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Modèles analytiques simples à base physique

CHAPITRE IV VALIDATION DES MICROMÉCANISMES ET “IMULATION“ D ENDOMMAGEMENT

IV.2 M ODÉLISATION DE LA TÉNACITÉ

IV.2.1 Modèles analytiques simples à base physique

IV.2.1.1 Présentation des modèles analytiques simples

Comme démontré dans les chapitres précédents, la valeur de la ténacité est étroitement liée à la fraction volumique de précipités grossiers initialement présents dans le matériau. Plusieurs formules simples ont été proposées afin de relier la fraction de précipités à la ténacité K [61]. Rice et Johnson [145] ont développé un modèle de rupture ductile, faisant l’hypothèse que la propagation de la fissure s’initie lorsqu’une déformation suffisante est atteinte à une distance critique ac en tête de fissure. Ce modèle estime correctement l’évolution de la résistance à l’endommagement en prenant une distance critique de l’ordre de l’espacement entre particules grossières [145]:

Eq. 15

où Yreprésente la limite d’écoulement, E le module de Young et K1C la ténacité.

Ayant constaté que de faibles niveaux de déformation peuvent provoquer la formation de cavités sur les précipités grossiers, Hahn et Rosenfield [30] ont étudié les alliages d’aluminium 2xxx et 7xxx et ont pris l’hypothèse que l’étape limitante de la rupture concerne soit la propagation de la fissure d’un précipité fissuré à un autre, soit la croissance des cavités. Le modèle de Rice et Johnson [145] a donc été modifié en exprimant la distance critique ac en fonction du diamètre D et de la fraction volumique

fv des intermétalliques pour obtenir une expression de la ténacité sous la forme [145]:

Eq. 16

L’Eq. 16 découle de l’Eq. 15 en exprimant la distance en fonction de la densité de précipité (). Pour le cas d’un précipité sphérique, cette densité () est reliée à la taille (rayon R) et à la fraction volumique (fv) par l’équation suivante :

Eq. 17

Figure 101 : Influence de la fraction volumique des particules grossières d’intermétalliques (taille>1µm), sur la ténacité de différents matériaux. D’après Hahn et

Rosenfield, 1975 [30].

L’Eq. 16 décrit assez bien l’effet de la fraction volumique sur la ténacité selon une loi linéaire en fv-1/6 [145]. Cependant, cette équation a d’autres implications qui sèment le doute sur la validité du modèle et de ses hypothèses. Comme l’ont remarqué Van Stone et Psioda [31], les résultats expérimentaux montrent que la ténacité décroît lorsque la taille des intermétalliques augmente, contrairement à ce que prédit le modèle. La relation de proportionnalité directe entre la ténacité et la racine carrée de la limite d’écoulement n’est pas non plus réaliste [40].

volumique de précipités grossiers n’est pas explicite. De plus, cette formulation nécessite d’ajuster la valeur de c [146].

Eq. 18

Chen et Knott [147] reprennent l’analyse de Garett et Knott et proposent la formulation décrite dans l’Eq. 19 avec c la contrainte critique de décohésion de l’interface précipité / matrice, m et A des constantes et b le vecteur de Bürgers. m est compris entre 1 et 3 selon Chen et Knott [147]. A est une constante dimensionnée de l’ordre de b/(2)[147].

Eq. 19

En remplaçant la distance entre précipités () par la valeur utilisée dans l’article de Hahn et Rosenfield [30], , l’Eq. 19 peut être remplacée par l’Eq. 20 [30]:

Eq. 20

IV.2.1.2 Prédiction des modèles analytiques simples

La compréhension du mécanisme d’endommagement décrite dans le Chapitre III montre que ce dernier s’initie dès la limite d’élasticité et principalement sur les précipités Mg2Si grossiers. Nous considérons donc que l’endommagement s’initie pour

une contrainte égale à la limite d’élasticité (c=Y) et négligeons donc la contribution

des intermétalliques au fer.

La pertinence de l’Eq. 16 et l’Eq. 20 est évaluée sur l’ensemble des matériaux étudiés dans cette étude, tels que les matériaux industriels FL (forgé), FI (filé) et les matériaux modèles (FLM3 et FLM6). Deux autres matériaux modèles portant les codes SRMA J38 et J39 sont ajoutés à titre de comparaison [148]. Les valeurs de ténacité J0,2

moyennes et sont données dans le Tableau 12. Il faut noter que seule la configuration ST présentant des valeurs de ténacité intermédiaires est testée et les résultats sont présentés pour les matériaux modèles FLM3 et FLM6.

matériau J0,2 (kJ/m²) fv (%) due aux Mg2Si grossiers

FL 14.5 0.43 FI 13.3 0.45 FLM3 25 0.25 FLM6 36 0.02 J38 12 0.34 J39 26 0.07

Tableau 12 : Récapitulatif des valeurs de ténacité et des fractions volumiques de précipités Mg2Si des alliages d’aluminium 6061-T6 testés.

Les alliages d’aluminium présentent une rupture ductile, il n’est donc pas correct de formuler les valeurs de ténacité avec l’approche en K, qui fait l’hypothèse d’un comportement élastique. Il faut prendre en compte l’énergie plastique dissipée et exprimer les valeurs de ténacité avec l’approche en J. Même si cela reste approché, nous nous autoriserons le passage entre ces grandeurs via l’expression suivante [60, 149] sous réserve que la plasticité soit confinée:

Eq. 21  L’Eq. 16 (Hahn et Rosenfield [30]) a été évaluée en utilisant les paramètres

suivants :

- D = 5 µm - E = 70 GPa

La loi d’évolution de la ténacité en fonction de la fraction de précipités grossiers ainsi que les valeurs mesurées sur tous les matériaux sont présentées sur la Figure 102.

Paramètre Valeur Méthode d’identification

n 0,3 Ajusté sur les essais de traction b 0.286 nm

m 2 nm m est compris entre 1 et 3 selon Chen et Knott [147], pour simplifier nous fixerons la valeur de m à 2 comme proposé par Hahn et Rosenfield [30]

A b/(2GPa.m A de l’ordre de b/(2 selon [147]  EGPa

E 70 GPa

 0,33

Tableau 13 : Paramètres utilisés dans le modèle de Hahn et Rosenfield [30]. L’Eq. 20 ne permet pas de reproduire le bon ordre de grandeur de la ténacité. Pour obtenir la même évolution que l’Eq. 16, il faut utiliser un rapport m/A de l’ordre de 1,2 106 GPa-1. Même si cette formule permet de décrire un certain nombre de dépendance souvent constaté que ne permet pas de rendre compte l’Eq. 16, il est donc nécessaire d’ajuster les constantes. Après ajustement, les deux évolutions en fonction de la fraction volumique sont confondues.

Dans la mesure où nous voulons simplement avoir la dépendance avec la fraction volumique, et où l’Eq. 16 donne un bon accord avec l’expérience, et ne nécessite pas d’ajustement de paramètres, nous limiterons l’analyse à l’Eq. 16 dans la suite de ce paragraphe.

Figure 102 : Évolution de la ténacité en fonction de la fraction volumique de précipités Mg2Si grossiers, comparaison entre le modèle d’Hahn et Rossenfield [30] et les

matériaux d’études.

L’expression de l’évolution de J(fv) retenue est en 1/fv1/3. J est donc une fonction décroissante qui présente une asymptote verticale pour fv = 0 puis décroît rapidement pour les faibles teneurs de fv. L’évolution est rapide entre 0 et 0,2 puis évolue plus lentement au-delà. On constate un très bon accord entre le modèle proposé par Hahn et Rossenfield [30] et les résultats d’essais de ténacité pour nos matériaux d’études. Seul le matériau FLM3 présente une valeur trop peu élevée. En effet, ce matériau modèle forgé présente une anisotropie de ténacité, or seule la configuration ST a été testée et présentée. Les valeurs moyennes entre différentes configurations sont utilisées pour les autres matériaux.

Cette modélisation de l’évolution de la ténacité en fonction de la teneur des précipités Mg2Si grossiers permet de dégager des tendances. La valeur de la ténacité

augmente si la fraction volumique de précipités Mg2Si grossiers diminue. Ces modèles

simples présentent toutefois plusieurs limites. Tout d’abord, comme l’ont remarqué Van 0 5 10 15 20 25 30 35 40 0.0% 0.2% 0.4% 0.6% 0.8% 1.0% J0,2 (k J/ m ²) fraction de Mg2Si grossiers (fv) Hahn et Rossenfield Matériau industriel forgé Matériau industriel filé AM3 AM6 J38 J39 FL FI FLM3 FLM6 J38 J39 [30]

en fonction de la géométrie de l’éprouvette testée. Troisièmement, les matériaux forgés présentent une forte anisotropie de ténacité qui n’est pas prise en compte dans ces modèles analytiques. Quatrièmement, comme il est montré dans le paragraphe III.1.3, une nucléation de cavités est observée sur les intermétalliques au fer. Le rôle joué dans le mécanisme d’endommagement par ces intermétalliques au fer ainsi que par les dispersoïdes au chrome et au manganèse est totalement négligé par ces modèles.

Afin de surmonter ces limites, des modèles micromécaniques décrivant le mécanisme d’endommagement nucléation-croissance-coalescence de cavités en fonction de l’état de contrainte et de déformation sont présentés dans les paragraphes suivants. Ces modèles prenant en compte l’état de contrainte et les facteurs microstructuraux nécessitent l’utilisation de simulations par éléments finis. La méthodologie des simulations numériques est présentée en Annexe C.

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