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Si le fait de développer des modèles d’amas pour modéliser la thermodyna- mique d’alliages n’est pas en soi une démarche originale, le fait de s’attaquer à des systèmes quaternaires reste un exercice beaucoup plus rare, très peu d’études de ce type ayant été identifiées dans la littérature jusqu’à présent. Signalons l’existence d’un package de logiciels atat (Alloy Theoretic Automated Toolkit)1 qui permet de

construire un tel modèle et de l’exploiter du point de vue thermodynamique grâce aux calculs Monte-Carlo [35, 36]. Son utilisation semble robuste et des exemples ont déjà été publiés [37], bien qu’en réalité le modèle étudié est souvent réduit à un pseudo-binaire. En effet, cette méthodologie permet de passer difficilement outre la complexité chimique du problème qui apparaît quand le nombre d’espèces chimiques augmente.

Par souci de flexibilité, nous avons utilisé l’outil de développement en amas et le code Monte-Carlo développés par R. Besson au laboratoire [6, 7, 38], ainsi que son code de cvm dans l’approximation du tétraèdre. Au cours de ce travail nous avons mis en place un code de champ moyen de point.

2.2.1

Modèles énergétiques sur sites

Les modèles énergétiques présentés dans cette section sont dits « sur sites » ou modèles d’Ising.

Le modèle d’Ising a été initialement utilisé pour étudier le couplage entre les moments magnétiques dans un cristal (voir par exemple [39]). Il a été depuis largement adapté et adopté pour calculer des diagrammes de phases [40] à l’échelle atomique.

L’Hamiltonien généralement utilisé pour calculer l’énergie du système est de la forme :

H =X

α

Jασα (2.1)

avec α les différents types d’amas, Jα le coefficient énergétique associé à l’amas α

et σα l’indicatrice d’amas qui est non nulle en présence de l’amas α.

On trouve également des modèles plus élaborés avec des interactions magné- tiques, ce qui veut dire que des indicatrices spécifiques pour les moments magné- tiques sont présentes dans l’Hamiltonien. Certains proposent même de travailler à la fois dans l’espace réel et dans l’espace réciproque [6, 7, 10] pour tenir compte

2.2. Modélisation de la thermodynamique à l’échelle atomique 17 des interactions à longue portée. Nous renvoyons le lecteur au chapitre précédent pour une discussion générale sur les différentes approches que l’on trouve dans la littérature.

2.2.1.1 Troncature du développement en amas

Les amas choisis pour le modèle peuvent être des points, des paires, des triplets, etc. L’Hamiltonien est considéré comme satisfaisant lorsqu’il contient suffisamment d’amas pour décrire correctement l’énergie du système [5]. D’un point de vue pratique, il n’est pas possible de prendre en considération l’ensemble des amas, c’est pourquoi ce développement doit être tronqué tout en gardant une capacité prédictive.

L’idée générale consiste à admettre que les amas prépondérants dans le déve- loppement sont ceux contenant plutôt un faible nombre de sites et dont la distance entre sites est plutôt faible [41]. Dans la pratique, on tronque le développement et on constate que les valeurs prises par les coefficients énergétiques correspondant aux interactions à courte portée varient de façon parfois significative lorsque l’on prend ou non en compte telle ou telle couronne de voisinage, même assez lointaine. Pour ces raisons les interactions de courte portée doivent être vues comme des interactions effectives (dont la valeur dépend du nombre et type d’amas pris en compte dans le développement) plutôt que comme des énergies de liaison chimique par exemple. Certains auteurs [42] considèrent même que les interactions doivent dépendre de la composition, ce qui brouille davantage l’interprétation physique que l’on serait tenté de donner aux énergies d’amas.

Pour le système Pt-V, Bolloc’h et al. constatent également une atténuation de la valeur des coefficients, notamment à partir de la paire aux seconds voisins [43]. Pour le système Al-Zr, Clouet et al. ont montré que le point et les paires jusqu’aux seconds voisins contiennent la plupart de l’information [44]. Pour tenir compte de l’effet d’énergie libre des phonons, des coefficients dépendant de la température ont été proposés [45]. Dans notre cas, cette dépendance a été adoptée. Plus récemment (en 2015), Toda-Caraballo et al. ont développé des modèles chimiquement complexes, allant jusqu’au quinaire (Mo-Nb-Ta-V-W), sur réseau cc. Bien que l’exploitation de ces modèles se fait sur une plage très restreinte en composition et que seule la solution solide est attendue, la construction de ces modèles a nécessité 428 calculs ab initio. Ils remarquent que les paires premiers et seconds voisins sont significatives tandis que les interactions de paires troisièmes voisins sont beaucoup plus faibles [46]. Il faut tout de même garder à l’esprit qu’il y a 12 paires troisièmes voisins pour 8 paires premiers voisins et 6 paires seconds voisins par maille. Par conséquent, même si le coefficient énergétique est plus faible, il est à pondérer par le nombre d’amas maximal de chaque type qui peuvent être formés.

2.2.1.2 Taille et type d’amas

Calculer les cn coefficients J de l’équation (2.1) est aussi coûteux que de cal-

culer directement les énergies dft pour chaque configuration. Il apparaît évident que plus le nombre d’amas considéré est grand, plus le modèle sera précis [5], mais certains amas ont un coefficient énergétique proche de 0, pour une paire d’atomes suffisamment éloignés par exemple. On va sélectionner un nombre acceptable de coefficients J dans notre modèle et donc tronquer notre Hamiltonien en ne consi- dérant que les interactions les plus fortes.

2.2.1.3 Méthodes directes ou inverses

Comme indiqué dans le chapitre précédent, il existe deux catégories d’approches permettant de construire les modèle d’amas. Nous décrirons par la suite avec détail la méthode inverse [9] (par opposition aux méthodes directes [8, 47]) fondée sur des calculs ab initio [10].

2.2.1.4 Ajustement des coefficients énergétiques

Ici, nous avons choisi d’ajuster les coefficients énergétiques de l’Hamiltonien sur une base de données de calculs ab initio. Étant donné que nous nous inté- ressons particulièrement à la partie riche en fer du système, nous ajustons les coefficients sur des énergies de configuration de super-cellules riches en fer. Ce- pendant, Connolly et Williams ont ajusté les coefficients de leur modèle sur des structures ordonnées parcourant l’ensemble des compositions [41] en prenant autant de configurations que de coefficients énergétiques à ajuster, tandis que Van der Ven et Ceder ajoutent des structures dans la base de données (71 au total pour le binaire Al-Li) jusqu’à obtenir un modèle autocohérent [48].

2.2.1.5 Stabilité à 0 K

Les propriétés du système à 0 K sont un bon indicateur thermodynamique. Les états de base permettent par exemple de déterminer les composés préférentielle- ment formés.

Dans son manuscrit de thèse [49], Finel établit la liste des états fondamen- taux à 0 K d’un Hamiltonien de paires en fonction des valeurs des coefficients énergétiques, plus exactement en fonction du rapport de ces coefficients dans le cas d’interactions de paires jusqu’aux cinquièmes voisins.

Prenons l’exemple d’un alliage binaire A-B sur réseau cc avec un modèle de paires aux seconds voisins.

Si le coefficient énergétique d’une paire B-B premiers voisins J21,BB est positif,

2.2. Modélisation de la thermodynamique à l’échelle atomique 19 pour minimiser l’énergie. Par contre, si J21,BB est négatif, l’état le plus stable sera

celui qui compte le plus de paires A-A ou B-B, autrement dit la séparation de phase ou démixtion. Le raisonnement est similaire concernant les paires d’ordre 2. On a la confirmation, sur la figure 2.5, que dans le cas où J21,BB et J22,BB sont

tous les deux négatifs, le système évitera de former des paires (A-B) aux premiers et aux seconds voisins, ce qui conduit à la séparation de phases. Par contre, si la

J21,BB J22,BB 3J 2,BB 2 =2J 1,BB 2 3J 2,BB 2 = −2J 1,BB 2 A2 A2, B2 A2, D03, B2 A2, D03, B32 A2, B32

Figure 2.5 – États fondamentaux d’un Hamiltonien de paires aux deuxièmes voisins sur un réseau cc, d’après Finel [49]. Les structures correspondantes sont illustrées dans l’annexe A.

formation des paires B-B aux premiers voisins (J21,BB < 0) ou aux seconds voisins

(J22,BB < 0), sont favorisées, on formera respectivement les phases B2 ou B32.

Bien que restreintes à des températures proches du zéro absolu, les études des états fondamentaux sont précieuses dans la mesure où elles déterminent la partie à basse température des diagrammes de phases d’équilibre.

La figure 2.6 contient les résultats de cette même analyse sur réseau cfc. En 1989, Ackermann et al. ont étudié les modèles de paires aux seconds voi- sins [50] sur réseau cc. Pour ne pas négliger la corrélation entre les sites, leur choix pour le calcul de moyennes thermostatistiques se porte vers l’approximation du tétraèdre de la cvm, qui ne contient que des paires aux premiers et seconds voisins, avec des coefficients énergétiques notés W . Il s’agit ici d’interactions ef- fectives qui rendent compte à la fois d’interactions chimiques et magnétiques. Une étude paramétrique en cvm a été menée pour différentes valeurs de coefficients,

J21,BB J22,BB 2J2,BB2 = J 1,BB 2 J 2,BB 2 = −J 1,BB 2 A1 A1, L12, L10 A1, A5B, D022, P t2M0, A2B2 A1, A5B, A2B, L11 A1, L11

Figure 2.6 – États fondamentaux d’un Hamiltonien de paires aux deuxièmes voisins sur un réseau cfc, d’après Finel [49]. Les structures correspondantes sont illustrées dans l’annexe A page 165.

2.3. Modélisation à l’échelle atomique du système Fe-Al-Mn-C 21

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