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CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE

2.6 Détermination de la résistance minimum nécessaire des remblais cimentés

2.6.2 Solutions pour estimer la résistance nécessaire d’un remblai exposé à la base

2.6.2.1 Modèle de Mitchell (1991)

Mitchell est considéré comme un pionnier pour ses travaux significatifs portant sur la stabilité des piliers-semelles. À partir des observations sur les ruptures des remblais soumis à des tests en laboratoire en 1989 (Mitchell 1989a, 1989b; Mitchell et Roettger 1989) par l’entremise d’une centrifugeuse, Mitchell (1991) a conclu que quatre modes de rupture peuvent être impliqués dans l’instabilité d’un pilier-semelle en remblai cimenté. La figure 2.49 représente le modèle de Mitchell (1991) avec un pilier-semelle soumis à diverses contraintes.

Figure 2.49: Illustration d’un pilier-semelle avec les modes de rupture potentiels, les contraintes et les résistances (adaptée de Mitchell 1991).

Sur la figure, W représente la largeur du chantier, e l’épaisseur du pilier-semelle, β l’angle d’inclinaison du chantier par rapport à l’horizontale, W le poids du pilier-semelle, σt la résistance

à la traction du pilier-semelle, τ la résistance au cisaillement à l’interface entre les parois rocheuses et le pilier-semelle, σn la contrainte normale de confinement et σv la contrainte verticale exercée

par le remblai sous-jacent au pilier-semelle. Mitchell (1991) a proposé l’équation suivante pour calculer la pression verticale du remblai sus-jacent appliquée sur le pilier-semelle :

𝜎𝑣 = 2𝐾 tan 𝜙𝛾𝑊 (2.155)

Avec γ étant le poids volumique du remblai au-dessus du pilier-semelle, K étant ici le coefficient de pression des terres assumé unitaire et ϕ étant l’angle de frottement du remblai situé au-dessus du pilier-semelle. On peut constater que cette expression est un cas spécial de la solution de Terzaghi (1943) et de Aubertin et al. (2003) en considérant une très grande épaisseur du remblai non-cimenté au-dessus du pilier-semelle.

La figure 2.50 montre les 4 modes de ruptures d’un pilier-semelle, illustrés plus clairement par Pakalnis et al. (2005). Il s’agit de la rupture par glissement, de la rupture en flexion, de la rupture par rotation ainsi que de la rupture par éboulement (ou effondrement).

Figure 2.50: Illustration des modes de rupture de Mitchell (tirée de Pakalnis et al. 2005). Un pilier-semelle large et mince est plus susceptible à une rupture par flexion si la résistance en traction du remblai cimenté n’est pas suffisante. L’équation suivante, basée sur des formules standards d’une poutre encastrée soumise à une charge uniforme, prédit la rupture par flexion du pilier-semelle :

(𝑊𝑒)2 >2(𝜎𝑡+𝜎𝑛)

𝜎𝑣+𝛾∗𝑒 (2.156)

Lorsqu’un chantier est fort incliné, Mitchell (1991) considère que le pilier-semelle est susceptible à une rupture par rotation à cause d’une combinaison de détachement du pilier à l’éponte supérieur et d’une rupture par traction du pilier-semelle. L’équation suivante prédit la rupture par rotation du pilier-semelle :

𝜎𝑣+ 𝑊𝛾 > 𝑒2𝜎𝑡

2𝑊(𝑊−𝑒 cot 𝛽)𝑠𝑖𝑛2𝛽 (2.157)

Une rupture par effondrement survient lorsque le pilier-semelle est étroit et épais. L’expression suivante prédit la rupture par effondrement d’un pilier-semelle (Mitchell 1991) :

𝜋𝛾 8 >

𝜎𝑡

𝑊 (2.158)

Lorsque le pilier-semelle est étroit et épais, un autre mode de rupture est le glissement (Mitchell 1991) :

𝜎𝑣+ 𝑒 ∗ 𝛾 > 2 (𝑠𝑖𝑛𝜏2𝛽) (

𝑒

Selon les observations de ruptures des piliers-semelles et des résultats numériques, les quatre modes de rupture proposés par Mitchell (1991) capturent bien le comportement réel des piliers- semelles (Caceres 2005; Oulbacha 2014; Caceres et al. 2017). Cependant, les modèles et les solutions analytiques de Mitchell comportent plusieurs limitations. Premièrement, il a assumé que la pression agissant sur le pilier-semelle était uniforme. De nombreux travaux ont tendance à montrer que ce n’est pas le cas, dû notamment à l’effet d’arche (Li et Aubertin 2008, 2010). Il a considéré un chantier isolé avec épontes rocheuses rigides (fixes) sans tenir compte d’excavations adjacentes. La résistance au cisaillement le long des parois rocheuses (τ) ainsi que la contrainte normale de confinement (σn) utilisés dans ses solutions analytiques restent inconnues (Oulbacha

2014). Des travaux récents indiquent que la séquence de minage et de remblayage influence significativement la distribution des contraintes dans le remblai non-cimenté au-dessus du pilier- semelle et sur le pilier-semelle lui-même (Sobhi 2014; Sobhi et Li 2015; Sobhi et al. 2017), qui à son tour dépend des géométries du pilier-semelle, des chantiers avoisinants et des propriétés du pilier-semelle, de celles du remblai au-dessus du pilier-semelle et de celles du massif rocheux. Ces facteurs doivent être considérés dans l’évaluation de la résistance nécessaire des piliers-semelles. La solution analytique de Mitchell (1991) sur la rupture du pilier-semelle en rotation a été révisée par Caceres (2005). En tenant compte de la résistance au cisaillement à l’interface entre l’éponte supérieure et le pilier-semelle, Caceres (2005) a développé une nouvelle solution analytique pour estimer la stabilité d’un pilier-semelle en remblai cimenté en mode de rupture par rotation (illustrée par la figure 2.51) :

(𝜎𝑣+ 𝑒 ∗ 𝛾) > 𝜎𝑡𝑒

2+2𝜆𝜏

𝑡𝑒𝑊𝑠𝑖𝑛2𝛽

𝑊(𝑊−𝑒 cot 𝛽)𝑠𝑖𝑛2𝛽 (2.160)

Où W, e et β représentent respectivement la largeur, l'épaisseur et l'inclinaison du pilier-semelle; σt

et σv sont respectivement la résistance à la traction du pilier-semelle et la contrainte verticale

exercée au sommet du pilier-semelle; λ est un coefficient de la qualité de contact entre le pilier- semelle et l'éponte supérieure qui varie entre 0 et 1; τ est la résistance au cisaillement le long du contact entre le pilier-semelle et l'éponte supérieure.

Figure 2.51: Illustration de la rupture par rotation en considérant la résistance au cisaillement entre l'éponte supérieure et le pilier-semelle (tirée de Caceres 2005).

Caceres (2005) a constaté que son équation (2.156) ne se réduit pas à l’équation de Mitchell (1991) lorsque la résistance au cisaillement entre l’éponte supérieure et le pilier-semelle est zéro (λ = 0) comme l’hypothèse de Mitchell (1991). Caceres (2005) indique que le facteur de 2 dans la partie dénominateur de l’équation de Mitchell (1991) ne devrait pas l’être. Pour vérifier cela, Oulbacha (2014) a considéré l’hypothèse de Caceres (2005) et l’équilibre en moments du bloc μ (figure 2.51) par rapport au point O et a obtenu l’équation suivante :

1 2[𝑊 − 𝑒 tan 𝛽] (𝜎𝑣 + 𝛾 ∗ 𝑒)𝑊 = 𝜎𝑡 𝑒 sin 𝛽( 𝑒 2 sin 𝛽) + 𝜆𝜏𝑡𝑊 ( 𝑒 sin 𝛽) sin 𝛽 (2.161) Où (𝜎𝑣+ 𝛾 ∗ 𝑒)𝑊 = 𝜎𝑡( 𝑒2 𝑠𝑖𝑛2𝛽)+2𝜆𝑒𝑊𝜏𝑡 𝑊(𝑊−tan 𝛽𝑒 ) (𝜎𝑣+ 𝑒 ∗ 𝛾) > 𝜎𝑡𝑒2+2𝜆𝜏𝑡𝑒𝑊𝑠𝑖𝑛2𝛽 𝑊(𝑊−𝑒 cot 𝛽)𝑠𝑖𝑛2𝛽 (2.162)

On y retrouve donc l’équation de Caceres (2005). En prenant λ=0, on obtient l’équation suivante : 𝜎𝑣+ 𝑒 ∗ 𝛾 > 𝑒2𝜎𝑡

𝑊(𝑊−𝑒 cot 𝛽)𝑠𝑖𝑛2𝛽 (2.163)

Cela indique que le facteur de 2 dans le dénominateur de l’équation de Mitchell (1991) n’est pas justifié. La modification de Caceres (2005) est valable. Cependant, les travaux d’Oulbacha (2014) ont démontré également que la solution analytique de Caceres (2005) tend à sous-estimer la stabilité du pilier-semelle lorsque l’angle d’inclinaison des chantiers est supérieur à 70°, et l’inverse est également vrai lorsque l’inclinaison est inférieure à 70°. De plus, la solution analytique de Caceres (2005) prévoit une détérioration des piliers-semelles avec une augmentation de l’angle

d’inclinaison du chantier alors que les résultats numériques d’Oulbacha (2014) tendent à montrer le contraire.