• Aucun résultat trouvé

II. Relation hôte pathogène : immunopathologie de la leptospirose

1- Modèles d’étude

Dans cette section sont exposés les principaux types de modèles d’étude de la physiopathologie de la leptospirose. Ceci permet de notifier d’emblée les inconvénients de ces modèles, et donc relativiser les données présentées dans les sections portant sur les différents acteurs de la physiopathologie de l’infection.

La réponse de l’hôte à l’infection par Leptospira peut être évaluée directement à partir de l’être humain, ou bien à partir de modèles animaux ou encore de modèles cellulaires in vitro.

48

Ces derniers sont bien sûr plus éloignés de la réalité et de la complexité de la réaction mise en œuvre lors de l’infection humaine, mais ils ont le mérite d’apporter des réponses potentielles sur des aspects qui semblent difficiles ou impossibles à étudier directement sur l’humain.

Les données chez l’être humain sont le plus souvent issues d’évaluation ex vivo à partir de liquides biologiques (sang, urines principalement) et plus rarement de biopsies d’organes ou d’autopsies. Ces dernières pratiques ont été mises en œuvre dans les années 50-60 (Arean 1962) pour mieux caractériser les lésions de cette maladie systémique mais n’ont plus cours à l’heure actuelle si ce n’est de manière sporadique (Shintaku, Itoh, et Tsutsumi 2014). En effet les lésions histologiques ont été caractérisées et il ne semble pas éthique d’exposer les patients à un prélèvement qui ne modifiera pas leur prise en charge tout en leur faisant courir un risque conséquent (hémorragie, surinfection) du fait de leur caractère invasif. Ainsi les données chez l’être humain sont limitées aux prélèvements d’accès aisés que sont les liquides biologiques. Les données sont donc assez restreintes puisque la plupart des organes cibles ne sont pas aisément accessibles, à l’exception du liquide céphalo-rachidien et du liquide de lavage alvéolaire. La plupart des travaux portent donc sur l’analyse de facteurs extraits du sang. Soit les analyses sont réalisées directement sur les éléments extraits, soit après mise en culture/contact de ces éléments sanguins avec des leptospires. Une pratique illustrative est l’étude des PBMC (Peripheral blood mononuclear cells) mises en culture en présence de Leptospira pathogène ou saprophyte, ou encore de LPS ou protéines issues de bactéries.

Le caractère limité des études humaines font des modèles animaux une aide précieuse pour améliorer nos connaissances de la leptospirose (Zuerner 2015). Les rongeurs sont fréquemment infectés ou bien constituent des réservoirs et c’est donc naturellement que les modèles portent sur le rat, la souris, ou d’autres rongeurs tels que le cochon d’Inde, le hamster ou la gerbille. Les animaux de rente (bétail) sont des modèles potentiels, en particulier pour la vaccination car il existe des enjeux économiques pour l’agro-alimentaire. Il est alors possible d’étudier la réponse de l’hôte sous divers aspects : cinétique de l’infection, effet dose de l’inoculum, histologie des organes touchés, caractéristiques de la réponse immune, et comparaison de différentes espèces bactériennes ou souches voire de souches avec mutations ciblées. Les animaux avec une composante génétique modifiée (KO ciblant certains gènes) sont aussi une source d’étude majeure pour mieux caractériser les éléments-clés de la réponse immunitaire, en particulier les souris qui sont en règles résistantes à l’infection en dehors de modèles transgéniques développés ces dernières décennies. La plupart des connaissances

49

acquises sont issues des modèles animaux. Il est important de souligner que comme pour d’autres maladies la transposition de ces connaissances à l’être humain doit être prudente. En effet, il existe de nombreuses différences dans les systèmes immunitaires des animaux et de l’être humain. Ces différences expliquent en grande partie le phénotype hautement variable d’une espèce à l’autre. Par exemple les rats ne semblent pas présenter d’infection sévère (en tout cas pas à des doses d’inoculum classiques) et sont porteurs chroniques au sein des tubules rénaux. A l’opposé, les hamsters sont représentatifs des infections à risque létal mais pas du portage rénal (Haake 2006). Ces écarts entre humains et modèles animaux ont été pointés du doigt dans de nombreuses maladies. Dans le cadre de la leptospirose on peut citer deux travaux qui illustrent ces écarts entre humains et rongeurs pour deux aspects essentiels de la réponse immune innée lors de cette infection. Le premier est celui des différences notables d‘expression de gènes entre les monocytes/macrophages humains et ceux issus de souris en cas de co-culture avec des leptospires (Xue et al. 2013; Li et al. 2010). Le second correspond à la perception différente du LPS : le TLR4 (Toll-like receptor 4) de souris reconnaît bien le LPS de Leptospira tandis que les cellules humaines le reconnaissent mal, le récepteur préférentiel étant TLR2 (C. Werts et al. 2001; Nahori et al. 2005). L’autre limite de ces modèles vient des bactéries utilisées : les passages in vitro tendent à sélectionner des bactéries ayant perdu leur virulence ou du moins avec une expression moindre de facteurs de virulence possiblement du fait de modifications physiologiques métaboliques induites par la culture. Les apports historiques des modèles animaux, souris et hamster en particulier, dans la compréhension de la physiopathologie de la leptospirose sont détaillés dans une revue récente de littérature (Gomes-Solecki, Santecchia, et Werts 2017).

Le dernier grand modèle d’étude correspond aux cultures cellulaires in vitro. Les interactions entre Leptospira et les cellules issues des tissus cibles peuvent ainsi être analysées : attachement, infectivité, induction d’apoptose ou de sécrétions de molécules (protéases, cytokines). A notre connaissance ce type de travaux a porté essentiellement sur des cellules d’origine rénale, endothéliale, monocytaires, ou de type fibroblastes (Xue et al. 2013; Li et al. 2010; Martinez-Lopez, Fahey, et Coburn 2010; Evangelista et al. 2014; Monica L. Vieira et al. 2007; Barocchi et al. 2002; Kassegne et al. 2014). Les résultats sont encore plus complexes à transposer à l’humain puisqu’il s’agit de modèles très parcellaires ne reproduisant pas la complexité des interactions cellulaires et moléculaires au sein d’un être

50

vivant tel qu’un mammifère. De plus les modèles cellulaires sont souvent issus de lignées établies à partir de cellules cancéreuses, avec de nombreuses mutations les éloignant encore plus des cellules originelles.

Documents relatifs