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Modèle "neutre" avec sélection et immigration

L’intérêt principal de ce modèle neutre est qu’il prédit des distributions d’abondance d’es-pèces assez proches de celles que l’on observe dans la réalité comme nous l’avons déjà évoqué dans l’introduction.

En revanche, ces modèles prédisent des durées de vie d’espèces irréalistes. Par exemple,RICKLEFS

[2006] estime qu’une espèce de passereaux européens, composée de 14.43×108individus, et ayant une espérance de vie de 3 ans mettrait, selon ce modèle neutre, 86 × 106années pour s’éteindre. Ceci est clairement beaucoup trop long.

De telles incohérences ont été aussi mises en évidence sur des forêts. En particulierCHISHOLM

et collab.[2014], en étudiant 4000 espèces d’arbres sur une durée de plus de 20 ans montrent que la variance de la taille de population d’une espèce était en réalité plus grande que celle générale-ment prédite par les modèles neutres.

Il semblerait alors que des mécanismes autres que la dynamique stochastique décrite précédem-ment jouent un rôle prépondérants. Il s’agirait de prendre en compte dans notre modèle les varia-tions environnementales aléatoires comme les changements climatiques, l’apparition ou la dis-parition de prédateurs ou de maladies spécifiques (ou autres phénomènes extérieurs) favorisant ou défavorisant certaines espèces.

Suite à ce constat, de nombreuses études ont été effectuées sur des modèles comportant de la sélection environnementale tout d’abord pour valider la cohérence de ces modèles par rapport aux données mesurées sur le terrain. On citera par exemple les travaux deKALYUZHNYet collab.

[2015],JABOTet LOHIER,KRONEet NEUHAUSER[1997]. Mais aussi d’un point de vu plus théorique, avec les études deGRIFFITHSet TAVARÉ[1994],DEPPERSCHMIDTet collab.[2012],STEINRUCKEN

et collab.[2013],DANINOet collab.[2016],FUNGet collab.[2017],GRIESHAMMER[2018],DANINO

et collab.[2018],DANINOet SHNERB[2018b],DANINOet SHNERB[2018a],CORONet collab.[2018],

GILLESPIE[1985],TAYLOR[2008].

Cette partie sera donc dédiée à la présentation d’un modèle avec sélection environnementale dont nous ferons l’étude dans les parties suivantes. Il a été suggéré parKALYUZHNYet collab.[2015] et peut être rapproché des modèles modèles "neutres" car le processus stochastique de sélection est supposé d’espérance nulle. Ainsi chaque espèce évolue dans des périodes de temps où l’en-vironnement est favorable ou défavorable de sorte qu’en moyenne sur une grande période une espèce n’est pas plus favorisée qu’une autre.

La dynamique sera la même que celle décrite précédemment, le seul changement s’effectuera au niveau du choix du parent lors d’un évènement de filiation, c’est à dire lors du remplacement d’un individu par le fils d’un autre individu de la communauté.

Notation 5.

Soient :

— Jla taille de la communauté étudiée.

— S= {1, ..., S + 1} avecS+ 1 le nombre total d’espèces pouvant être présentes dans la commu-nauté. (On choisit S+1 car comme la taille de la communauté est constante, la connaissance des S premières espèces permettent de déduire la quantité d’individus de la S + 1ème). — Xinla proportion d’individus de l’espèce i ∈ S dans la communauté à l’événement n ∈ N. On

noteIJl’ensemble des valeurs possibles pour cette variable,IJ= {0,1J, ..., 1}. — Xnle vecteur d’abondance ayant pour coordonnée i , Xin.

Le processus d’évolution suit le schéma suivant, à l’étape n :

— L’individu désigné pour mourir sera choisi uniformément parmi les individus de la commu-nauté.

— Celui qui le remplace choisira son parent dans la communauté avec probabilité 1 − mn (fi-liation) ou un parent issu du processus d’immigration avec probabilité mn (immigration). Le paramètre mnest compris entre 0 et 1, il peut être dépendant du temps et aléatoire. — S’il y a immigration le parent choisi est de l’espèce i , avec probabilitépin, i ∈ S.

Les pinsont tels queP

i ∈S

pin= 1, ils peuvent aussi être aléatoires. On notepnle vecteur ayant pour coordonnée i , pin.

— Lors d’une filiation, le parent est choisi comme étant de l’espèce i avec probabilité X i n(1+si n) 1+S+1P k=1 Xksk n . Lessni, i ∈ S, représentent des avantages sélectifs (fitness) dus à l’environnement. Ils peuvent donc dépendre du temps et être aléatoires. La probabilité décrite précédemment corres-pond à l’instant n au poids de l’espèce i divisé par le poids totale de la communauté.

On supposera aussi snS+1= 0, quitte à re-normaliser tous les coefficients par sin = s˜ i n− ˜sS+1n 1+ ˜sS+1

n . Enfin on notesnle vecteur ayant pour coordonnée i , sin.

On se place en environnement aléatoire, c’est à dire qu’on supposera que les processus mn, pn, sn

sont Makoviens, indépendants entre eux. Leurs lois dépend d’un environnement extérieur, indé-pendant de l’espace ou est défini Xt.

Notation 6. — On note toujoursSt L’indice de Simpson au temps t pour ce modèle, il s’ex-prime à partir des Xit:

St= S+1 X i =1 Xit¡Xi t1 J − 1¢ ∈ [0,1]

— On note encoreUn= (Xn, mn, pn, sn) le vecteur donnant l’état de la population et de l’envi-ronnement au temps n.

Remarque 4.

Le choix fait ici pour introduire de la sélection est l’un des plus simples, et s’inspire de modèles issus de la génétique des populations précédemment cités.

Il existe bien sûr de nombreuses possibilités pour le choix de la loi de (sn)n∈N, dans la suite on s’intéressera essentiellement au cas d’un processus de sauts.

Ici la sélection influence seulement le choix du père lors du processus de filiation et n’a aucun effet sur la mortalité. Ce choix peut être critiquable mais est justifié d’un point de vu biologique par les travaux deCHESSONet WARNER[1981] etKALYUZHNYet collab.[2015].

FIGURE1.9 – Schéma de la dynamique Markovienne

consé-quence de conserver de la biodiversité en rajoutant des individus d’espèces potentiellement dis-parues dans la communauté et le processus de filiation qui modélise les interactions dans un mi-lieu fermé. Seul il conduirait à l’invasion définitive de la communauté par une seule espèce.

Il est bien sûr possible de simuler la dynamique temporelle de ce modèle. Les graphes suivants en donnent une première idée .

FIGURE1.10 – Trajectoires deStpour m = 0 FIGURE1.11 – Trajectoires deStpour m 6= 0

FIGURE1.12 – Trajectoires de Xtpour m = 0 FIGURE1.13 – Trajectoires de Xtpour m 6= 0

Sont tracés sur ces figures différentes trajectoires deSt (figures1.10et1.11) et de Xt (figures 1.12 1.13) pour m = 0 et m 6= 0 ainsi qu’une moyenne Monte-Carlo calculée à partir de 100 trajec-toires (courbe verte foncée). Lorsque m est nul une espèce envahit définitivement la communauté

1.12en un temps qui semble fini et l’indice de Simpson moyen tend vers 1 (1.10) . En revanche si m est non nul, même si une espèce envahit la communauté, le processus d’immigration permet de réintroduire d’autres espèces (1.13). En moyenne l’indice de Simpson semble converger en temps long vers une valeur fixe (1.11) différente de 1.

Un modèle numérique nous donne une intuition sur le comportement des processus cepen-dant une étude mathématique approfondie est nécessaire pour comprendre complètement la dy-namique de ce modèle. Le chapitre suivant est donc dédié à l’étude mathématique de ce proces-sus.

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Étude de la dynamique en sélection faible

« Une preuve mathématique n’est en fait qu’une suite de trivialités. Enfin, localement du moins... »

J-M Bismut

Sommaire

2.1 Première approche . . . 28

2.1.1 Approximation diffusion en sélection faible . . . . 29

2.1.2 Théorème d’approximation diffusion . . . . 30

2.1.3 Preuve du théorème . . . . 31

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