ce qui nous permet de proposer une formulation réduite du modèle d’impact et de nous assurer d’obtenir des vitesses compatibles avec les contraintes post-impact.

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