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Nous considérons que le flux φ(t) est instantanément équitablement réparti entre les cellules. Cette hypothèse est comparable à la ratio-dépendance dans les modèles prédateur-proie (Arditi & Ginzburg 1989, Akçakaya et al. 1995). Le modèle n'est valide que lorsque le nombre N de cellules est assez grand ; autrement dit, le modèle est valide lorsque le flux est limitant. Le taux de croissance per capita augmente instantanément, linéairement avec la quantité de flux disponible par cellule : nous nous plaçons donc dans une situation où doubler à la fois le flux et la population ne change pas le taux de croissance par cellule. En l'absence de flux, les cellules subissent une mortalité intrinsèque constante m :

1 Nous entendons forçage au sens d'une variable qui impose une certaine dynamique à une autre variable, sans être elle-même affectée par l'intéraction.

1 dN

N dt=r =a 

N −m

où a est une constante d'échelle. L'équation (1) admet deux équilibres:

N

=0

et :

N

=a 

m

N* = 0  est instable du point de vue du système dynamique, mais stable du point de vue biologique si l'on exclut toute migration – c'est une limitation intrinsèque à ce formalisme, développé à l'origine pour des problèmes physiques où les « petites fluctuations » ont toujours un sens (Jacobs & Metz 2003). N*= aφ(t)/m est stable du point de vue de la dynamique et du point de vue de nos hypothèses biologiques. Le système relaxe vers l'équilibre avec un temps caractéristique =1/m (cf. τ fig.1).

Cet équilibre requiert que φ(t) ait une dynamique suffisamment lente pour que l'on puisse considérer localement le flux comme constant. On peut alors considérer à l'échelle des variations de φ(t) que le système suit sa valeur d'équilibre en fonction de (t)φ :

N t ≃a  t 

m

Par la suite, nous nous plaçons dans le cas où (t)φ est constant à l'échelle des variations de N(t), et afin d'alléger la lecture, nous le noterons .φ

2. Modèle d'ordre 2

Dans ce modèle, nous suivons les travaux de Ginzburg (Ginzburg & Colyvan 2004) sur l'inertie démographique. Nous considérons que le taux de croissance per capita a une certaine inertie (comparable à l'inertie en physique Newtonienne) perceptible à l'échelle de la dynamique démographique. En d'autres termes, nous ne séparons pas la dynamique du taux de croissance per capita de la dynamique de la population.

Biologiquement, une telle inertie du taux de croissance per   capita peut provenir de la dynamique de la qualité des cellules (stock énergétique ou qualité de l'organisation, sensu  Bailly & Longo 2009) : si les conditions de vie se dégradent, chaque cellule dispose de réserves qui introduisent un délai dans la réponse démographique ; inversement si les conditions s'améliorent les cellules doivent refaire leurs réserves et adapter leurs organisations avant que leurs paramètres démographiques (division et mortalité) ne soient affectés. La qualité peut également être transmise à la descendance (effets maternels).

Dans ce modèle, la variation du taux de croissance per capita dépend du flux de nutriments per capita, à une constante de proportionnalité près (notée encore a). Les cellules ont un métabolisme basal: en l'absence de flux de nutriments, le taux de croissance per   capita  décroît. Nous notons ce métabolisme m pour aider à l'identification d'analogies structurelles entre les modèles, mais il ne faut pas l'entendre comme une mortalité instantanée. Nous obtenons l'équation de l'accélération démographique:

2 dr

dt=a 

N −m

Cette équation admet les mêmes équilibres que l'équation (1). Analogie avec la physique

Dans ce modèle, les facteurs démographiques (  φet m) agissent sur l'accélération dr/dt et non la vitesse r. Si  =m=φ 01, la population croît à une vitesse constante, ce qui est analogue au mouvement rectiligne uniforme d'un mobile sur lequel ne s'exerce aucune force en physique Newtonienne. En revanche, dans le modèle non inertiel, comparable à la physique Aristotélicienne (équation 1), l'absence de facteurs modifiant la dynamique se traduit par une vitesse nulle (stase démographique).

Notre interprétation de l'inertie démographique s'écarte de celle de Ginzburg (Ginzburg & Colyvan 2004:chap.6), qui considère que la situation “par défaut” de la dynamique est l'absence de facteurs limitants (i.e. r = rmax). Sous l'interprétation de Ginzburg, la dynamique “par défaut” (l'équivalent du mouvement rectiligne uniforme) dépend d'une propriété biologique (rmax), et non de conditions initiales comme dans le cas du mouvement rectiligne uniforme, où le mouvement dépend de la vitesse initiale v(0) et non des propriétés du mobile (sa masse par exemple). Cette interprétation de ce que doit être la dynamique par défaut d'une population rejoint le cas par défaut sous l'équation de Lotka (19252), qui est d'ordre 1, où quand N ~ 0 les facteurs limitants n'influent pas la dynamique et la vitesse dN/Ndt est donnée par le taux de croissance per capita maximal du système biologique.

A l'inverse, à notre sens dans le cas biologique, le métabolisme m fait partie des facteurs qui agissent sur la vitesse r (tout comme la surface d'un mobile peut être plus ou moins propice à la friction), et il faut accepter d'ignorer le métabolisme dans une idéalisation inspirée de l'idéalisation Newtonienne. Dans ce cas la dynamique idéale est donnée par la condition initiale r(0) et non la propriété rmax.

La définition du cas idéal est importante d'un point de vue théorique, si l'on considère que le propos de l'écologie est de décrire les déviations au cas idéal.

Différences entre les dynamiques inertielle et non inertielle: mortalité accélérée, overshoot

Dans le modèle inertiel (équation 2), la mortalité est accélérée en l'absence de flux : le taux de croissance per capita décroît potentiellement jusqu'à -∞ (c'est-à-dire que la mort est subite). En revanche, en l'absence de flux r est constant avec le modèle non inertiel (équation 1:  = φ 0 implique r   =   ­m) (fig.2). Au niveau des populations d'organismes, l'accélération de la mortalité est observée empiriquement (Akçakaya et al. 1988, Ginzburg  et al. 1988).

D'autre part, une dynamique inertielle permet l'overshoot, c'est-à-dire le dépassement de la

1 L'absence de métabolisme inclut l'absence de perte de qualité (partage des ressources) lors des divisions. Cette idéalisation s'entend mieux soit à court terme (peu d'effet des divisions), soit dans le cas de divisions asymétriques (Saccharomyces cerevisiae par exemple).

2 C'est-à-dire :

dN

Ndt=r1−N

K

valeur d'équilibre démographique par la population (fig.3, fig. 4). L'overshoot entraîne des oscillations démographiques autour de la valeur d'équilibre d'une pulsation √(m), soit une période T=2 /√(m) (calculs en annexes). En d'autres termes, le métabolisme accélère laπ pulsation, ce qui peut être interprété comme une accélération du temps biologique (Bailly et al. forth.).

Friction, antifriction

Dans ce modèle (équation 2), les oscillations autour de la valeur d'équilibre ne sont ni amorties, ni amplifiées. Un tel comportement est structurellement instable : de petites modifications du modèle conduisent à la convergence vers des équilibres stables ou à la divergence (Nowak & May 2004).

Biologiquement, les oscillations sont amorties quand, lorsque r > 0 (individus de bonne qualité), la croissance de r en fonction du flux est amoindrie (l'individu dilapide ses ressources) et/ou quand, lorsque r < 0, la croissance de r en fonction du flux est augmentée (l'individu économise ses ressources). A l'inverse, les oscillations sont amplifiées quand, lorsque r > 0 (individus de bonne qualité), la croissance de r en fonction du flux est augmentée (l'individu est plus efficace dans l'utilisation des ressources) et/ou quand, lorsque r  < 0, la croissance de r en fonction du flux est amoindrie (l'individu est moins efficace). D'autres raisons que les raisons intuitives données entre parenthèses peuvent influer sur l'amortissement ou l'amplification des oscillations, notamment des effets environnementaux de friction, de forçage ou de résonance. Nous pouvons capturer ce comportement dynamique aux causes multiples avec une fonction phénoménologique simple pour représenter la friction (f > 0) ou l'antifriction (f < 0):

3 dr

dt =a 

N −m− f r

L'équation 3 s'annule en particulier si r =r* :

r

=1

fa 

N −m

r* correspond à la vitesse limite due à la friction (f > 0, r* décrit un “équilibre” stable) ou à l'antifriction (f < 0, r* décrit un “équilibre” instable).

En particulier, dans le cas d'une chute libre (N = ∞ ou  = φ 0) avec friction (f > 0), r atteint une valeur maximale : r* = ­ m / f. Dans ce cas, le taux de croissance per capita est donné par deux propriétés intrinsèques aux cellules, le métabolisme et la friction. Cette vitesse limite est analogue à la vitesse limite d'un mobile en chute libre dans un milieu de viscosité non-nulle. Ginzburg & Colyvan (2004:90) ont également modélisé la dynamique démographique par une équation du second ordre (c'est-à-dire en dr/dt) avec un terme phénoménologique de friction. Cependant, la vitesse limite (per capita) d'une chute libre dans le modèle de Ginzburg & Colyvan est proportionnelle au ratio N/N*, qui n'est pas une propriété des cellules, contrairement à l'intuition.

Autour de l'équilibre, le système avec friction (f > 0) peut adopter trois régimes différents en fonction du signe de ∆ = f ² / 4 – m (fig.5 & 6, calculs en annexes):

(1) régime pseudopériodique avec oscillations amorties (∆ < 0): la pulsation est donnée par :ω

=m−

4

La période est donnée par T = 2 / . Le temps de relaxation est donné par :π ω τ

=2

f

(2) régime critique (∆=0): le système n'a pas d'oscillations, et relaxe avec un temps caractéristique = 2/τ f.

(3) régime apériodique (∆>0): le système retourne à l'équilibre avec un temps de relaxation :τ

= 2

f −2

4 −m

Notons que la relaxation est plus lente que dans le régime d'oscillations amorties: dans ce cas la friction s'oppose au retour à l'équilibre.

Nous verrons que d'un point de vue théorique, l'existence ou non d'une friction dans les dynamiques cellulaires intra-organismes a des implications thérapeutiques.

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