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2.7 Historique de la modélisation moléculaire

2.7.2 Modèles virtuels

Le premier système pour l'affichage interactif de structures moléculaires a été conçu au MIT en 1964. Cyrus Levinthal et son équipe [Levinthal1966; Levinthal1968b] ont conçu un programme pour travailler sur les protéines. Ce programme permettait l'étude des interactions à courte distance entre les atomes. L'affichage se faisait sur un écran d'oscilloscope monochrome (surnommé Kluge) montrant les structures dans un rendu de type « fil de fer » (Fig. 2.7.2.1a et 2.7.2.1b). L'effet tridimensionnel était rendu en faisant tourner la structure en permanence à l'écran. La vitesse de rotation pouvait être contrôlée à l'aide d'un dispositif de forme hémisphérique, disposé devant l'écran, sur lequel l'utilisateur laissait reposer sa main. L'ancêtre de la souris en quelque sorte.

C'est au milieu des années 1970 que pour la première fois une structure protéique a été résolue et modélisée uniquement sur ordinateur, sans passer par un modèle physique [Beem1977]. Pour ce faire, David et Jane Richardson utilisèrent un système appelé GRIP [Tainer1982] de l'université de Caroline du Nord.

À la fin des années 1970, de plus en plus de cristallographes construisent les structures nouvellement résolues uniquement sur ordinateur (« Electronic Richards' boxes ») et non plus des modèles physiques. Un des avantages majeurs de la modélisation par ordinateur est qu'il conserve les coordonnées atomiques, alors qu'avec un modèle physique il faut les mesurer manuellement, atome par atome.

En 1980, le TAMS [Feldmann1980] (« Teaching Aids for Macromolecular Structures ») fait son apparition. C'est un système peu onéreux qui consiste à regarder des images stéréoscopiques à l'aide de lunettes dans lesquelles deux diapositives sont enfichées (Fig. 2.7.2.1c). Le TAMS contenait des diapositives concernant les liaisons peptidiques, les hélices α, les feuillets β, la structure tertiaire, la structure quaternaire, les groupes prosthétiques et les sites actifs. Ce système comprenait 116 paires de diapositives couleurs et les lunettes servant à visualiser la stéréoscopie (Taylor Merchant). Chaque image était accompagnée d'un paragraphe de description et d'une question.

2.7.2 Modèles virtuels

(a) (b) (c)

(d) (e) (f)

Figure 2.7.2.1 – Évolution des représentations virtuelles. (a) le système de Cyrus Levinthal de 1964, nous pouvons voir l'écran de l'oscilloscope ainsi que le dispositif de contrôle, (b) une représentation en fil de fer de la myoglobine avec le système de Levinthal, (c) le dispositif de visualisation de Taylor Merchant utilisé pour le TAMS en 1980, nous voyons une paire d'images stéréoscopiques enfichées dans le dispositif, (d) une machine Evans & Sutherland PS390 de la fin des années 1980, écran 19", processeur cadencé à 10 MHz, 512 Kb de mémoire pour le système et 2 Mb de mémoire pour l'utilisateur, nous ne pouvons observer ici que l'écran ainsi que des dispositifs d'interactions, l'unité centrale de la taille d'un petit réfrigérateur n'est pas visible, (e) un exemple de kinemage qu'il est possible d'obtenir, (f) illustration de RasMol utilisant plusieurs modes de visualisation avec projection d'ombres

Dans les années 80 les ordinateurs de prédilection des cristallographes sont ceux fabriqués par Evans & Sutherland (Fig. 2.7.2.1d). Chaque ordinateur coûtait 250 000 $, il était capable d'afficher une carte de densité électronique, et l'utilisateur pouvait faire correspondre manuellement une chaîne d'acide aminé à l'intérieur de la carte. L'écran couleur affichait une chaîne d'acides aminés, avec un rendu fil de fer, qui pouvait tourner en temps réel. Ces systèmes utilisaient des graphismes vectoriels, les matrices de rotations étaient calculées par des processeurs dédiés, chaque dimension possédait son processeur (x, y et z). Le logiciel utilisé sur ces machines était FRODO [Jones1978].

Durant cette période, David et Jane Richardson, furent parmi les premiers à développer des programmes de représentations graphiques sur ordinateur de structures moléculaires. À la fin des années 80 cela donna naissance au programme CHAOS [Richardson1989] écrit dans le langage de l'ordinateur Evans & Sutherland PS300. En France dans les années 1980, Jean-Paul Mornon et son équipe développèrent sur ces machines un logiciel dédié : MANOSK [Thomas1990].

En 1992 les Richardson développèrent le « kinemage » [Richardson1992] (pour kinetic image), basé sur leurs programmes MAGE et PREKIN (Fig. 2.7.2.1). Du fait de son implémentation sur Macintosh, il s'agit du premier programme de visualisation moléculaire accessible au plus grand nombre. Ce système a été décrit dans l'article principal du premier numéro du journal « Protein Science », le programme était fourni sur une disquette avec chaque numéro.

Toutes les instructions pour utiliser les programmes PREKIN et MAGE étaient détaillées dans l'article pour pouvoir créer de nouveaux kinemages. Dans les cinq années qui suivirent, plus de 1000 kinemages avaient été crées pour illustrer des articles de Protein Science.

Le grand avantage des kinemages est que cela représente uniquement la sélection et le point de vue recherchés. Cela représente exactement ce que l'auteur veut montrer. Ce grand avantage est aussi un grand défaut, car l'utilisateur souhaiterait également pouvoir explorer la structure par lui même, sans a priori. Ce manque sera comblé par l'arrivée de RasMol en 1993 [Sayle1995].

L'histoire de RasMol commence en 1989, alors que Roger Sayle étudie l'informatique à l'Imperial College. Il s'intéresse particulièrement au problème de perception de la profondeur pour les représentations sur ordinateur. Il écrit alors un algorithme de « raytracing » suffisamment rapide pour permettre de représenter des rotations d'images projetant des ombres. Il en résulte le second algorithme le plus rapide de raytracing de sphères. Cependant, son algorithme ne sait produire que des sphères et nécessite un processeur parallèle pour fonctionner. En 1990, Roger Sayle intègre l'université d'Edimbourg, ou il continue le développement de son programme sous la direction du cristallographe Andrew Coulson. Plusieurs améliorations en terme de rapidité de l'algorithme font que la limite de transfert des processeurs parallèles ne suffit plus, il implémente alors son algorithme sur des machines mono-processeur, tout d'abord sur des machines Unix, et plus tard Windows et Macintosh. Le programme devint un outil de visualisation moléculaire complet, et dès 1993 il est utilisé pour l'enseignement et pour la création d'images de publications. Le programme devient libre de droit en juin 1993 après la soutenance de thèse de Roger Sayle (Fig. 2.7.2.1f).

2.7.2 Modèles virtuels Le nom RasMol vient de « raster » qui signifie « tableau de pixels d'un écran », et

« molecules ».

Le fait que Roger Sayle publie le code source de son programme a permis son adaptation sur de nombreux systèmes, et son inclusion dans de nombreux programmes dérivés.