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CHAPITRE 2 – DONNEES SEDIMENTOLOGIQUES

2.2 Synthèse bibliographique sur les processus gravitaires sous-marins et les

2.2.4 Un modèle de faciès des écoulements gravitaires : la classification de Mutti (1992). 85

2.2.4.1 Evolution des écoulements d’amont en aval

À la suite des travaux pionniers de Bouma (1962) et Lowe (1982), d’autres auteurs ont proposé des classifications et des modèle de dépôts gravitaires sous-marins (Pickering et al., 1986 ; Ghibaudo, 1992). Dans le cadre de ce travail, nous avons choisi d’utiliser la classification largement utilisée de Mutti (1992). En effet, cette classification propose une classification des faciès de dépôts des écoulements sédimentaires gravitaires très facilement utilisable sur le terrain. Elle prend en compte la dynamique

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et les processus d’écoulements et regroupe les classes de faciès proposées dans un cadre conceptuel clair.

Mutti (1992) envisage un seul écoulement de l’amont vers l’aval, de la plate-forme au bassin, qui va subir une série de transformations physiques (variations de vitesse, incorporation de fluides marins ambiants, dépôts successifs de parties de la charge sédimentaire…).

Cet écoulement est composé de deux couches (Fig. 2.6). Une couche basale est dense, très concentrée et portant une charge sédimentaire grossière. Elle a un comportement cohésif et laminaire, et une vitesse d’écoulement restreignant le développement de phénomènes de turbulence et d’échappements de fluides. C’est un écoulement de type debris flow. La couche supérieure de l’écoulement est moins concentrée en sédiment, et porte une charge sédimentaire plus fine. Elle a un comportement turbulent, qui correspond à un écoulement turbiditique classique (Mutti et al., 1992).

Au cours du trajet de l’écoulement vers les bas des pentes sous-marines, la couche basale de type debris flow se déplace plus vite que la couche supérieure et la distance progressivement. L’érosion du fond marin se développe au front de l’écoulement et l’on note ainsi la formation de clastes argileux à la tête de l’écoulement (Fig. 2.6).

Au fur et à mesure de l’écoulement, la couche basale perd une partie de sa charge fine au profit de la couche turbulente supérieure(processus d’élutriation) par notament (1) incorporation de fines à la limite entre les deux couches et par érosion du fond marin au front de l’écoulement et (2) par un flux de particules fines de la couche dense vers la couche turbulente par des phénomènes d’excès de pression de pores et d’échappements de fluides associés (Fig. 2.6, Mutti et al ., 1992).

L’énergie de la couche dense basale tend alors à diminuer conduisant l’écoulement basal à s’arrêter. Si le front de l’écoulement basal s’arrête ainsi (freezing) du fait du développement des forces de frottement, il va déposer sa charge grossière et se faire distancer par le reste de l’écoulement, en moyenne de granulométrie plus fine. Mutti (1992) envisagent ainsi une série de dépôts par vagues, plus grossiers vers l’amont et de plus en plus fins vers l’aval.

Petit à petit, l’incorporation de fluides marins ambiants, en plus de l’apport de fines conduit au développement en volume du panache turbulent, turbiditique supérieur, alors que la couche basale dense de type debris flow se réduit (Fig. 2.6).

Tant que des processus d’excès de pression de pores et d’échappements de fluides ont lieu à la limite entres les deux couches, un intervalle fluidisé concentré se maintient entre les deux couches (Mutti et al., 1992). Celui-ci empêche la couche supérieure turbulente de remanier et éroder la couche cohésive inférieure. On n’observe alors pas de développement des structures tractives (mégarides, rides) dans les dépôts sédimentaires associés (Mutti et al., 1992). Ce type de structures tractives est uniquement observé lorsque les processus d’échappement de fluides ont cessé (Fig. 2.6). Ces transformations progressives de l’écoulement à deux couches de l’amont vers l’aval vont induire la transformation progressive d’un écoulement majoritairement cohésif de type debris flow en un écoulement majoritairement puis uniquement turbiditique. Les dépôts successifs associés, dans un cas idéal, sont différenciés en neuf faciès notés F1 à F9, le dernier faciès F9 état subdivisé en deux sous-classes F9a et F9b.

87 Fig. 2. 6 C la ssi fica ti on d e l’évo lu tio n d es fa ci ès (Mutt i, 1 99 2 ; r ep rodu it p ar Mul d er (2 01 1)

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2.2.4.2 Faciès de dépôts (Mutti, 1992, review in Broucke, 2003)

Les faciès F1 à F3 sont des faciès conglomératiques (Fig. 2.7). Le passage du faciès F1 au faciès F3 correspond à la transformation d’un écoulement cohésif et laminaire par incorporation d’eau ambiante et développement de la turbulence. Le faciès F1 est ainsi associé à un écoulement cohésif et laminaire. Le faciès F2 est interprété comme un écoulement hyperconcentré ayant incorporé de l’eau ambiante, et le faciès F3 comme un écoulement hyperconcentré se transformant en écoulement concentré avec développement de la turbulence. Le faciès F3 correspond à un dépôt résiduel, lorsque l’écoulement cohésif de type debris flow dépose une partie grossière de sa charge, la suite de l’écoulement le dépassant. C’est donc un faciès de by-pass et ses dépôts s’accumulent sous forme de barres conglomératiques parfois riches en clastes argileux (Mutti, 1992 ; Fig. 2.6). Étant remanié par l’écoulement qui le dépasse, le faciès F3 peut être remodelé de figures de traction (litages obliques, etc…).

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Les faciès F4 à F6 sont des faciès grossiers (Fig. 2.7), constitués de sables, de graviers, et de galets. Ils résultent d’écoulements hyperconcentrés et les dépôts associés sont érosifs à leurs bases. Les faciès F4 correspond à la traction sur le fond marin de dépôts grossiers d’un écoulement hyperconcentré. Le faciès F5 est associé à un écoulement hyperconcentré dont le comportement passe d’un écoulement laminaire à un écoulement turbulent (Broucke, 2003). Le faciès F6, comme le faciès F3, est le dépôt résiduel de la phase grossière de l’écoulement. Ces dépôts sont ensuite remodelés par les vagues successives de l’écoulement qui les dépassent et présentent donc des figures sédimentaires tractives (litages obliques et plans, éventuellement organisés en mégarides) (Mutti, 1992, Fig. 2.6).

Les faciès F7 à F9 sont des faciès fins (sables grossiers à moyens à argiles) (Fig. 2.7). Ils résultent de la transformation d’écoulements concentrés en des écoulements turbiditiques, associés pour les termes les plus distaux à des dépôts sous l’influence à la fois de la traction (rides) et de dépôts d’argiles par décantation. Le faciès F8 composé de sables moyens à fins massifs est de nouveau un dépôt résiduel selon le processus décrit auparavant (Mutti et al., 1992).