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Modélisation du comportement des interfaces de chaussée avec Alizé

Premier essieu à roues simples – charge moyenne de 6,5 tonnes

4.4 Modélisation du comportement mécanique de la chaussée

4.4.4.1 Modélisation du comportement des interfaces de chaussée avec Alizé

températures

Dans les différents scénarios de modélisation avec Alizé et Viscoroute©, on a mis en évidence l’effet déterminant du comportement des interfaces entre le BBME et l’EME, et entre l’EME et la GB, sur la réponse mécanique de la chaussée. On a également montré que contrairement à ce qui est supposé dans les calculs de dimensionnement de chaussée, l’hypothèse d’interfaces collées n’est pas réaliste pour cette chaussée, en particulier à haute température. Cette hypothèse conduit à des déformations en extension calculées beaucoup plus petites que les déformations mesurées, notamment à haute température. Cette influence très forte du comportement des interfaces nous a conduit à adapter la stratégie de modélisation. Alors qu’initialement, l’objectif était surtout de caler les propriétés de couches de chaussées, on a été amené à examiner et caler plutôt différentes hypothèses de comportement des interfaces.

Les modélisations ont abouti à montrer que les déformations en extension peuvent être assez bien reproduites lorsque chaque interface est décrite comme une « couche mince intermédiaire », avec un comportement élastique ou viscoélastique, et une rigidité plus faible que celle des couches de BBME et d’EME. En comparant les calculs faits à 15°C et à 35°C, on a également constaté que la rigidité de cette « couche intermédiaire » diminue lorsque la température augmente.

Tous ces résultats suggèrent l’apparition de glissements aux interfaces, et montrent que le degré de collage des interfaces semble changer avec la température. Ce phénomène est probablement expliqué par le fait que la couche d’accrochage (émulsion bitumineuse) est très sensible à la température, et présente une faible rigidité à haute température. Cette observation est cohérente avec les résultats obtenus en laboratoire basés sur les tests de cisaillement de l’interface comme les résultats obtenus par (Bae, et al., 2010), qui confirment également une forte influence de la température sur la résistance des interfaces.

Pour cette raison, des modélisations additionnelles ont été réalisées afin de mieux caractériser la rigidité des interfaces, et leur variation avec la température, à la fois avec ALIZE et Viscoroute.

4.4.4.1 Modélisation du comportement des interfaces de chaussée avec Alizé

Dans un premier temps, les calculs pour évaluer l’influence de la température sur le comportement des interfaces ont été réalisés avec le logiciel ALIZE (calcul élastique linéaire). Pour ces calculs, comme expliqué dans le paragraphe 4.3.4, seul le premier pic des signaux de déformation (correspondant au premier essieu des poids-lourds) a été utilisé, car la charge du premier essieu peut être estimée (environ 65 kN, pour les poids lourds de 5 essieux de type T2S3), ce qui permet de remonter des déformations aux valeurs de module des couches. Dans les calculs, la charge est modélisée comme une roue simple chargée à 32.5 kN (représentant un

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essieu du premier essieu, voir Figure 4.51). La vitesse utilisée pour la modélisation est de 80 km/h (correspondant à une fréquence de 10 Hz environ). Les calculs de vitesse à partir des mesures de géophone présentés dans le chapitre VI de ce rapport montrent que la vitesse des poids lourds est généralement proche de 80 km/h, ce qui est bien conforme avec la modélisation.

Figure 4.51. Schéma du chargement de la roue simple chargée à 32.5 kN (représentant la moitié du premier essieu) dans Alizé (échelle en m)

Les modules des différents matériaux de la chaussée utilisés pour les calculs sont ceux calés avec les mesures initiales, présentés dans le Tableau 4.1. Ces valeurs ont été ajustées en fonction des valeurs moyennes mensuelles des mesures de température. Les résultats de modélisation sont ensuite comparés avec les valeurs moyennes mensuelles des déformations maxi mesurées in-situ obtenues avec le système d’acquisition à distance. Les calculs ont été effectués à nouveau avec les différentes conditions d’interface considérées précédemment: interfaces collées, totalement décollée, et interfaces représentées par une couche mince élastique. Dans ce dernier cas, le module de chaque interface a été ajusté, pour chaque moyenne mensuelle de température, pour approcher au mieux les mesures in-situ.

Les Figure 4.52 à Figure 4.54 présentent les résultats de ces calculs respectivement pour les déformations longitudinales à la base de l’EME, pour les déformations transversales à la base de l’EME et pour les déformations transversales à la base du BBME. Sur chaque graphique, les moyennes mensuelles des déformations mesurées à la base des couches d’EME et de BBME sont comparées avec les déformations calculées avec Alizé pour différentes conditions d’interfaces: collées, décollées et interface considérée comme une couche mince élastique.

Les mesures de déformations utilisées sont les mesures enregistrées avec le système d’acquisition à distance à partir du mois de mai 2015 jusqu’au mois de juin 2016.

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Figure 4.52. Comparaison entre les moyennes mensuelles des déformations longitudinales mesurées à la base de l’EME sous le premier essieu des poids-lourds de type T2S3 et calculées

avec Alizé, à différentes températures, et pour différentes conditions d’interface.

Figure 4.53. Comparaison entre les moyennes mensuelles des déformations transversales mesurées à la base de l’EME sous le premier essieu des poids-lourds de type T2S3 et calculées

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Figure 4.54. Comparaison entre les moyennes mensuelles des déformations transversales mesurées à la base du BBME, sous le premier essieu des poids-lourds de type T2S3, et calculées

avec Alizé, à différentes températures, et pour différentes conditions d’interface.

Les résultats montrent que les valeurs calculées de déformation avec la condition des interfaces collées sont nettement plus petites que les mesures, pour toutes les températures. Cette approche basée sur l’hypothèse classique de la méthode française de dimensionnement, sous-estime clairement les déformations horizontales, en particulier les déformations transversales, à la base des couches de BBME et d’EME. Les déformations calculées avec les autres hypothèses (totalement décollée et couches minces élastiques) sont similaires, et proches des valeurs mesurées. Les déformations varient exponentiellement avec la température, ce qui est cohérent avec les mesures in-situ.

Les modules des couches minces élastiques obtenus à différentes températures sont présentés sur la Figure 4.55. Les modules des couches d’interface sont faibles (typiquement entre 20 et 100 MPa), et diminuent lorsque la température augmente. Cette diminution est particulièrement importante entre 25°C et 30°C. Ces résultats sont intéressants car ils suggèrent que même pour les chaussées neuves, les interfaces des couches ne sont pas parfaitement collées. Le glissement entre les couches apparait, notamment à haute température, lorsque la rigidité de la couche mince est faible. La diminution du degré de collage entre les couches génère une augmentation des déformations en extension à la base des couches supérieures (les couches de BBME et d’EME), ce qui peut entrainer des phénomènes de fatigue, et donc affecter la durée de vie en fatigue de la chaussée.

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Figure 4.55. Modules estimés des couches minces représentant les interfaces entre couches bitumineuses calculés avec Alizé, en fonction de la température