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2.3 La modélisation des carbènes

Nous venons de voir que l’état de transition de la réaction de cyclopropanation serait l’étape d’attaque nucléophile de l’oléfine avec le carbène activé sous forme métallocarbène pour les comples μ-oxo et μ-carbido. Dans le cas du complexe μ-nitrido, ce serait plutôt l’étape de formation du complexe métallocarbène. Pour comprendre plus en détail cette disparité, la structure électronique de cet intermédiaire clé qu’est le métallocarbène a été étudiée pour chaque complexe. Pour cela, l’équipe de J.-M. Latour et P. Malvidi a dans un premier temps modélisé par calcul DFT la structure électronique de composés modèles des trois complexes ne contenant pas les groupes propyle. L’optimisation de géométrie a pu être comparée aux paramètres structuraux expérimentaux issus des résolutions de structure RX des complexes et validée.[184]Cela a ensuite permit le calcul des paramètres Mössbauer théoriques pour les comparer aux valeurs expérimentales obtenues par la même équipe afin de valider les modèles des structures électroniques des complexes. Il en a été déduit que la structure électronique des complexes porphyrazine est plus proche de celle des complexes phtalocyanine que de celle des complexes porphyrine.

Dans un deuxième temps, avec ces structures validées, les structures électroniques de chaque complexe métallocarbène correspondant ont pu être calculées avec la même méthode DFT.

Une légère augmentation de la valeur propre de la LUMO dans l’ordre de (FePzPr8)2O à (FePzPr8)2N et (FePzPr8)2C a été observée. Les LUMO des complexes de carbène (FePzPr8)2N et (FePzPr8)2C sont localisées sur les orbitales π* du ligand distal Pz, ce qui peut expliquer leur réactivité inférieure dans la réaction avec le styrène. Dans le cas du (FePzPr8)2O, c’est la LUMOβ 2pyinoccupée de l’espèce carbène radicalaire qui devrait être la plus favorable pour l’addition radicalaire initiale sur la double liaison du styrène.

L’affinité électronique de ces trois espèces carbène diminue dans l’ordre suivant : 101,1 kcal/mol pour le (FePzPr8)2O, 91,1 kcal/mol pour le (FePzPr8)2N et 82,9 kcal/mol pour le (FePzPr8)2C. Ceci est cohérent avec la tendance des valeurs propres des LUMO. Cela semble contre-intuitif parce que les états redox formels des ions Fe dans ces complexes augmentent de l’espèce μ-oxo à μ-carbido. Cependant, il faut tenir compte du fait que les molécules entières restent neutres et que le pont entre les deux atomes de fer devient de plus en plus donneur de μ-oxo à μ-carbido. Or, récemment, Wang et al. ont aussi rapporté que des substituants attracteurs d’électrons sur un complexe quinoïde-carbène de porphyrine

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de Ru réduisaient son électrophilicité et donc son efficacité dans la catalyse du transfert de carbène.[224]

Conclusion

Pour conclure, nous avons montré que les complexes dimères de porphyrazine de fer sont capable de catalyser la cyclopropanation des dérivés du styrène en utilisant l’éthyl-diazoacétate comme précurseur de carbène. Nous avons observé une activité catalytique suivant cette tendance : Fe(III)–O–Fe(III) > > Fe(IV)=C=Fe(IV) > Fe(III)–N=Fe(IV). Le complexe μ-oxo a montré une excellente efficacité catalytique avec un rendement de 95 % en produit de cyclopropanation du styrène pour 0,1 mol% de charge (TON = 950), avec une répartitiontrans/cisde 77:23. Ces différents systèmes ont été étudiés par des corréla-tions de Hammett et l’étude des structures électroniques de leurs complexes fer-carbènes correspondants afin d’expliquer leur différence d’activité. En effet, la réactivité en transfert de carbène est généralement associée à l’implication d’espèces carbène métalliques.[4,189]

Plusieurs complexes mononucléaires de fer-carbène ont été décrits bien que leur structure électronique fasse encore l’objet de débats dans la littérature.[41,218,219,225–227]

Les calculs DFT ont quant à eux montré que les complexes de carbène μ-O et μ-N présentent une densité de spin significative sur l’atome de carbone du carbène (0,9 e de densité de spin) et peuvent donc être décrits comme des espèces radicaloïdes. Contrairement aux complexes de carbène avec (FePzPr8)2N et (FePzPr8)2C ayant des LUMOs localisées sur les orbitalesπ* du ligand distal Pz, la LUMO de μ-O est une orbitaleβ 2pyinoccupée située sur l’atome de carbone radical de l’espèce carbène. Cette différence dans les structures électroniques peut expliquer la réactivité plus faible des espèces μ-C et μ-N et la réactivité beaucoup plus élevée des espèces μ-O. En effet, cette dernière structure devrait faciliter l’addition radicale initiale sur la double liaison du styrène suivie d’une cyclisation pour former le cycle cyclopropane. De récentes études DFT indiquent que les espèces de carbène sur les plates-formes porphyrinoïdes mononucléaires de fer peuvent prendre plusieurs configurations électroniques qui pourraient conduire à différentes réactivités.[228–230]Dans ce contexte, les homologues binucléaires peuvent fournir une grande variété de configurations structurelles et électroniques et de nouveaux types de réactivité et voies réactionnelles peuvent être révélés.

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Quatrième partie

Les complexes de phthalocyanine de fer

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Chapitre 1

[(15C5) 4 PcFe]Cl en synthèse de diamines

Introduction

N N

N N N N

N O N

O O O

O

O O O

O O

O O O O O

O

O O O O

Fe

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Cl

FIGURE1.1[(15C5)4PcFe]Cl .

Des dérivés d’acides aminés peuvent être préparés par l’insertion de carbène dans la liaison N–H d’amines. En utilisant le diazo acétate d’éthyle comme précurseur de carbène, cela permet de synthétiser des dérivés de l’acide aminé glycine. Comme nous avons pu le voir plus tôt dans l’introduction, de nombreuses méthodes de transfert de carbène à partir de composés diazo ont été développées. Elles utilisent avec succès différents complexes de porphyrine de Rh, Ru, Co et Fe et aussi des hémoprotéines modifiées y compris en insertion N–H.

Par contre, l’utilisation de phtalocyanines métalliques (MPc) dans les réactions de trans-fert de carbène a rarement été reportée,[157](voir également Partie 2, Chapitre 2) bien que les

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MPc soient des catalyseurs efficaces pour l’oxydation, la réduction et d’autres réactions.[75]

Des exemples récents d’utilisation de catalyseurs à base de phtalocyanine avec des pro-priétés catalytiques différentes de celles des complexes porphyrinoïdes apparentés pour la synthèse de molécules organiques sophistiquées suggèrent leur comportement cataly-tique particulier.[94,163] Toutes ces considérations nous ont incités à explorer l’utilisation de phtalocyanines de fer pour le transfert de carbène catalytique dans les liaisons N–H d’amines.

Cette partie des études a été menée en collaboration avec Dr Alexandre Martynov de l’équipe de Dr Yu. Gorbunova (Frumkin Institute of Physical Chemistry and Electroche-mistry, Russian Academy of Sciences, Russie). Les premières expériences ont montré que [(15C5)4PcFe]Cl catalyse efficacement la réaction de l’aniline avec le diazoacétate d’éthyle.

Cependant, contrairement aux observations avec les autres catalyseurs présentés jusqu’à maintenant, cette fois-ci, un précipité blanc a été observé. Après analyse par CPG-MS, en plus du produit d’insertion N–H simple attendu, il a été observé deux nouveaux pics entre 15 et 16 min (Figure 1.2).

FIGURE1.2Chromatogramme CPG-MS du milieu réactionnel après réaction.

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