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Chapitre I: LES PHASES ONDES DE DENSITÉ DE

I- 3-b- Le modèle "en interaction"

Le modèle en "interaction" a été développé par Yakovenko à la suite de la constatation que l'onde de densité de spin induite par le champ n'apparaît que si l'état fondamental à champ nul est supraconducteur [74-76]. Yakovenko a donc étudié explicitement le rôle des interactions dans l'établissement de l'état fondamental sous champ. L'emboîtement de la surface de Fermi ne joue aucun rôle dans son modèle, car il ne s'appuie pas sur les propriétés topologiques de la surface de Fermi. C'est un modèle à couplage faible comme le modèle "standard", mais il ne suppose pas d'interaction ad hoc pour justifier a

priori la stabilité de l'onde de densité de spin par rapport aux autres bien au contraire il

cherche à décrire l'interaction responsable de la condensation.

C'est un modèle de "g-ologie" quasi-bidimensionnelle (voir le §1), dans lequel seuls les termes de diffusion vers l'avant, décrits par la constante d'interaction g2, sont pris en compte. Cela veut dire qu'il étudie la stabilité relative des états ondes de densité et des supraconducteurs, sans chercher à préciser s'il s'agit d'états singulets ou triplets, déterminés par le terme de diffusion vers l'arrière (décrit par la constante g1).

Ce modèle décrit de manière cohérente les états fondamentaux en fonction du signe de l'interaction (figure I-22):

En-dessous de la pression critique et à champ nul, l'interaction entre les électrons est répulsive, et l'état stable est l'onde de densité de spin normale. Au-dessus de la pression critique, l'interaction devient attractive et l'état fondamental est supraconducteur. Un petit champ magnétique appliqué casse les paires de Cooper, et l'état fondamental redevient métallique. Au-dessus d'un seuil, le champ magnétique renormalise les interactions, qui redeviennent favorables à une onde de densité de spin.

Mais le champ magnétique rend le gaz d'électrons plus uni-dimensionnel en localisant les orbites sur les chaînes organiques, si bien qu'à champ fort, tous les états ordonnés deviennent impossibles à cause des fluctuations unidimensionnelles. Le système retourne alors à un état métallique.

Figure I-23

Tableau des propriétés physiques de quatre des sels de Bechgaard [84].

Dans le tableau de la figure I-23, on peut remarquer que cette vision cadre bien avec la situation expérimentale de quatre des sels de Bechgaard: Les composants (TMTSF)2X avec X=ClO 4, PF6, ReO4 et NO3. Tous présentent une phase ODS normale, mais l'ODS induite par le champ n'apparaît que lorsque la supraconductivité existe à champ nul.

Au passage on notera que pour ce qui concerne la mise en ordre des anions, il n'y a pas deux cas identiques.

Dans son modèle, Yakovenko prédit comme pour le modèle "standard" la quantification de l'effet Hall, mais par un mécanisme qui n'a rien à voir avec l'emboîtement de la surface de Fermi.

Figure I-24

Etats quantiques électron-trou décrits par des fonctions d'ondes de Landau.

Sous champ magnétique les états propres électroniques peuvent être décrits par des fonctions d'onde de Landau. Celles-ci sont délocalisées dans la direction des chaînes mais décroissent exponentiellement dans la direction transverse : Ψn ∝ exp(xy0B). L'indice n se rapporte à l'indice d'une chaîne donnée ; l'extension spatiale λB varie en inverse du champ B, ce qui signifie qu'à champ faible les particules possèdent une probabilité non nulle de se trouver sur les chaînes voisines, alors qu'à champ fort les particules deviennent localisées le long des chaînes. L'appariement électron-trou est favorisé lorsque le recouvrement des fonctions d'onde de chaînes voisines est suffisamment bon. Le nombre quantique de la paire est dans ce cas le nombre de chaînes N séparant l'électron du trou. C'est ce nombre quantique N qui décrit la

quantification de la conduction Hall : σH = N h e2

2

[74-76].

Il décrit l'appariement électron-trou à l'aide de fonctions d'onde de Landau, étendues sur plusieurs chaînes organiques voisines comme l'indique la figure I-24. Leur extension spatiale décroît en inverse du champ, ce qui revient à dire que le champ localise les orbites électroniques.

Les états quantiques sont les paires électron-trou, et le nombre quantique N d'une paire est la distance qui les sépare. Ce même nombre quantifie la conduction Hall

σH = N

h e2

2

. Mais deux situations différentes se présentent selon que l'interaction à l'origine de l'appariement est répulsive ou attractive:

Figure I-25

Prédictions du modèle "standard" et du modèle "en interaction":

Les courbes en traits continus représentent l'évolution du nombre quantique N, et les courbes en traits pointillés décrivent la variation de la température critique Tc, en fonction du champ magnétique (M.I.: modèle "en interaction"; M.S.: modèle "standard"). La température décroît selon l'axe vertical, de même que le champ selon l'axe horizontal (t représente l'intégrale de transfert transverse et hωc l'énergie cyclotron).

-a- Cas d'une interaction répulsive (g2>0). La conduction Hall σH est quantifiée par le nombre N, qui prend toutes les valeurs entières. La température critique oscille en fonction du champ, aussi bien dans le modèle "standard" que dans le modèle "en interaction". Ce dernier prédit une réentrance à fort champ.

-b- Cas d'une interaction attractive (g2<0). Non décrit par le modèle "standard". La tension Hall prend des valeurs chaotiques.

Les courbes en traits continus de la figure I-25 représentent l'évolution du nombre quantique N en fonction de l'inverse du champ B (en unités cyclotrons). Dans le cas répulsif (g2>0, figure 25-a), N prend toutes les valeurs entières, aussi bien dans la modèle "standard"

("M.S.") que dans le modèle en interaction ("M.I."), alors que dans le cas attractif (g2<0, figure 25-b), non décrit par le modèle "standard", N prend des valeurs entières positives ou négatives, de manière chaotique.

Les courbe en traits pointillés décrivent les évolutions de la température critique (la température décroît vers le haut). Les deux modèles prévoient des réentrances partielles du métal, mais seul le modèle en interaction prédit une réentrance totale à champ fort (courbe pointillée du haut de la figure 25-a).