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Chapitre 3. Hypothèses, objectifs et méthodes

3.4. Modèles expérimentaux

Plusieurs espèces animales ont été utilisées dans la littérature pour étudier la pathogenèse de l’athérosclérose et pour évaluer les traitements anti-athérosclérotiques. Les modèles animaux les plus utiles ont été restreints jusqu’au début des années 90 à de larges animaux tels que les primates, les cochons et les lapins. Ces modèles animaux présentent cependant des lacunes importantes: les lapins sous diète riche en gras présentent par exemple des lésions qui ne miment pas les lésions humaines du fait qu’elles sont beaucoup plus riches en lipides et en macrophages (Jawień et al., 2004). Les cochons et les singes, bien que considérés comme des modèles animaux plus appropriés pour mimer la maladie humaine, sont associés à un coût élevé et sont plus difficiles à manipuler. L’utilisation des rongeurs, telles que les souris, permet de surmonter certains de ces problèmes et rend possible la planification de protocoles expérimentaux incorporant un grand nombre d’animaux (Jawień et al., 2004). Notons que la majorité des lignées de souris sont résistantes au développement de l’athérosclérose. Par contre, les souris C57BL/6 nourries avec une diète riche en lipides et en cholestérol et contenant de l’acide cholique développent, au niveau des valves aortiques, de fines couches sous-endothéliales de cellules spumeuses (Jawień et al., 2004). Cependant, l’étude de l’athérosclérose chez ces souris est limitée du fait que les lésions ne se développent pas au niveau des mêmes sites anatomiques que les lésions humaines, ne progressent pas avec le temps, et que la diète qui doit être utilisée doit

contenir des niveaux élevés de cholate qui est un composant non physiologique et hépatotoxique (Jawień et al., 2004). C’est ainsi que les modèles murins transgéniques présentant une perturbation du métabolisme lipidique (Plump et al., 1992) ont été développés sur un fond génétique C57BL/6J, telles que les souris déficientes en apolipoprotéine E ( souris apoE-/-) (Nakashima et al., 1994) ou en récepteurs LDL (LDLR-/-) (Ishibashi et al., 1993).

L’apoE est une glycoprotéine synthétisée essentiellement par le cerveau et le foie, et c’est un constituant de toutes les lipoprotéines, à l’exception des LDL. L’apoE joue un rôle important dans le métabolisme des lipoprotéines: 1) c’est un ligand pour les récepteurs hépatiques qui permettent la clairance des chylomicrons et des VLDL par le foie (LDLR et LDL receptor related protein, LRP); 2) l’apoE synthétisée par les macrophages au niveau des vaisseaux joue un rôle dans l’inhibition de l’inflammation vasculaire et dans l’homéostasie cellulaire du cholestérol (efflux); 3) l’apoE réduit l’absorption intestinale du cholestérol et augmente son excrétion biliaire (Meir and Leitersdorf, 2004). Les souris apoE-/- et LDLR-/- sont les 2 modèles murins d’athérosclérose les plus utilisés dans l’athérosclérose. Ces deux modèles présentent plusieurs différences phénotypiques. Lorsque soumises à une diète normale, les souris apoE-/- développent une hypercholestérolémie (niveaux de cholestérol ~ 10-13 mmol/L) où le cholestérol est contenu essentiellement dans la fraction non-HDL (Plump et al., 1992; Nakashima et al., 1994). Chez les souris apoE-/-, l’utilisation de diètes athérogènes riches en lipides et en cholestérol (diète de type Western ou de type HFHC) augmente drastiquement les niveaux plasmatiques de cholestérol (>29.5 mmol/L) et permet

d’exacerber et d’accélérer le développement de l’athérosclérose (Plump and Breslow, 1995; Nakashima et al., 1994) (Figure 22).

Figure 22. Formation des lésions athérosclérotiques chez les souris déficientes en apolipoprotéine E. Diagramme montrant le timeline associé à la formation des lésions athérosclérotiques chez les souris apoE-/- (figure traduite de Nakashima et al., 1994)

[Nakashima et al.,Arterioscler Thromb Vasc Biol 1994; 14: 133-140, with permission of

Wolters Kluwer Health/Lippincott Williams & Wilkins].

Au niveau morphologique, les lésions athérosclérotiques des souris apoE-/- ressemblent à celles humaines (Meir and Leitersdorf, 2004) et présentent toutes les étapes caractéristiques de la pathologie chez l’homme, allant des stries lipidiques aux plaques fibreuses et vulnérables (Nakashima et al., 1994; Reddick et al., 1994). Des lésions complexes peuvent même être détectées au niveau de l’artère carotide (Johnson et al., 2001) ou au niveau de l’artère brachiocéphalique chez les souris âgées (> 42 semaines) où une rupture de la chape fibreuse et une hémorragie intra-plaque peuvent être observées (Rosenfeld et al., 2000; Williams et al., 2002). Les lésions des souris apoE-/- présentent des caractéristiques inflammatoires et oxydatives similaires à celles identifiées chez l’homme au niveau des plaques ainsi qu’au niveau de la circulation

Infiltration des monocytes Cellules spumeuses Lésions intermédiaires Plaques fibreuses Diète normale Diète athérogène Âge (semaines) Infiltration des monocytes Cellules spumeuses Lésions intermédiaires Plaques fibreuses Diète normale Diète athérogène Diète normale Diète athérogène Âge (semaines)

sanguine (augmentation de l’adhésion des leucocytes à l’endothélium et présence des PCoxCD36) (Podrez et al., 2007). Au niveau tissulaire, la conversion des macrophages en cellules spumeuses et la présence du LDLox et des PLox est observée au niveau des plaques (Podrez et al., 2002a). Sous une diète normale, les souris LDLR-/- développent une hypercholestérolémie plus limitée que celle observée avec les apoE-/- (5-6.5 mmol/L) mais ces souris ne développent que des lésions athérosclérotiques minimales (Powell-Braxton et al., 1995; Ishibashi et al.,1993). Sous une diète de type Western, les souris LDLR-/- présentent une exacerbation de l’hypercholestérolémie (~31 mmol/L) mais le développement de l’athérosclérose reste plus limité que celui des souris apoE-/- (Lichtman et al., 1999, Nakashima et al., 1994). Une autre différence entre ces 2 lignées est leur profil inflammatoire et oxydatif. Comme chez l’homme (Shaw et al., 2001), les souris apoE-/- produisent des anticorps dirigés contre des épitopes du LDLox (Horkko et al., 1999; Chang et al., 1999) qui ne sont présents que minimalement chez les souris LDLR-/- (Kennedy et al., 2009). De plus, comparé au LDL isolé du plasma des souris LDLR-/-, le LDL isolé des souris apoE-/- présente un certain degré d’oxydation (sans aucune modification exogène) qui induit in vitro la formation des cellules spumeuses principalement via son interaction avec le CD36, alors que le LDL isolé des souris LDLR-/- est mal reconnu par les récepteurs éboueurs (CD36, SR-A) (Zhao et al., 2005). Étant donné ces différences, le modèle de souris apoE-/- s’est avéré être plus approprié pour nos études expérimentales que le modèle LDLR-/-. Il faut cependant signaler que toutes les lignées de souris présentent des profils lipidiques différents de ceux de l’homme, avec des niveaux naturellement élevés de HDL et bas de LDL. De plus, les souris sont déficientes en CETP (cholesteryl ester transfer protein) qui assure le

transfert des esters de cholestérol du HDL aux VLDL et LDL (Meir and Leitersdorf, 2004). Malgré ces différences, les souris apoE-/- présentent un phénotype athérosclérotique qui mime la pathologie humaine et sont considérées un modèle de choix dans l’étude expérimentale de l’athérosclérose (Jawień et al., 2004; Drew, 2000).

Afin de vérifier les effets anti-athérosclérotiques des ligands sélectifs du CD36, nous avons utilisé des souris apoE-/- et apoE-/-CD36-/- (Febbraio et al., 2000) soumises à une diète riche en lipides et cholestérol (diète HFHC; Research Diets Inc. # D12108 contenant 40 kcal% en lipides saturés, 1.25% en cholestérol, 0% acide cholique) à partir de 4 ou 6 semaines d’âge. Les souris ont été réparties arbitrairement en 2 groupes et traitées par injection s.c. avec le EP 80317 (300 µg/kg/jour) ou le véhicule, NaCl 0.9%, pendant différentes périodes de temps jusqu’à leur sacrifice à 18 semaines d’âge. La dose du EP 80317 a été choisie à partir d’études préliminaires d’essais dose-réponse (Marleau et al., non publié). La diète D12108 a été choisie du fait qu’elle contient un pourcentage élevé en cholestérol, ce qui nous permet d’accélérer le développement de l’athérosclérose et de raccourcir la durée de l’étude (sacrifice à 18 semaines). Très récemment, Kennedy et al. ont montré qu’afin d’étudier le rôle du CD36 dans les modèles murins, il faut que les souris soient nourries une diète riche en lipides et en cholestérol (1.125% cholestérol) plutôt qu’une diète de type Western (0.2% cholestérol) ou normale. En effet, le groupe a montré que des teneurs élevées en cholestérol, comme celles utilisées dans nos expériences, sont nécessaires pour induire une réponse inflammatoire (Vergnes et al., 2003) qui permet de générer in vivo les ligands athérogènes du CD36, les PCoxCD36 (Kennedy et al., 2009).

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