• Aucun résultat trouvé

A.13 Courrier médical après contamination en CNPE

1.6 Le modèle biocinétique digestif de la CIPR 100 (2006)

La publication numéro 100 [19] de la Commission Internationale de Protection Radiolo- gique (CIPR 100) a été publié en 2006. Elle détaille un « nouveau » modèle biocinétique décrivant les processus physiologiques du transit gastro-intestinal et de l’absorption ayant lieu au sein du tractus (en anglais, Human Alimentary Tract Model, abrégé HATM par la suite). La CIPR 100 modélise plus finement le TGI comme le montre la figure 1.9 et comble une grande partie des lacunes [20] de la publication n°30 avec notamment :

— modélisation de compartiments non encore décrits par la CIPR 30 : cavité buccale et œsophage ;

— modélisation de nouvelles voies d’absorption et de sécrétion à partir d’autres compartiments corporels ;

— nouveau découpage fonctionnel du colon en accord avec les propriétés anatomo- physiologiques : colon gauche, colon droit et rectosigmoïde en lieu et place des colon ascendant (en anglais Upper Large intestine, ULI) et descendant (en anglais Lower Large Intestine, LLI) ;

— description fine de la position anatomique des cellules radiosensibles et quantifi- cation de leur profondeur au sein des parois des différents compartiments; — affinement de la masse de ces cellules radiosensibles et de la fraction massique

de l’énergie absorbée (en anglais Specific Absorbed Fraction, SAF) pour chaque compartiment ;

— prise en compte de l’énergie des rayonsÔ pour le calcul du SAF ;

— prise en compte de la composition du bol alimentaire : solide, liquide et les deux ensemble ;

— prise en compte de la rétention sur les dents pour certains radioéléments (cad- mium notamment, mercure, plutonium) et sur la paroi de l’intestin.

Figure 1.9 – Structure du tractus gastro-intestinal humain (HATM) selon la publication 100 de la CIPR.

La publication n°30 modélise les intestins comme un simple tube dans lequel circulent les aliments, ces derniers étant donc directement en contact avec les structures consi- dérées radiosensibles. La CIPR 100, quant à elle, détaille plus finement la structure ana- tomique des intestins. Elle prend notamment en compte la composition cellulaire de la paroi en faisant le distinguo entre les cellules radiosensibles et celles ne l’étant pas. Toutes les régions tubulaires de l’HATM (œsophage, intestin grêle, colon et rectosig- moïdes) sont considérées comme des cylindres, avec une lumière, une couche de mucus, et une paroi comprenant les cellules dites « cibles » représentées par une couche conti- nue à une profondeur définie. La couche de mucus et les villosités de l’intestin grêle ne sont cependant pas prises en compte pour le calcul du SAF.

Pour rappel, le SAF est défini comme la part de l’énergie d’une radiation émise au sein d’une région source qui est absorbée par unité de masse d’une région cible.

La figure 1.10 illustre la modélisation de l’intestin grêle et du colon. La figure 1.11 pré- sente la section tubulaire de l’intestin en coupe frontale. Les villosités de l’intestin grêle

sont ainsi négligées dans ce modèle.

Figure 1.10 – Coupe sagittale des parois de l’intestin grêle (à gauche) et du colon (à droite), montrant la couche de cellules cibles au fond des cryptes, d’après la CIPR 100.

Figure 1.11 – Section de la géométrie des régions tubulaires de l’HATM selon la CIPR 100.

La profondeur de ces cellules d’intérêt pour la mesure des effets stochastiques à long terme est en effet un paramètre primordial. Le tableau 1.6 reprend certaines caractéris- tiques de la muqueuse intestinale telles que la profondeur par rapport à la lumière du tractus digestif ainsi que la masse des cellules cibles pour chaque région. Comme cela est détaillé en sous-section 1.3 page 27, la portée moyenne des électrons du Cobalt 60 est de l’ordre de 150 µm. Il apparaît donc que la majorité du rayonnement électronique émis par le Cobalt 60 n’attendrait pas les cellules souches de la cavité buccale, de l’œ- sophage, du colon et du rectosigmoïde. Seules régions encore concernées par cette ra- dioactivitéÔ, l’estomac et l’intestin grêle ne représentent qu’un cinquième environ du

temps de transit total au sein du TGI. C’est à dire 5 heures et 10 minutes sur un total de 41 heures et 10 minutes chez l’homme adulte d’après le modèle de la CIPR 100.

Région Profondeur des cellules cibles (µm) Masse des cellules cibles (g) cavité buccale 190 – 200 0,23 œsophage 190 – 200 0,091 estomac 60 – 100 0,62 intestin grêle 130 – 150 3,6 colon droit 280 – 300 1,3 colon gauche 280 – 300 1,2 rectosigmoïde 280 – 300 0,73

Table 1.6 – Profondeurs et masses des cellules cibles pour chaque région du HATM chez l’homme adulte.

D’une manière plus générale, cela engendre des modifications importantes de la frac- tion massique de l’énergie absorbée (SAF) par les cellules cibles, occasionnée par le rayonnementÔ en fonction de son énergie.

La figure 1.12 compare la variation du SAF pour la région stomacale entre la CIPR 30 et la CIPR 100, en fonction de l’énergie des rayonsÔ. Dans la CIPR 30, le SAF est considéré

comme indépendant de la valeur de l’énergie des rayonsÔ. Pour des énergies supé-

rieures à environ 0,5 MeV le SAF du HATM est approximativement 25 % plus important que la valeur donnée par la CIPR 30 [4]. Pour l’énergie moyenne des électrons émis par le Cobalt 60 – EÔ

moy = 0,1 MeV – le SAF du HATM ne représente que 20 % de la valeur

du SAF de la CIPR 30 [19]. La relative similarité des valeurs de SAF pour les énergies modérées à fortes peuvent s’expliquer par la faible profondeur des cellules cibles dans l’estomac et par l’utilisation d’une masse de tissus similaire entre la CIPR 30 et l’HATM de la CIPR 100.

La figure 1.13 montre quant à elle la variation du SAF pour la région colique droite du HATM, chez l’homme adulte et la met en parallèle avec la région la plus similaire de la CIPR 30 : le colon ascendant abrégé ULI en anglais (Upper Large Intestine). Pour des énergies supérieures à 1 MeV, le SAF du HATM est environ cinq fois moins important que la valeur calculée par la CIPR 30. En dessous, la différence devient plus importante et tend vers zéro en deçà d’environ 0,25 MeV, du fait d’une énergie insuffisante pour que les électrons atteignent les cellules cibles (cf supra). Les valeurs supérieures du SAF de la CIPR 30 s’expliquent notamment par le fait que la modélisation considère la source comme directement au contact des cellules cibles de la muqueuse intestinale.

Figure 1.12 – Comparaison du SAF (Specific Absorbed Fraction) pour l’estomac entre la CIPR 30 et la CIPR 100 en fonction de l’énergie des électrons.

Figure 1.13 – Comparaison des valeurs du SAF entre la CIPR 30 (ULI) et la CIPR 100 (colon droit du HATM) en fonction de l’énergie des électrons.

Bien évidemment, le modèle biocinétique HATM de la CIPR 100, reflétant le facteur géométrique du tube digestif, ne peut être utilisé qu’en conjonction avec un modèle dosimétrique actualisé. En effet, comme exposé précédemment, la CIPR 30 est ac- tuellement utilisée conjointement avec le modèle dosimétrique de la CIPR 78 pour aboutir aux formules permettant les calculs de dose efficace engagée. Un nouveau modèle dosimétrique tenant compte des nouveaux paramètres de la publication n°100 et des données les plus récentes de la sciences sur la biocinétique des ra- dioéléments et de leur forme physique est donc nécessaire pour pouvoir profiter des avancées de la CIPR 100 en matière de calculs de doses.