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1.4 Organisation du manuscrit

2.2.2 Modèles rhéologiques standards

Lors des essais menés dans la section 2.1.2, la dépendance des paramètres méca- niques des matériaux viscoélastiques à la fréquence a été mise en exergue. Par leur nature, ces matériaux présentent un facteur de perte non nul, représentatif de leur capacité à dissiper de l’énergie sous forme de chaleur, ainsi qu’un module de stockage, variables en fonction de la fréquence. Les évolutions de ces paramètres mécaniques représentatifs de l’amortissement et de la raideur étant plus ou moins compliquées d’un matériau à l’autre et pour une plage de fréquence donnée, il existe des modèles plus ou moins élaborés.

Les comportements mécaniques élémentaires permettant de représenter le com- portement viscoélastique, l’élasticité et la viscosité, sont représentés respectivement par un ressort, noté Ee en 1D traction-compression, et un amortisseur Ev dans les modèles rhéologiques. Leur combinaison doit permettre de reconstruire les lois de comportement obtenues expérimentalement. La Figure 2.11 présente quatre modèles rhéologiques standards couramment rencontrés dans la littérature.

Le modèle d’amortissement structural ou hystérétique (Figure 2.11(a)) est com- posé d’un module E et un facteur de perte η constant représenté par un module complexe ˆE∗. L’expression qui lui est associé est la suivante :

ˆ

E∗ = E(1 + jη) (2.10)

Il s’agit d’une représentation très simple du comportement viscoélastique moyen du matériau. Il est donc généralement utilisé pour les matériaux peu amortis comme les matériaux métalliques. Le principal défaut de ce modèle, tel qu’il est présenté ici, est qu’il est non-causal ce qui limite son utilisation au domaine fréquentiel [Gaul 91]. Cette hypothèse vient de l’observation du comportement mécanique de certains ma- tériaux sous chargement cyclique qui présentent une énergie dissipée par cycle indé- pendante de la fréquence.

Il existe néanmoins un moyen de rendre ce modèle causal afin qu’il soit utilisable aussi bien dans le domaine fréquentiel que temporel. Les travaux menés sur le sujet par Makris [Makris 97] aboutissent à la formulation d’un modèle hystérétique causal où la partie imaginaire est la même que celle du modèle hystérétique idéal :

ˆ

E∗(ω) = E(1 + jηsgn(ω)) (2.11) et où la partie réelle est définie de manière à rendre le modèle causal. On peut remar- quer que le modèle hystérétique idéal est équivalent à celui exprimé dans l’équation 2.10 pour les fréquences positives.

2.2 Modélisation du comportement viscoélastique

Figure 2.11 – Modèle rhéologiques standards pour la viscoélasticité

Les modèles de Kelvin-Voigt, Maxwell, Zener (Figure 2.11(b),(c) et (d)) et Max- well Généralisé (Figure 2.12(a)) sont issus d’une modélisation du comportement vis- coélastique dit à variables internes où la fonction de relaxation C∗

ijkl(t)est approximée par un développement en série de Prony [Simo 06].

Le modèle de Kelvin-Voigt (Figure 2.11(b)) est un modèle simple composé d’un ressort et d’un amortisseur en parallèle. Son module complexe s’écrit :

ˆ

E∗(ω) = Ee+ jωEv (2.12) Il peut être utilisé en première approximation pour représenter un comportement viscoélastique mais uniquement sur une bande de fréquence étroite. De plus, il n’est adapté qu’aux basses fréquences car l’amortissement tend vers l’infini lorsque la fré- quence augmente.

Le modèle de Maxwell (Figure 2.11(c)) est composé d’un ressort et d’un amortis- seur en série et le module complexe associé peut s’exprimer sous la forme suivante :

ˆ

E∗(ω) = Ee jωτ

1 + jωτ (2.13)

avec τ = Ev/Ee le temps de relaxation. Cette configuration peut être utilisée pour modéliser le comportement viscoélastique mais il n’est valable que sur une plage fréquentielle réduite comme pour le modèle de Kelvin-Voigt et n’est pas réaliste en basse fréquence car elle ne possède pas de composante élastique pure.

Le modèle de Zener ou Solide Linéaire Standard de type Maxwell (Figure 2.11(d)) représente une première approximation réaliste du comportement viscoélastique. Son module complexe peut s’écrire sous la forme suivante :

ˆ

Caractérisation dynamique des élastomères et modélisation du comportement viscoélastique

où E0 correspond au module instantané du matériau c’est-à-dire lorsque t −→ 0 ou ω −→ +∞et E∞ correspond au module long terme c’est-à-dire lorsque t −→ +∞ ou ω −→ 0. Ces notations seront employées dans l’ensemble du manuscrit. Il est à noter que E0 = E∞+ Ee. Il s’agit d’un cas particulier du modèle de Maxwell généralisé, il est composé d’un ressort et d’une cellule de Maxwell ajoutée en parallèle ce qui lui permet de décrire une évolution plus physique du comportement mécanique. Cepen- dant, il est représentatif uniquement lorsque les sollicitations subies par le matériau sont contenues dans une bande de fréquence étroite ce qui est rarement le cas en dynamique.

La Figure 2.12 présente deux modèles rhéologiques standards mais plus complexes permettant de représenter le comportement viscoélastique des matériaux de manière plus fidèle. Le Modèle de Maxwell Généralisé (GMM) (Figure 2.12(a)) permet, grâce à l’ajout en parallèle d’un certain nombre de cellules de Maxwell de représenter fidèle- ment le comportement viscoélastique expérimental sur une large bande de fréquence en dynamique grâce à une distribution de fractions rationnelles décalées en fréquence. Le module complexe associé à ce modèle est le suivant :

ˆ E∗(ω) = E∞+ N X i=1 Ei jωτi 1 + jωτi = E∞ 1 + N X i=1 αi jωτi 1 + jωτi ! (2.15) où N désigne le nombre de cellules de Maxwell et Ei et τi représentent respective- ment la raideur dynamique et le temps de relaxation de la ieme cellule. Pour la suite, on note αi = Ei/E∞ la rigidification ou le ratio de raideur dynamique. De plus, E0 = E∞+PNi=1Ei.

La finesse du modèle est pilotée par le nombres de cellules et permet de modéli- ser des comportements viscoélastiques complexes (plusieurs transitions vitreuses par exemple). En revanche, cela entraine une augmentation du nombre de paramètres à identifier.

Par ailleurs, le GMM est issu d’une modélisation du comportement viscoélas- tique dit à variables internes où la fonction de relaxation C∗

ijkl(t) est approximée par un développement en série de Prony [Simo 06]. De nombreux logiciels du commerce (Abaqus, Nastran, ANSYS Workbench, etc.) proposent de renseigner le comporte- ment viscoélastique d’un matériau en s’appuyant sur ces séries de Prony. Dans ce qui suit, l’origine du GMM et son lien avec les séries de Prony sont explicités. En reprenant la loi de comportement d’un matériau viscoélastique dans le cas d’une sollicitation en traction uni-directionelle et dans le domaine temporel, on a :

σ(t) = Z t

−∞

E(t − s) ˙(s)ds (2.16) En faisant l’hypothèse que le comportement viscoélastique du matériau peut s’écrire sous la forme d’un développement en série de Prony :

E(t) E0 = α 0 (t) = 1 − N X i=1 αi0(1 − e−t/τi) (2.17)

2.2 Modélisation du comportement viscoélastique où α0

i = αi/(1 + αi), avec αi = Ei/E∞ et Ei = E0α0i, soit :

E(t) = E0− N X

i=1

Ei(1 − e−t/τi) (2.18) En incluant l’expression 2.18 dans l’équation 2.16, on obtient alors :

σ(t) = Z t −∞ E0− N X i=1 Ei 1 − e−(t−s)/τi  ! ˙(s)ds (2.19) Il est alors possible d’effectuer une intégration par partie sur cette expression telle que : σ(t) = E0(t) − N X i=1 Ei(t) + Z t −∞ N X i=1 Ei 1 − e−(t−s)/τi ˙(s)ds(2.20) où E∞(t) = E0(t) − N X i=1 Ei(t) (2.21)

Par ailleurs, s’il n’y a eu aucune déformation avant t = 0, alors (t 6 0) = 0 et ˙(t 6 0) = 0, la transformée de Fourier de l’équation 2.20 s’écrit :

ˆ σ(ω) = E∞ˆ(ω) + N X i=1 Ei jωτi 1 + jωτiˆ(ω) (2.22) Il est alors possible d’écrire la relation déformation/contrainte en ayant recours à un module complexe ˆE∗ tel que :

ˆ σ(ω) = Eˆ∗(ω)ˆ(ω) (2.23) avec ˆE∗(ω) = E∞+ N X i=1 Ei jωτi 1 + jωτi (2.24) On retrouve alors la formulation du modèle de Maxwell généralisé introduite précé- demment 2.15.

Il est aussi possible de retrouver le modèle de Maxwell généralisé exprimé sous la forme : ˆ E∗(ω) = E0− N X i=1 Ei jωτi 1 + jωτi (2.25) en commençant par effectuer une intégration par partie sur l’équation 2.16 :

σ(t) = E0(t) + E0 Z t

˙

Caractérisation dynamique des élastomères et modélisation du comportement viscoélastique

Figure 2.12 – Modèle de Maxwell généralisé (a) et modèle de Zener fractionnaire (b)

et en exprimant la fonction ˙α0(t) sous la forme suivante : ˙ α0(t) = N X i=1 −αi τi et/τi (2.27)

avant d’en effectuer la transformée de Fourier.

Afin de limiter le nombre de paramètres à identifier, une formulation alternative peut être mise en œuvre. Jusqu’à maintenant, la loi de comportement viscoélastique était écrite sous la forme d’une équation différentielle contenant des dérivées d’ordre entier :

σ + bdσ

dt = E∞ + a d

dt (2.28)

L’autre formulation repose sur l’écriture de la loi de comportement par l’intermédiaire de dérivées fractionnaires : σ + bd βσ dtβ = E∞ + a dα dtα (2.29)

L’introduction de ces dérivées fractionnaires en viscoélasticité trouve son origine dans les travaux de Bagley et Torvik [Bagley 86]. Ils ont démontré que cette approche permettait de modéliser un grand nombre de matériaux viscoélastiques tout en étant conforme aux principes de la thermodynamiques. Cependant, pour y parvenir, les paramètres du modèle doivent vérifier les conditions suivantes :

– la raideur à basse fréquence E∞ doit être strictement positive,

– les coefficients a et b qui traduisent le raidissement du matériau en fonction de ω doivent être strictement positifs,

– l’égalité α = β doit être vérifiée pour que le module reste borné et non nul pour les hautes fréquences,

– l’inégalité b/a > a0 doit être vérifiée pour que le module soit bien une fonction positive croissante de ω.

2.2 Modélisation du comportement viscoélastique La transformée de Fourier de l’équation 2.29 permet d’obtenir une expression du module complexe :

ˆ

E∗(ω) = E∞+ a(jω) α

1 + b(jω)β (2.30)

En posant a0 = E∞, a = E0τα, b/a = τβ−α/E0, et β = α, on obtient le modèle de Zener fractionnaire présenté Figure 2.12(b) et dont le module dynamique s’écrit :

E∗(ω) = E∞+ E0(jωτ ) α

1 + (jωτ )α (2.31)

Au niveau de la rhéologie, un nouvel élément est introduit afin de représenter ces dérivées fractionnaires : le spring-pot. La loi de comportement générique qui lui est associée est :

σ = ταEDα() (2.32)

où Dα représente l’opérateur différentiel temporel d’ordre fractionnaire (0 6 α 6 1). On peut remarquer que la fonction de cette élément est à mi-chemin entre le ressort et l’amortisseur. En effet, lorsque α = 0, le spring-pot se comporte comme un ressort pur de raideur E et lorsque α = 1 il est équivalent à un amortisseur avec un temps de relaxation τ.

En résumé, le recours aux dérivées fractionnaires permet de limiter le nombre de terme à utiliser pour décrire précisément le comportement viscoélastique. De ma- nière générale, cinq termes suffisent entrainant ainsi un diminution importante du nombre de paramètres à identifier. De plus, il s’agit d’un modèle causal mais une difficulté réside néanmoins dans l’écriture d’un schéma d’intégration numérique dans le domaine temporel [Rouleau 13].

La Figure 2.13 montre l’évolution du module de stockage et du facteur de perte en fonction de la fréquence pour ces différents modèles rhéologiques.

Caractérisation dynamique des élastomères et modélisation du comportement viscoélastique

Figure 2.13 – Évolutions du module et de la phase pour les différents modèles viscoélas- tiques (issues des travaux de Renaud [Renaud 11b])

Pour finir, notons que ces modèles rhéologiques mono-dimensionnels portant uni- quement sur le module d’élasticité ne sont pas suffisants pour servir de modèle tridi- mensionnels en raison des couplages existants entre les directions. Cependant, nous considérons que les matériaux étudiés dans ce manuscrit sont isotropes c’est-à-dire que les propriétés du matériau sont identiques dans les trois directions de l’espace. Dans ce cas, l’opérateur de la loi de comportement viscoélastique en 3D peut être entièrement décrit avec deux caractéristiques matériau seulement. Si nous appelons cet opérateur ˆCijkl∗ , tel que :

ˆ

σij(ω) = ˆCijkl∗ (ω)ˆkl(ω) (2.33) alors, une forme possible de ˆCijkl∗ est :

ˆ Cijkl∗ (E∗, ν) = Eˆ ∗(ω) (1 − 2ν)(1 + ν)         1 − ν ν ν 0 0 0 ν 1 − ν ν 0 0 0 ν ν 1 − ν 0 0 0 0 0 0 1−2ν2 0 0 0 0 0 0 1−2ν2 0 0 0 0 0 0 1−2ν2         (2.34)

2.2 Modélisation du comportement viscoélastique où ˆE∗ désigne le module d’élasticité du matériau et ν son coefficient de Poisson. La loi de comportement viscoélastique peut donc s’écrire sous une forme identique à celle de la loi de Hooke en élasticité mais avec des grandeurs complexes qui dépendent de la fréquence, de la température, etc. Dans ce cadre, un seul essai de caractérisation de type traction/compression est nécessaire pour créer l’opérateur ˆCijkl∗ . Il devient possible d’étudier le comportement mécanique en 3D d’une structure contenant des élastomères après une étape d’identification de la loi viscoélastique. Le comportement du silicone SI965 sera approximé par un modèle hystérétique où le module d’élasti- cité apparent E sera variable en fonction de la fréquence et de la température. Ce choix vient de la faible variation de son comportement mécanique dynamique sur l’espace fréquence-température défini par Thales LAS Fr. Le tBA/PEGDMA, quant à lui, servira d’exemple pour éprouver les méthodes développées dans le manuscrit. En effet, son comportement mécanique comporte une variation marquée sur l’espace fréquence-température considéré et en fait ainsi un cas intéressant. Son comporte- ment sera modélisé par un modèle de Maxwell généralisé.

2.2.3 Identification des paramètres du modèle de Maxwell Gé-