C. Immunité adaptative
1.5. Modèles d’étude
Dans le cadre de cette thèse, je me suis intéressée plus particulièrement à trois espèces opportunistes
évoluant aussi bien en milieu forestier qu’en milieu urbain, C. perspicillata (frugivore), M. molossus
(insectivore) et D. rotundus (hématophage). Outre la différence de régime alimentaire, ces espèces
présentent également des caractéristiques écologiques, sociales, comportementales différentes.
L’annexion et la modification de leurs habitats font que ces mammifères peuvent de plus en plus
souvent côtoyer hommes et animaux domestiques, et être à long terme à l’origine de l’émergence de
zoonoses.
i.Les Phyllostomidae
Les phyllostomidés constituent la troisième famille la plus diversifiée des Chiroptera après les
Vespertilionidae et les Pteropodidae. En général, elle est considérée comme un excellent taxon pour
l’étude des effets de la fragmentation de l’habitat, du fait de sa grande richesse spécifique, notamment
dans les tropiques, et de la réponse différentielle à la fragmentation dépendante des guildes trophiques
(García-García et al. 2014). Les chauves-souris de cette famille sont caractérisées par une importante
diversité de régimes alimentaires : frugivore, nectarivore, pollinivore, carnivore, insectivore et
hématophage. Elles ont également un rôle prépondérant dans la dissémination de graines, dans la
pollinisation ainsi que dans la régulation des populations d’arthropodes (Kunz et al. 2011). Les
phyllostomidés de Guyane sont représentées par 58 espèces réparties en 34 genres appartenant à six
sous-familles : Phyllostominae, Stenodermatinae, Glossophaginae, Lonchophyllinae, Carolliinae et
Desmodontinae (Catzeflis 2015). Les Phyllostominae(Gray, 1825) présentent le plus grand nombre de
membres, avec 27 espèces répertoriées réparties en 14 genres. Les Stenodermatinae (Gervais, 1856)
représentent la seconde plus grande diversité de phyllostomidés, avec 19 espèces réparties en 10
genres. Les Glossophaginae (Bonaparte, 1845) sont représentées par 5 espèces réparties en 4 genres.
Deux espèces de Lonchophyllinae (Griffiths, 1982) appartenant chacune à un genre ont été
répertoriées. Les Carolliinaesont représentées par deux espèces du genre Carollia (Gray, 1838) et une
espèce du genre Rhinophylla (Peters, 1865). Enfin, deux des trois espèces de chauves-souris
hématophages (Desmodontinae (Bonaparte, 1845)) connues dans le monde sont présentes en Guyane.
Elles appartiennent aux genres Desmodus (Wied-Neuwied, 1826) et Diaemus (Miller, 1906). Dans le
cadre de ma thèse, je me suis intéressée à deux espèces de phyllostomidés, de caractéristiques
éco-biologiques différentes : C. perspicillata et D. rotundus.
•Carollia perspicillata (Linné, 1758)
Espèce frugivore de petite taille, d’environ 18,5g, C.
perspicillata fait partie des mammifères les plus abondants et
les mieux connus d’Amérique tropicale (Cloutier et Thomas
1992; Cosson et Pascal 1994). Elle contribue à la dispersion
des graines et participe au maintien de la biodiversité des
écosystèmes. Comme les autres phyllostomidés, C.
perspicillata arbore une feuille nasale caractéristique en
forme de lancette. Des études récentes menées au Brésil montrent une expansion des populations de C.
perspicillata, en accord avec une occupation récente des différents biomes, notamment celui du
Sud-Est, et mettent également en évidence l’existence d’évènements de colonisation multiples
Figure 11 : Carollia perspicillata
probablement liés à la fragmentation croissante des forêts (Pavan et al. 2011). En Guyane, C.
perspicillata est très largement représentée, surtout dans les milieux perturbés. Elle possède un patron
de déplacement très différent de ses congénères C. brevicauda et R. pumilio, très certainement lié à
une stratégie d’évitement de la compétition pour l’exploitation des niches écologiques (Delaval 2004).
La dynamique de population de cette espèce est étroitement liée à la densité d’arbres fruitiers et autres
plantes, et tend à augmenter avec l’exploitation agricole (Brosset et al. 1996).
•Desmodus rotundus (Geoffroy, 1810)
Espèce de petite taille, la chauves-souris vampire mesure près de 9
cm de long pour 18 cm d’envergure, elle pèse entre 25 et
40 grammes (Greenhall et al. 1983). En général, les femelles
présentent des caractéristiques morphologiques plus marquées que
les mâles et sont aussi plus lourdes. Comme les autres
phyllostomidés, elle présente une feuille nasale caractéristique,
plissée et formant des bourrelets au-dessus des narines. La lèvre supérieure est profondément
échancrée, le museau est réduit et les incisives sont grandes et aiguisées telles des lames de rasoirs.
Elles possèdent également dans leur salive une glycoprotéine, la draculine, ayant des propriétés
anticoagulantes qui permet un écoulement continu du sang qu’elles lapent (Fernandez et al. 1998). Les
D. rotundus possèdent un système social très développé. Il a été mis en évidence une association
étroite entre le système d’accouplement et la structure génétique des populations (Wilkinson 1985).
Les colonies peuvent compter des milliers d’individus répartis en petits harems constitués d’un ou
deux mâles et plusieurs femelles. Ces dernières chassent également ensemble, pratiquent la
trophallaxie et ont des actions de toilettage social qui jouent un rôle fondamental dans la
reconnaissance des individus (Wilkinson 1984). Du fait de la particularité de leur régime alimentaire
et des nombreuses interactions sociales au sein des colonies, elles ont un rôle prédominant dans la
transmission et le maintien de la rage dans les Amériques tropicales (Almeida et al. 2011; Johnson et
al. 2014; Stoner-Duncan et al. 2014; Escobar et al. 2015). En Guyane, les D. rotundus nichent dans
Figure 12 : Desmodus rotundus
des grottes, des troncs creux et sont capturés aussi bien en zones forestières que dans les zones
anthropisées.
ii.Les Molossidae (Gervais, 1856)
Contrairement aux phyllostomidés, les mollossidés ont une large répartition pantropicale. Elles sont
représentés, en Guyane, par 15 espèces appartenant à la sous-famille des Molossinae et sont réparties
en six genres : Cynomops, Eumops, Molossopas, Molossus, Nyctinomops et Promops (Catzeflis 2015).
Ces chauves-souris présentent des caractéristiques morphologiques typiques, telles que leur queue
libre au-delà de la membrane inter-fémorale étroite, leurs lèvres plissées, leurs grandes narines et
oreilles qui se rejoignent, leurs ailes étroites et effilées caractéristiques des insectivores aériens
(Maganga 2012). Les mollossidés vivent en colonies, nichés dans divers gîtes en milieux urbain ou
forestier. Ces espèces chassent en vol, au-dessus de la canopée ou dans les espaces ouverts (Kalko et
al. 1996). Dans le cadre de ma thèse, je me suis intéressée à une espèce ubiquiste en Guyane, M.
molossus.
•Molossus molossus (Pallas, 1766)
Espèce de régime alimentaire insectivore, d’une dizaine de grammes
(11-14 g), distribuée dans les tropiques américains, elle présente une
activité essentiellement crépusculaire (Chase et al. 1991). M.
molossus est une espèce opportuniste qui présente une haute
tolérance aux perturbations de son environnement et profite même
des espaces urbanisés. De récents travaux montrent qu’elle est très
bien adaptée aux espaces ouverts, lisières et autres espaces
anthropisés, et présente des différences de comportement par rapport à ses congénères, dépendante des
réponses à l’urbanisation et du degré de cette dernière (Jung et Threlfall 2016). Elle gîte dans des
anfractuosités, falaises, toitures, base des feuilles de palmiers, des grottes, etc., et forme des colonies
de tailles variables. Comme la plupart des chauves-souris, M. molossus est une espèce qui présente un
système social complexe et pratique même la chasse en groupe (Dechmann et al. 2010).
Figure 13 :
Molossus molossus
Dans le document
Réponse des chiroptères aux environnements : diversité virale et potentiel d’adaptation
(Page 58-62)