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Méthodes de quantication des émissions de méthane d'un site

2.2 Modélisation atmosphérique

2.2.1 Modèles de dispersion

Un modèle est une représentation d'une réalité physique. Il se matérialise le plus souvent par un en-semble d'équations permettant de décrire cette réalité physique à partir de paramètres qui sont intégrés pour obtenir des diagnostiques ou des prévisions. Dans le cas de la pollution atmosphérique, les para-mètres comprennent entre autres les données météorologiques, la topographie du domaine ou le cadastre

d'émission. Les équations décrivent le transport des polluants dans l'atmosphère qui est principalement inuencé par la météorologie, les turbulences que l'on peut notamment rencontrer au niveau de la couche limite, mais également les transformations physico-chimiques et les processus de perte pouvant se pro-duire pour certains composés. L'équation de base est donc une équation d'advection-diusion issue de la loi de conservation de la masse. Les entrées à renseigner sont les paramètres météorologiques et les conditions aux limites (par exemple : des émissions de surface, puits, concentrations aux limites latérales et au sommet du domaine...) et les sorties obtenues avec ces modèles sont les champs de concentrations des polluants d'intérêts pour l'étude.

Parmi les diérents types de modèles existants, diverses approches sont envisageables suivant les situa-tions et les échelles modélisées, c'est à dire la taille du domaine sur lequel les calculs sont eectués. On distingue généralement l'échelle locale (jusqu'à quelques dizaines de kilomètres), l'échelle régionale (quelques centaines de kilomètres), l'échelle continentale (quelques milliers de kilomètres) et l'échelle pla-nétaire. Les modèles les plus utilisés à l'heure actuelle pour couvrir ces diérentes échelles sont présentés ci-dessous :

 les modèles gaussiens simulent le transport des polluants à l'échelle locale. Sous certaines hypothèses simplicatrices, les concentrations dans des panaches ou des bouées de polluants peuvent être calculés avec cette approche. Ces modèles présentent l'avantage d'avoir un coût de calcul très faible et sont présentés plus en détail dans la section 2.2.2.

 les modèles eulériens de chimie-transport (CTM) constituent une approche déterministe qui peut être utilisée à l'échelle régionale et continentale. Le domaine est discrétisé par l'intermédiaire d'un maillage plus ou moins complexe en paramétrisant les phénomènes sous-maille (turbulences, convection nuageuse...).

 les modèles de mécanique des uides (CFD, Computational Fluid Dynamics) sont utilisés pour des échelles "très" locales pour simuler avec une bonne précision des écoulements complexes. Pour cela, les équations de Navier-Stokes sont résolues sur un maillage n et adapté à l'objet d'étude.

 les modèles lagrangiens particulaires modélisent la trajectoire d'un grand nombre de par-ticules émises à partir d'une ou plusieurs sources. Le mouvement de chacune de ces parpar-ticules est composé d'une composante déterministe liée au champ de vent moyen et d'une composante stochastique décrivant la variabilité due à la turbulence. Les concentrations en polluants sont évaluées en fonction de la répartition de ces particules. Ce type d'approche peut être utilisé pour des échelles locales à continentales.

 les modèles système Terre permettent de représenter les interactions entre l'atmosphère, les océans et les surfaces continentales à l'échelle de la planète. La surface est également divisée en mailles plus ou moins grandes et les interactions d'une maille à l'autre sont modélisées par un certain nombre d'équations qui traduisent la conservation de diverses quantités physiques (masse, énergie, quantité de mouvement...).

Dans cette thèse, j'ai principalement utilisé un modèle gaussien adapté à l'échelle locale et à des sites présentant une topographie simple. J'ai également eu l'occasion de mettre en ÷uvre un modèle CFD dans le cas d'une topographie plus complexe (section 4.1.4).

2.2.2 Simulation du transport atmosphérique à l'échelle locale à l'aide d'un

modèle de panache gaussien

Un modèle gaussien décrit la dispersion d'un gaz passif du fait de la seule action du vent. Ce type de modèle ne prend pas en compte l'inuence de la topographie et d'obstacles susceptibles d'introduire des perturbations importantes de l'écoulement de l'air. La zone étudiée doit donc être relativement homogène, plate et sans trop d'obstacles, hypothèse raisonnable pour la plupart des sites industriels étudiés dans cette thèse qui sont situés en zone péri-urbaine voir rurale, souvent un peu à l'écart. La diusion moléculaire est négligée devant la diusion turbulente, ce qui implique que la vitesse du vent doit être au minimum de 1 à 2 m:s 1(Arya, 1999). Ce type de modèle est utilisé pour la modélisation de la dispersion des polluants à l'échelle locale, sur quelques centaines de mètres à quelques kilomètres. Il nécessite des données météorologiques simples telles que la vitesse et la direction du vent, les conditions de stabilité atmosphérique et des données sur la quantité et les caractéristiques des espèces dispersées. En absence de diusion moléculaire, en considérant la diusion turbulente homogène et isotrope et un champ de vent et une stabilité atmosphérique uniforme dans l'espace, le panache émis par une source

Chapitre 2. Méthodes de quantication des émissions de méthane d'un site

ponctuelle est modélisé selon une loi de distribution gaussienne dans deux directions (horizontale ortho-gonale au vent et verticale) comme l'illustre la gure 2.5. Toutes ces approximations sont pertinentes étant donné que l'on travaille à l'échelle de sites industriels et que nos mesures ont une durée d'une à deux heures en général et que le méthane peut être considéré comme un gaz passif.

Figure 2.5  Répartition gausienne de la concentration dans un panache de gaz passif.

En plaçant l'axe x dans la direction du vent, la concentration en polluant est donnée par la formule analytique suivante (Korsakissok, 2009) :

C(x; y; z) = 2Qs yzuexp  (y ys)2 22 y    exp  (z zs)2 22 z  + exp  (z + zs)2 22 z  (2.3) où (xs; ys; zs) représente les coordonnées de la source ponctuelle, C la concentration en polluant en un point de coordonnées (x,y,z), Qs le ux constant émis par la source, et u la vitesse du vent moyen. Cette formule prend en compte l'inuence du sol mais pas les dépôts. y et z sont les écarts-types de diusion horizontal et vertical et sont estimés à partir de formules empiriques reposant sur la stabilité de l'atmosphère que nous verrons plus en détail par la suite.

Les modèles gaussien nécessitent peu de données d'entrée et sont simples à utiliser mais présentent des limites car la topographie doit rester simple et les conditions météorologiques sont considérées station-naires sur des zones pouvant aller jusqu'une dizaine de kilomètres alors qu'elles peuvent en réalité varier dans le temps et l'espace.

La diculté dans un modèle gaussien est donc d'évaluer la diusion turbulente représentée par les écarts-types de diusion yet z. Ces coecients dépendent des caractéristiques de l'écoulement, de la stabilité de l'atmosphère et de la rugosité de la surface. Ils sont déterminés expérimentalement à partir d'essais à grande échelle. Il existe plusieurs façon de déterminer ces écarts-types, notamment en utilisant la distance d'éloignement entre la source de rejet et la localisation étudiée (Pasquill, Turner, Briggs, Hosker) ou bien le temps de transfert entre ces deux points (Doury).

Polyphemus : un système de modélisation de la qualité de l'air

Le système de modélisation de la qualité de l'air Polyphemus, développé par le CEREA (Mallet et al., 2007), rassemble diérents types de modèles permettant la représentation de la dispersion atmosphérique d'un certain nombre de polluants, tels que des gaz passifs, des radionucléides ou des aérosols, de l'échelle locale à l'échelle continentale (Korsakissok and Mallet, 2009).

Étant donné les conditions de vent relativement stables nécessaires aux mesures avec la méthode traceur, la discrétisation du panache d'émission en bouées n'est pas nécessaire dans notre étude et nous avons donc choisi d'utiliser le modèle de panache gaussien de la plateforme Polyphemus pour notre étude. De plus, ce type de modèle est parfaitement adapté à nos travaux à l'échelle du site où nous supposons que le méthane est un gaz passif et que les conditions météorologiques requises pour nos mesures atmosphériques sont susamment constantes.

Parmi les diérentes façon de déterminer les écarts-types de dispersion du modèle gaussien, Polyphemus propose de choisir entre les paramétrisations de Doury, Pasquill et Briggs (Korsakissok and Mallet, 2009). La détermination des écarts-types de diusion y et z dans chacune de ces paramétrisations

est dépendante de la stabilité de l'atmosphère. Si les échanges horizontaux sont essentiellement liés au transport par le vent, le transport vertical des polluants est principalement dû à la turbulence d'origine thermique. La turbulence atmosphérique est souvent associée à la notion de stabilité qui dépend du gradient thermique vertical. Une particule d'air sec qui s'élève à partir du sol et prend progressivement de l'altitude se détend et se refroidit alors d'environ 1tous les 100 mètres conformément à la loi des gaz parfaits, cette transformation physique porte le nom de transformation adiabatique sèche.

Pendant la journée, l'air se réchaue à proximité du sol du fait du rayonnement solaire incident et se refroidit rapidement avec l'altitude. L'atmosphère est alors dite instable car le gradient thermique que suit une masse d'air est plus grand que le gradient adiabatique. Dans cette situation, une masse d'air qui s'élève en altitude sous l'eet du vent rencontre de l'air plus froid et donc plus dense, ce qui favorise un déplacement vertical de l'air. Cette masse d'air a donc tendance à s'élever, la turbulence est donc très importante et la dispersion est favorisée. Au cours de la nuit, un phénomène d'inversion de température se produit le plus souvent, la température augmente avec l'altitude, ce qui va produire l'eet inverse et fortement stabiliser la colonne d'air. Dans cette situation, le gradient thermique que suit une masse d'air est plus faible que le gradient adiabatique. Une masse d'air qui s'élève sous l'eet du vent rencontre alors de l'air plus chaud. Étant plus dense, la montée s'arrête et la masse d'air retourne vers son point de départ. Une atmosphère stable freine donc la dispersion verticale des polluants. Une classication de la stabilité de l'atmosphère a été établie par Pasquill (1974) permettant de distinguer 6 classes de A à F, de l'atmosphère la plus instable à la plus stable. Les classes de stabilité sont associées à des conditions météorologiques données, à savoir la vitesse du vent et le rayonnement solaire incident, comme le montre la gure 2.6.

Figure 2.6  Les diérentes classe de stabilité de Pasquill suivant les conditions météorologiques ren-contrées.

Après avoir testé les diérents types de paramétrisation pour modéliser les concentrations en traceur, nous avons choisi de travailler avec la paramétrisation Briggs du modèle gaussien pour le reste de cette étude car elle prend en compte à la fois la stabilité de l'atmosphère et la présence ou non de bâtiments autour du site, ce qui la rend beaucoup plus modulable et adaptée que les autres paramétrisations. Formules de Briggs

Les formules de Briggs font partie des paramétrisations qui se basent sur les essais de Pasquill. Ces formules sont une tentative de synthétiser diérentes paramétrisations existantes en les interpolant pour des terrains ruraux ou urbains. Les écarts-types de Briggs sont donnés sous la forme générale :

y= p x

1 + x et z= x(1 + x) (2.4)

où x est la distance à la source dans la direction du vent et , et sont des coecients dépendants de la classe de stabilité. Ces formules sont données dans le tableau 2.2 pour le cas rural et le tableau 2.3 pour les terrains urbains.

La gure 2.7 présente les concentrations obtenues pour les diérentes classes de stabilité dans l'axe du vent ainsi que dans une de ses sections transversales pour un ux d'émission de 1 g:s 1 et une vitesse de vent de 5 m:s 1. On s'aperçoit de façon attendue que plus l'atmosphère est stable et plus le modèle donne des concentrations élevées lorsque l'on se trouve près de la surface. Il nous est également possible de constater que le mode rural permet d'obtenir des concentrations plus importantes que le mode urbain,

Chapitre 2. Méthodes de quantication des émissions de méthane d'un site

Table 2.2  Formules de Briggs pour terrain rural en fonction de la classe de stabilité de Pasquill et de la distance x à la source dans la direction du vent.

Stabilité atmosphérique y (m) z (m) A 0; 22x(1 + 0; 0001x) 1=2 0,20x B 0; 16x(1 + 0; 0001x) 1=2 0,12x C 0; 11x(1 + 0; 0001x) 1=2 0; 08x(1 + 0; 0002x) 1=2 D 0; 08x(1 + 0; 0001x) 1=2 0; 06x(1 + 0; 0015x) 1=2 E 0; 06x(1 + 0; 0001x) 1=2 0; 03x(1 + 0; 0003x) 1 F 0; 04x(1 + 0; 0001x) 1=2 0; 016x(1 + 0; 0003x) 1

Table 2.3  Formules de Briggs pour terrain urbain en fonction de la classe de stabilité de Pasquill et de la distance x à la source dans la direction du vent.

Stabilité atmosphérique y (m) z (m)

A-B 0; 32x(1 + 0; 0004x) 1=2 0; 24x(1 + 0; 001x)1=2

C 0; 22x(1 + 0; 0004x) 1=2 0,20x

D 0; 16x(1 + 0; 0004x) 1=2 0; 14x(1 + 0; 0003x) 1=2

E-F 0; 11x(1 + 0; 0001x) 1=2 0; 08x(1 + 0; 0015x) 1

ceci s'explique par le fait que la présence de bâtiments du mode urbain va déstabiliser l'atmosphère par rapport au mode rural. En regardant le prol des concentrations dans un axe transversal à l'axe du vent, on peut voir que l'instabilité de l'atmosphère se traduit par un étalement du panache du fait de la turbulence moins importante.

(a) (b)

Figure 2.7  Sensibilité du modèle gaussien aux diérentes classes de stabilité des modes urbain et rural de la paramétrisation Briggs (a) dans l'axe du vent à une hauteur de 1 mètre du sol et (b) dans une section transversale du panache d'émission située à 600 mètres de la source. Les courbes en pointillés correspondent aux concentrations modélisées avec le mode urbain pour les diérentes classes de stabilité et les courbes en trait continu correspondent au mode rural.

La gure 2.8 décrit la sensibilité du modèle en fonction de la vitesse du vent rencontrée lors des campagnes expérimentales. Il nous est possible de constater que pour une classe de stabilité donnée, plus la vitesse du vent est faible et plus les concentrations modélisées sont importantes.

Figure 2.8  Sensibilité du modèle gaussien à la vitesse du vent pour le mode rural de la paramétrisation Briggs (a) dans l'axe du vent à une hauteur de 1 mètre du sol et (b) dans une section transversale du panache d'émission située à 600 mètres de la source.

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