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12.1. L’image du « troisième lieu »

Il convient de s’arrêter maintenant sur l’autre option générale à savoir une forme d’alignement de l’Association sur les actions menées par la Bibliothèque de la Ville.

S’il existe encore des bibliothèques organisées autour du livre imprimé, de taille modeste comme dans les villages ou prestigieuses comme celle de la Fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature à Montricher (VD), force est de constater que ce type d’institution a fondamentalement évolué ces dernières décennies. De collections innovantes sont proposées — films, musique, jeux vidéo… – et surtout de nouvelles pratiques deviennent familières — streaming, livre audio...

Toutes les grandes bibliothèques de Suisse romande ont connu, à l’instar de leurs sœurs ailleurs dans le monde, une offre exponentielle d’animations, au sens le plus large du terme. Les rayonnages chargés d’ouvrages du secteur « lecture publique » continuent d’être le symbole de l’institution, mais l’objectif semble souvent être le développement de ce que les spécialistes nomment « troisième lieu », un lieu vivant où l’on peut certes étudier et s’informer, mais aussi se rencontrer, boire un café, entendre de la musique, profiter de conférences.

Ces initiatives qui, pour ainsi dire, débordent des missions usuelles des bibliothèques ont un coût. Elles nécessitent notamment des aménagements et du mobilier particuliers. Au printemps 2017, la Bibliothèque de la Ville a ainsi transformé une zone au rez-de-chaussée en « Espace détente » semblable à un salon — fauteuils agréables, tables basses, choix de magazines.

Ces nouvelles offres supposent également qu’une part importante, certainement croissante, du budget de l’institution soit dévolue à l’animation des espaces. Ce coût englobe aussi les ressources humaines, clefs de voûte en la matière.

Elles obligent tout autant à redéfinir le rôle traditionnel de bibliothécaire, de plus en plus « personne ressource » au service du public. Elles impliquent, par la bande, la création de « nouveaux métiers ».

L’AABV est bien entendu concernée au premier chef par cette évolution, non seulement dans l’orientation de ses actions, mais également dans l’image à véhiculer d’une bibliothèque communale dynamique et évolutive.

12.2. Médiation culturelle

Dans ce contexte, la Bibliothèque de la Ville a franchi en 2011 un pas important en mettant au concours, juste avant l'été, un poste à temps partiel de médiatrice/médiateur culturel. Voici un extrait de l’annonce :

« Vous définissez le concept des animations culturelles de la Bibliothèque en lien avec ses missions, développez son rayonnement, étoffez ses publics, ses réseaux et ses contacts. Vous assurez l’organisation, la gestion, la communication et l’application du programme annuel (contact avec les partenaires, accueil des publics, mise en œuvre des activités, expositions, animations, etc.) en collaboration avec les secteurs concernés. »70

Aussi loin que l’on puisse remonter, la Bibliothèque de la Ville a régulièrement proposé des activités très variées relevant de l’« animation » la nécessité d’avoir un poste dédié uniquement au développement d’actions permettant, pour ainsi dire, de rendre les murs de la Bibliothèque transparents afin qu’on voie ce qui s’y fait et qu’on ait envie d’y venir était une première réponse au changement d’esprit évoqué plus haut. A noter que le cahier des charges ne recouvre aucune tâche de bibliothécaire.

L’engagement d’un médiateur culturel71 s’inscrivait également dans un calendrier. La Bibliothèque approchait en effet de son 175e anniversaire et des festivités qui, on s’en souvient [ci-dessus 4.2], allaient impliquer l’AABV, étaient prévues.

La médiation culturelle ne se limite évidemment pas à l’organisation d’animations pour le grand public. Dans les faits, son rôle dans la communication vers l’extérieur, via notamment la rédaction de communiqués de presse ou la création de documents promotionnels, est primordial.

La médiation culturelle nourrit également le « réseautage » avec d’autres acteurs culturels locaux ou non (individus, institutions, relais), et de fait contribue à sa façon à la volonté de l’AABV de faire connaître la Bibliothèque et participer à la vie culturelle de la Ville et de la région (article 2 des statuts, et ci-dessus 2.1).

Il apparaît donc que plusieurs tâches inscrites au cahier des charges du/de la médiatrice/teur culturel/le recouvrent des objectifs prioritaires de l’AABV !

12.3. Rapprochements

Actuellement, c’est le Directeur de la Bibliothèque fait le lien entre les différents secteurs de l’institution et l’AABV, relayant les suggestions des professionnels ou dressant lui-même la liste de projets méritant un soutien de l’Association.

Puisque la médiation culturelle et l’AABV visent des objectifs communs, faudrait-il que le/la médiatrice/teur culturel/le fasse partie d’office du Comité de l’AABV ?

Convier le/la médiatrice/teur culturel/le permettrait sans doute de simplifier la communication interne et de gagner en efficacité. Lors du 175e anniversaire, on a pu par exemple observer un certain cloisonnement entre l’AABV et la médiation culturelle de la Bibliothèque de la Ville, pourtant aux commandes de la grande majorité des manifestations.

70

L'Impartial, mercredi 29 juin 2011, supplément Emplois

Aller dans le sens d’un rapprochement entre l’AABV et la médiation culturelle semble logique, mais n’est pas sans conséquence. Une relation plus forte pourrait en effet diminuer l’autonomie de l’AABV. Ou au contraire orienter les travaux au quotidien du/de la médiateur/trice au nom du principe « qui paie, décide ».

La question pourrait également se poser pour les personnes en charge de la communication externe de la Bibliothèque de la Ville, en particulier la personne responsable des pages internet de la BV.

Dans tous les cas, opter pour de tels rapprochements aurait une influence sur l’organigramme de la Bibliothèque [reproduit au chapitre 14] en authentifiant les liens entre différents secteurs, ce qui suppose une nouvelle répartition des engagements et responsabilités.

Il n’est pas impossible qu’opérer ainsi soit le premier pas vers un redimensionnement à la baisse de l’AABV, vue alors comme unité de la Bibliothèque de la Ville.

12.4. Less is more

Au fond, l’AABV pourrait parfaitement remplir son rôle avec un minimum de membres, sans chercher une grande visibilité, sans actions extérieures. Elle serait alors, en toute transparence, une association « intermédiaire » entre une institution publique et des donateurs privés. Elle ne serait pas la première dans le cas, et n’en perdrait pas nécessairement sa crédibilité.

Dans cette perspective radicale, l’AABV serait constituée d’un Comité réunissant quelques personnes très au fait du fundraising contemporain et disposant d’un carnet d’adresses utiles. Un secrétariat idoine serait la pièce maîtresse d’une telle entreprise. Enfin, quelques personnes ayant un pouvoir de décision ou d’orientation à la Bibliothèque de la Ville (directrice/teur, responsable de service, médiatrice/teur culturel…) participeraient à ce Comité, lequel serait — une fois encore sans secret — une sorte de Service ou Bureau annexe à la Bibliothèque. Cette AABV pourrait alors apparaître dans l’organigramme officiel assorti d'un lien symbolique fort (trait plein plutôt que traitillé).

Parmi les avantages attendus figureraient une meilleure réactivité aux besoins de la Bibliothèque, une efficacité plus grande que le système de milice actuel et un gain en matière de communication.

Certes, cette AABV light perdrait son autonomie, puisque sa ligne d’action se confondrait peu ou prou avec celle de l’institution. Il est possible que certains donateurs craignent ou refusent cette proximité. De plus, en modérant l’importance des membres, on perdrait également le caractère « ami / âme » de l’AABV.

Cependant, ce redimensionnement pourrait être un début de solution aux problèmes soulevés, à savoir la confusion entre les missions propres à la délégation culturelle (organisation d’événements, réseautage, etc.) et les missions propres aux entités chargées de la communication externe (site internet, InfoLettres).

Se concentrer sur les opérations que la Bibliothèque de la Ville ne peut pas, en tant qu’institution publique, mener, comme la recherche de financements semble dès lors être pour l'AABV une perspective crédible, utile et nécessaire.

12.5. Ressources humaines

Cela implique toutefois un autre redimensionnement, ici à la hausse, celui de la médiation culturelle, qui doit pouvoir assumer ce que réalisaient, à titre bénévole et dans les limites de leur disponibilité, les membres du Comité de l’AABV.

Un bilan après six ans montre en effet que le poste de médiation culturelle, à un taux de 20%, est sous-doté en nombre d’heures pour mettre sur pied de nouvelles animations ou prestations tout en assurant un suivi efficace de l’offre faite au public. De plus, pour des questions de répartition des tâches [cf. organigramme chap. 14], elle ne peut assurer certains gestes élémentaires de communication telles que la mise à jour de l’agenda du site de la Bibliothèque ou la page Facebook. Exemples parmi d'autres. Un questionnement franc doit donc être mené sur l’orientation à donner à la médiation culturelle – l’abandonner et confier l'entier des actions d’animation aux autres services ; ou au contraire la développer.

Revoir les statuts ? 12.5.1.

Cette réflexion pose finalement la question d'une révision des statuts de l’AABV. En effet, le premier but énoncé à l’article 2 stipule que l’Association veille à « […] faire connaître les objectifs et les activités de la Bibliothèque de la Ville. » Or il apparaît que cet objectif est déjà une tâche de la médiation culturelle ou des personnes en charge de la communication, à l’interne ou au niveau de la Commune. Cette redondance, on l'a vu, a pu être selon les actions menées parfois bénéfique, parfois problématique.

Contrôle des processus 12.5.2.

Les effets d'un redimensionnement de l'AABV vers une forme allégée pourraient faire l’objet d’un contrôle formel — par exemple lisibilité de l’organigramme — et informel — évaluation de la satisfaction des partenaires, des membres de l’AABV et des professionnels de la Bibliothèque de la Ville.

13. Aux limites de l’exercice

13.1. Un rôle d’interface

Ainsi se termine l’exercice consistant à passer une association existante et méritante au crible de la critique théorique.

Des propositions ont été faites pour rendre — si désiré — l’AABV encore plus efficace en matière de quête d’argent, plus visible et lisible en matière de communication interne et externe, plus attrayante en termes de membership, voire plus pertinente en termes organisationnels.

Des deux grandes orientations esquissées, AABV renforcée ou AABV allégée, notre préférence va aujourd’hui à la seconde, car elle est susceptible de régler plusieurs problèmes observés, notamment le chevauchement des missions – voire des actions – de la médiation culturelle, des services de communication et de l’Association.

Quoi qu’il en soit, ces pistes font écho à leur manière aux valeurs de la Bibliothèque de la Ville telles que les formulent l’historien et archiviste Jean-Marc Barrelet dans la monographique publiée à l’occasion du 175e anniversaire de l’institution : « Foyer culturel au cœur de la cité, la Bibliothèque est à la fois gardienne de notre mémoire collective, diffuseuse et créatrice de nos connaissances. Plus largement ouverte, elle demeure une institution utile à la lutte contre la barbarie, car il est des pays où l’on brûle encore des livres72. »

À l’heure où la Bibliothèque de la Ville doit se réinventer pour s’adapter aux nouvelles pratiques cultuelles sans espoir de pouvoir augmenter à court terme ses ressources financières, l’Association des amis de la Bibliothèque, interface généreuse et dévouée disposant d’une belle liberté de manœuvre, n’a comme jamais un rôle crucial à jouer.

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