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Les modèles plus physiologiques

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B. Prédire et étudier la clairance dans un contexte de R&D pharmaceutique

IV. Les modèles in-vitro hépatiques pour l’étude de la clairance

2. Les modèles plus physiologiques

La matrice extracellulaire, les contacts intercellulaires, l'organisation multicellulaire et les échanges métaboliques au sein du microenvironnement sont essentiels pour l'organisation fonctionnelle des cellules hépatiques (Tetsuka et al., 2017). Les cultures 2D en monocouche ne peuvent évidemment pas reproduire cet environnement complexe et dynamique. En ce sens, la culture en 3 dimensions (3D), la culture sous flux et la co-culture peuvent participer à améliorer les compétences des modèles hépatiques.

a) Co-culture et Modèles hépatiques en 3D

Les progrès dans le domaine des biomatériaux, des micro-technologies et de l’ingénierie tissulaire ont fortement profité aux modèles hépatiques.

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Les interactions hétérotypiques et homotypiques sont connues pour créer un microenvironnement favorable et des conditions propices à la culture long terme. La co- culture d'hépatocytes avec différents types cellulaires est donc une solution pour prolonger les fonctions hépatocytaires (exemple : sécrétion d’albumine, activité des CYP, production d’urée…) grâce aux contacts physique cellule-cellule ou via la sécrétion de molécules bénéfiques aux activités cellulaires. Ainsi, la co-culture d’hépatocytes avec des fibroblastes, des cellules endothéliales et épithéliales, des HSCs, des Kupffers ou des cellules souches mésenchymateuses humaines ont démontré leurs capacités à prolonger les fonctions hépatocytaires (Khetani and Bhatia, 2008; Krause et al., 2009; Rose et al., 2016). Nous reviendrons en détail sur la co-culture au cours de nos études expérimentales.

La culture des hépatocytes en sphéroïdes est l’un des modèles 3D le plus utilisé. L’une des stratégies pour former des sphéroïdes consiste à prévenir ou à minimiser les interactions cellule-substrat tout en maximisant les interactions cellule-cellule. Avec cette procédure, les sphéroïdes sont générés par l’auto-assemblage de cellules en suspension, un processus qui comprend plusieurs étapes de réarrangement et de compactage d’agrégats cellulaires qui dépendent du réseau d’actine et de l’expression de molécules d’adhésion, telles que l’Integrine et la E-cadhérine (Tzanakakis et al., 2001). Les sphéroïdes forment des structures qui ressemblent à certaines organisations du foie in vivo. Leur formation s'accompagne de la production de matrice extracellulaire constituée de laminine, de fibronectine et de collagène (Brophy et al., 2009). Au sein des sphéroïdes, les hépatocytes sont bien polarisés et un vaste réseau de canalicules biliaires est formé (Tostões et al., 2012). Plusieurs modèles de sphéroïdes sont commercialisés pour répondre au besoin de l’industrie pharmaceutique. La société Insphero (Schlieren/Suisse) propose par exemple des plaques au format 96- ou 384- puits contenant chacun un sphéroïde. Leurs modèles sont principalement utilisés pour des études d’hépatotoxicité mais ils ont récemment développé un modèle pour étudier la fibrose et la stéatohépatite non alcoolique (Proctor et al., 2017).

Les fonctions hépatocytaires peuvent être encore améliorées lorsque les sphéroïdes sont co- cultivés avec des fibroblastes (Lu et al., 2005), des cellules pancréatiques (Lee et al., 2004), des cellules stellaires (Abu-Absi et al., 2004) ou des cellules souches mésenchymateuses provenant de la moelle osseuse (Alzebdeh and Matthew, 2017). Les sphéroïdes peuvent être formés grâce à des systèmes statiques contenant des surfaces « low binding » qui obligent les

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hépatocytes à s’auto assembler ; ou encore par des méthodes plus dynamiques telles que l’agitation à faible vitesse ou la perfusion pulsatile (Brophy et al., 2009; Goral et al., 2010). En raison de leur capacité à simuler la structure des tissus mous, les hydrogels tels que l'alginate, le collagène, le chitosane, l'acide hyaluronique et le polyéthylèneglycol (PEG) représentent des alternatives aux matrices extracellulaires classiques. Ces composés peuvent absorber une grande quantité de liquide et être utilisés comme des scaffolds (échafaudages). Les sphéroïdes peuvent par exemple être encapsulés dans des billes d’alginates pour prolonger l’activité des enzymes du métabolisme et les fonctions hépatocytaires (Capone et al., 2013; Tran et al., 2014; Cyprio.fr)

La bio-impression est également en plein essor dans le domaine de l’hépatologie. Ces méthodes ont l’ambition de produire des tissus biologiques de manière artificielle. Le développement de tissus vivants voire d’organes serait effectivement une avancée extraordinaire pour la médecine régénérative, la pharmacocinétique et plus globalement l’ingénierie tissulaire. La fabrication repose sur des imprimantes 3D capables de déposer couche par couche des cellules vivantes isolées ou en suspension dans des gels d’impression. L’impression d’organes complexes tels que le cœur, le pancréas, le foie ou les reins fait l’objet d’intenses recherches de par le monde. Ces recherches sont pleines de promesses mais n’ont pas encore abouti à des transplantations. En attendant, les tissus imprimés en 3D peuvent s’avérer utiles pour des études in vitro telles que la prédiction de l’hépatoxicité ou la modélisation de maladie stéatosique. La société Organovo (San Diego, Californie, Etats Unis) peut imprimer de petits tissus hépatiques (3mm² sur 0.5 mm d’épaisseur) directement en plaques 24-puits et à partir de différents types cellulaires (Neff, 2017). Leur modèle qui est viable sur plus de 4 semaines est principalement utilisé pour étudier les effets d’une exposition chronique de molécules au potentiel hépatotoxique (Nguyen et al., 2016). En fonctions des cellules qui le compose (Hépatocytes, Kupffer, HUVEC, cellules stellaires…), le modèle peut également s’avérer intéressant dans l’étude de la fibrose et de la pathogénèse de la NASH (Norona et al., 2016).

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b) Modèles de culture en flux

Afin de créer un environnement plus physiologique pour les hépatocytes et de lutter contre les problèmes de diffusion de l'oxygène et des nutriments, différents systèmes de perfusion ont été développés. L’objectif commun des nombreux travaux portant sur la culture dynamique est de stabiliser les fonctions hépatocytaires en imitant le stress de cisaillement présent in vivo dans les sinusoïdes hépatiques. Le plus gros challenge est de développer un système accessible et simple à utiliser.

L’augmentation des contraintes de cisaillement est bénéfique mais elle doit néanmoins être parfaitement contrôlée au risque de faire diminuer la viabilité (Tanaka et al., 2006; Catapano et al., 2009). Les premières tentatives ont abouti à des bioréacteurs imposants, complexes à manipuler et qui demandaient un grand nombre de cellules ce qui engendrait des coûts élevés. Ces aspects pratiques et économiques empêchent encore leur application systématique dans la recherche et le développement de médicaments (Bachmann et al., 2015). Les efforts déployés par les scientifiques ont longtemps été dilués par le manque d’interactions entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. L’amélioration des relations entre les laboratoires publics et privés observée depuis quelques années a été profitable et des initiatives pour produire des systèmes plus pertinents ont récemment vu le jour. Par exemple, les projets français « Hepatinov » ou plus récemment « CellSpace » ont été créés pour développer des approches thérapeutiques innovantes et construire une plateforme de dimension internationale dédiée à la construction de tissus et d’organes par bio-ingénierie. Dans ce type de projets transversaux, les connaissances et expertises de médecins, des CHU, des instituts de recherche et de sociétés privées sont mises en commun pour accélérer l’innovation et créer des solutions concrètes et pertinentes.

Actuellement, plusieurs modèles dynamiques sont commercialisés pour des applications de DMPK et de toxicologie prédictive. Le système LiverchipTM proposé par la société CnBio

(Hertfordshire/Angleterre) propose par exemple des plaques pouvant atteindre 36-puits qui intègrent chacun une micro-pompe pneumatique. La perfusion se fait au travers d’un scaffold dans lequel les hépatocytes forment des structures 3D. Les hépatocytes peuvent être cultivés jusqu’à 40 jours sans perte significative des fonctions hépatiques (Tsamandouras et al., 2017; Rowe et al., 2018). Le système a également été utilisé pour l’étude de maladies hépatiques

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comme l’hépatite B et la stéatose (Kostrzewski et al., 2017; Ortega-Prieto et al., 2018). L’une des premières versions de ce système avait été testée par Sanofi et avait fourni des résultats intéressants (Vivares et al., 2015). Un problème de fixation non spécifique des composés sur le système était toutefois problématique notamment pour les composés très lipophiles. Ce problème est observé sur beaucoup de systèmes fluidiques en raison de la nature du matériel (pompe, membrane, tubes…). D’autres sociétés tels que Hurel, HemoShear, Emulate, Kirkstall proposent également des système fluidiques ou micro-fluidiques destinés à stabiliser les hépatocytes (Novik et al., 2010; Dash et al., 2013; Rashidi et al., 2016).

Les bioréacteurs à fibres creuses (hollow-fiber) sont un autre exemple de culture en perfusion. Dans ce type de système, les cellules se fixent à la surface des fibres et se réorganisent pour générer un micro-environnement proche de la situation physiologique in vivo tandis que d’autres fibres (creuses) conduisent l'oxygène et les nutriments (De Bartolo et al., 2009; Shen et al., 2010). Les dispositifs originaux qui nécessitaient plus de 800 mL de milieu et plusieurs centaines de millions de cellules ont été réduits à 0.5 mL de milieu et 20 millions de cellules (Hoffmann et al., 2012). Dans ce système les hépatocytes ont maintenu l'activité enzymatique et l'expression mRNA des enzymes de phase I (CYP1A2, CYP3A4 / 5, CYP2C9, CYP2D6, CYP2B6), de phases II et des transporteurs jusqu'à trois semaines (Lübberstedt et al., 2015).

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