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Vers des modèles cinétiques pour la propagation du crapaud buffle . 24

Le but de ce travail est de trouver un modèle mathématique pour lequel une invasion accélérée est observée et qui, de surcroît, propose des vitesses d’expansion du front proches de la réalité.

Dans cette optique, nous proposons un travail moins ambitieux. Nous étudions deux mo-dèles sans évolution des traits de dispersion et nous les confrontons à des données relevées sur le terrain par des biologistes.

Pour ce faire, nous adoptons la même méthode que [91]. Ainsi, nous séparons nos modèles en deux phases : une phase dite de dispersion et une phase de reproduction. Nos deux mo-dèles sont semi-discrets. Pendant la phase de dispersion, nous supposons que les individus se déplacent suivant un processus à sauts de vitesse. Pour la phase de reproduction, nous consi-dérons que la population totale est simplement augmentée par un coefficient multiplicateur (voir formule (5)).

Nos deux modèles ne diffèrent que par leur phase de dispersion, la phase de reproduction est identique. Les modèles de dispersion sont inspirés par notre observation des données trajectorielles de 22 crapauds observés au cours de la saison humide de 2005. Ces données ont été relevées par Gregory Brown, Benjamin Phillips et Richard Shine. 22 crapauds ont été suivis au cours de la saison humide de 2005 (de novembre 2004 à avril 2005). Pour relever la position journalière d’un crapaud la méthode employée sur le terrain est la suivante : on capture le crapaud, on l’équipe d’une ceinture contenant une balise GPS et on le libère ensuite. La balise GPS émet un signal chaque jour à la même heure donnant la position du crapaud.

Les deux processus à sauts de vitesse que nous considérons sont tirés de nos observa-tions des données trajectorielles fournies par les biologistes. Pour chacun des deux modèles, 24

3. Principaux résultats obtenus

nous supposons qu’un individu se déplace suivant le processus aléatoire suivant : l’individu alterne des phases de déplacements rectilignes uniformes et des phases (instantanées) de re-distribution de vitesse. Nous supposons que les phases de déplacements durent pendant un temps aléatoire de loi exponentielle de paramètre z> 0, après quoi l’individu change de vi-tesse. Lorsqu’un tel changement a lieu l’individu doit alors choisir une nouvelle direction et une nouvelle vitesse. C’est principalement dans cette redistribution en vitesse que nos deux modèles se distinguent l’un de l’autre.

Le modèle EWR

Ce modèle se fie sur l’observation de l’histogramme donné en Figure 12. Cet histogramme représente tous les déplacements journaliers des 22 crapauds observés. Comme nous pouvons le voir, les données présentent une majorité de crapauds ayant des déplacements courts (de 0 à 100 mètres), mais également une petite quantité d’individus ayant des déplacements très grands (de 600 à 1700 mètres). Nous pouvons tirer de cet histogramme une loi de répartition empirique des vitesses.

Dans ce modèle, nous supposons que, lors d’un saut de vitesse, un individu choisit une nouvelle vitesse selon la loi empirique tirée de l’histogramme 12. Le modèle tire son nom de l’existence de trois modes de déplacements : le mode "en campement" où le crapaud ne bouge pas du tout (cf. le bâton bleu dans l’histogramme), le mode "en marche" (walking en anglais) correspondant aux vitesses comprises entre 0 et 600 mètres par jour et le mode "en course" (running en anglais) pour les vitesse supérieures à 600 mètres par jour.

Le modèle ER

Pour ce modèle, nous considérons 5 paramètres : z, dm, de,γ et vM. Nous supposons que les individus marchent pendant un temps aléatoire de loi exponentielle d’espérance dm puis font une pause pendant un temps de loi exponentielle d’espérance de. Durant la phase de marche, les individus changent de direction après des temps aléatoires de loi exponentielle d’espérance

1

z. Lors de la redistribution de leur vitesse, les individus choisissent une nouvelle vitesse uniformément sur [0, vM] et une nouvelle direction choisie en fonction de leur précédente direction de marche. Si cette dernière direction est donnée par l’angleθ qu’elle fait avec l’axe

Nord-Sud, nous supposons que la nouvelle direction est donnée par une loi de wrapped Cauchy de moyenneθ et de paramètre γ. La loi de wrapped Cauchy est une loi de probabilité

sur [−π, π] qui correspond à la loi de Cauchy sur R modulo 2π. Plus γ est grand, plus

la variance de la loi est grande. Nous représentons la densité de probabilité de la loi de wrapped Cauchy en Figure 13. Ce coefficient γ est interprété dans notre modèle comme la

directionnalité. En effet, plus γ est faible, plus la nouvelle direction choisie est proche de la

précédente. De même, z est interprété comme la persistance puisque, plus z est faible, moins l’individu change de direction.

Estimation des paramètres et calcul de la vitesse d’invasion

Pour étudier la pertinence de nos modèles, nous comparons leur vitesse de propagation théorique avec celle constatée en Australie au cours de l’année 2005 (légèrement supérieure à

Introduction

Figure 12 – Histogramme des déplacements journaliers des crapauds

0 200 400 600 800 1 000 1 200 1 400 1 600 1 800 0 50 100 150 200 250

L’échantillon de données dont nous disposons sont les positions journalières de 22 crapauds relevées pour chaque crapaud pendant plusieurs jours. De ces données, nous tirons le déplacement journalier en calculant la distance entre les positions successives des crapauds. Nous obtenons ainsi 510 déplacements journaliers représentés dans l’histogramme ci-dessus. Nous représentons l’histogramme obtenu pour les classes]100n, 100(n+1)], où n∈0, . . . , 1.6. Nous représentons également la classe{0}par un bâton bleu.

3. Principaux résultats obtenus

Figure 13 – Densité de probabilité de la loi de wrapped Cauchy

Densité de la loi de wrapped Cauchy d’espérance 0 pourγ= 0.4 (en rouge)γ =0.6 (en bleu),γ =1

(en vert) etγ=100 (en mauve).

La densité est donnée par la fonction f(θ) = 1

2π · sinh(γ)

cosh(γ) −cos(θ−θ0),

θ0 est l’espérance (ici, θ0 = 0). Plusγ est grande, plus la fonction a tendance à s’écraser vers la

Introduction

50km/an, cf. Figure 1). Deux problèmes se posent alors.

Le premier problème est d’arriver à établir une vitesse théorique de propagation pour les modèles. Pour ce faire, nous nous inspirons des méthode employées dans [26] pour trouver des solutions en ondes progressives à l’équation (6) et nous utilisons un calcul numérique pour trouver la vitesse.

Le second problème concerne les paramètres du modèle. Naturellement, la vitesse d’inva-sion théorique des deux modèles est une fonction de ces paramètres, que nous devons estimer à l’aide des données.

Pour les paramètres dans la phase de reproduction, nous nous fions aux données commu-niquées dans [80] et les références contenues à l’intérieur. Cet article donne des données sur la survie du crapaud aux différentes phases de son développment et sur le taux de fécondité des femelles. Expliquons à présent comment nous estimons les paramètres dans la phase de dispersion.

Pour le modèle EWR, nous avons déjà expliqué comment notre étude de l’histogramme 12 nous permet de sélectionner une loi empirique pour la redistribution de vitesses.

Pour le modèle ER, nous estimons les paramètres dm, de, vM, γ et z par un calcul

baye-sien approché sur les trajectoires. Cette méthode consiste à simuler une grande quantité de trajectoires du processus ER pour une multitude de coefficients dm, de, vM, γ et z et, par un

algorithme de rejet (appelé algorithme ABC), à ne garder que celles qui sont les plus proches des véritables trajectoires des crapauds. À présent, présentons rapidement nos résultats.

La vitesse calculée pour le modèle EWR (15km/an) est trop faible comparée aux 50km/an constatés. Pour le modèle ER, un nombre non-négligeables de paramètres sélectionnés sont associés à une vitesse de propagation proche de 50km/an, mais la majorité sous-estime la vitesse de propagation. Nous donnons en Figure 14 l’histogramme des vitesses d’expansion du front calculées pour les paramètres retenues par l’algorithme ABC.

En plus de ce résultat, nous faisons une analyse de la dépendance de nos modèles aux paramètres. Cette étude démontre que nos modèles sont très sensibles à une variation même faible du nombre d’individus ayant des grandes vitesses de déplacements journaliers. Cela signifie qu’il faut faire preuve d’une grande précision statistique pour manipuler ces modèles. La conclusion de ce travail tend à confirmer que les modèles cinétiques sont à privilégier pour la modélisation de l’invasion du crapaud buffle, même si nos modèles sont perfectibles.

3.2 Effet de la dimension dans la limite d’échelle des équations cinétiques vers les équations de Hamilton-Jacobi

Dans cette partie, nous nous intéressons à l’équation cinétique (9) que nous rappelons ci-dessous : tϕε+v· ∇xϕε = VM  1−eϕεϕ ε ε  dv, (t, x, v) ∈R+×Rn×V, (18)

où V Rn. Nous rappelons que cette équation a déjà été traitée par Bouin et Calvez dans [22] mais que leur résultat nécessitait quelques corrections. Par ailleurs, nous nous placerons dans un cadre plus général. Ainsi, contrairement à [22], nous ne supposerons pas que V est symétrique. Nous supposerons seulement que 0 appartient à l’intérieur de l’enveloppe 28

3. Principaux résultats obtenus

Figure 14 – Histogramme des vitesses de propagation calculées pour le modèle ER

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 0 100 20 40 60 80 120 10 30 50 70 90 110

Notre algorithme ABC retient une quantité de 425 jeu de paramètresγ, dm, de, vM et z. Pour chacun,

nous calculons la vitesse d’expansion théorique par une méthode s’inspirant de la recherche de solutions en ondes progressives conduite dans [26]. Nous représentons l’histogramme des 425 vitesses de pro-pagation calculées ci-dessus. Parmi les paramètres retenus, une majorité donne une vitesse trop faible (<50km/an) mais un nombre non négligeable (31, en tout) est dans le bon ordre de grandeur (entre 50 et 60 km/an).

Introduction

convexe de V. Dans ce qui suit, on ne considérera que le cas où V est convexe et on se référera au Chapitre 2 de cette thèse pour le cas général.

Comme rappelé dans la description de la méthode de la fonction test perturbée (voir l’équation (13)), notre recherche d’une limite ϕ0 nous conduit à l’équation suivante :

(1−∂tϕ0−v· ∇xϕ0)eη =

VM eη dv. (19)

En posant Q=e−η, p = ∇xϕ0 et H= −∂tϕ0on se ramène finalement à un problème spectral formulé par :

Trouver un couple(H, Q) ∈R×L1(V)tel que(1+H−v·p)Q=

VM Qdv. Alors, nécessairement, Q(v) =  VM Qdv 1+H−v·p, et donc 1= V M(v) 1+H−v ·pdv. (20)

Si l’on suppose en plus que 

V

M(v) max

v∈V v·p−v ·pdv >1, (21) alors, on a par convergence monotone,

lim H→−1+max v∈Vv·p  V M(v) 1+H−v ·pdv > 1, lim H→+  V M(v) 1+H−v ·pdv = 0,

et il existe donc un unique H(p) ∈R vérifiant (20). Cependant, la condition (21) peut ne pas

être vérifiée et dans ce cas, (20) n’a pas de solution puisque ⎧ ⎨ ⎩  V M(v) 1+H−v·pdv 1, si H <max v∈V v·p,  V M(v) 1+H−v·pdv = +∞, sinon.

Il faut alors chercher des solutions du problème spectral dans l’espace des mesures positives. On trouve alors des solutions sous la forme

H(p) = −1+maxvVv·p, Q= V

M

max

v∈V v·pdv+αδw, (22) oùα>0 etδwest la masse de Dirac en w avec w tel que w·p=maxvVv·p. Cette formulation

de Q complique la méthode de la fonction test perturbée puisque Q est alors singulière au point w.

Dans le chapitre 2, nous nous placerons dans le cas général, nous poserons μ(p) = max

v∈Conv(V){v·p}et nous démontrerons le théorème suivant : 30

3. Principaux résultats obtenus

Theorem 0.5. On suppose queϕεvérifie (18) et que la condition initiale est bien préparée, c’est-à-dire ϕε(0, x, v) = ϕ0(x). Alors ϕε converge uniformément localement vers ϕ0, indépendante de v, qui est l’unique solution de viscosité de l’équation de Hamilton-Jacobi



tϕ0+H(∇xϕ0) =0,

ϕ(0, x) = ϕ0(x).

où H est donné implicitement par la formule (20) quand cela est possible, et H(p) =μ(p) −1 sinon. Notre résultat est très intéressant, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, nous avons établi qu’une singularité apparaissait lors du passage de la dimension 1 aux dimensions supé-rieures. Cela est assez surprenant et, à notre connaissance, il n’y a pas encore d’interprétation de ce phénomène pour le processus à saut de vitesse associé à l’équation (18). Par ailleurs, le hamiltonien H que nous exhibons peut présenter une singularité C1, ce qui est inédit dans ce type d’étude. Enfin, notre résultat généralise le travail de [22] à un espace des vitesses

V non-symétrique. Cela pourrait se révéler utile, dans l’optique d’utiliser notre résultat en

modélisation.

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