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Quelques éléments socio-historiques permettent en premier abord de contextualiser ces deux notions.

1.1 - Diversification des visages de la migration et apparition de nouvelles mobilités A l’échelle mondiale, des bouleversements politiques, économiques et sociaux majeurs se sont produits depuis les années 80. Le propos n’est pas ici de détailler ces phénomènes mais d’évoquer en quelques mots certains d’entre eux qui ont eu et ont encore un impact sur nos thèmes de recherche.

La fin du monde bipolaire a entraîné l’ouverture des frontières de l’ex-bloc soviétique, la libéralisation sans précédent des mouvements de capitaux et de marchandises sur l’ensemble de la planète a permis une très forte accélération de ces circulations et la constitution d’entités

véritablement transnationales ou « a-nationales » (entreprises, organisations non gouvernementales,…). De grands ensembles de pays ont facilité les mouvements internationaux des individus en leur sein en abolissant quasiment les frontières administratives. Les technologies de l’information et de la communication ont également contribué à « effacer » les distances et les frontières.

On peut encore citer le développement de mobilités transfrontalières et la vitalité des diasporas mais également la persistance de nombreux conflits locaux ou régionaux , le creusement des inégalités de richesse entre des zones (pourtant rendues plus proches par les « perméabilités » nouvelles) qui produisent un flux de réfugiés Sud-Nord, les mouvements de repli identitaires, les peurs de l’invasion qui ont eu pour effet l’installation dans la mobilité d’un nombre croissant de populations parfois plus attirées par des villes globales que par des pays (Wihtol de Wenden, 2005). Les migrations internationales sont devenues un enjeu clé24.

Leur changement de nature reflète d’abord de nouveaux facteurs d’attraction et les schémas migratoires ne correspondent plus à l’ancienne émigration de travail, ni aux liens traditionnels entre pays de départ et pays d’accueil. D’anciens pays de départ deviennent par exemple des pays d’accueil (Espagne, Portugal, Italie, Irlande, Grèce). D’autres pays deviennent des zones de transit, passage obligé vers d’autres terres d’immigration.

Les nouvelles mobilités se caractérisent ensuite par une extrême diversité et par une modification du profil des migrants, ceux-ci appartenant aujourd’hui à toutes les catégories sociales et professionnelles, et de plus en plus originaires des villes. Il existe presque autant de migrants que de types de migration, d’où la difficulté d’opérer des classifications généralisantes et hâtives. Quelques figures sociales émergent, avec leur « personnage fétiche », comme l’évoque C. Wihtol de Wenden (op.cit, 2005) : le "sans-papier", le "migrant pendulaire", le "réfugié", la "femme migrante isolée", "l’enfant des rues", "l’étudiant étranger", "l’élite qualifiée" auxquelles s’ajoutent les migrations plus classiques de familles installées et de travailleurs manuels. Certaines de ces figures seront appréhendées au cours de cette partie sous l’angle de la construction langagière et identitaire de l’individu.

24 Au début du XXIe siècle, près de 200 millions de personnes vivent en migration contre une estimation de 120

millions en 1990 (Wihtol de Wenden : 2005).

Dans ce contexte et dans le même temps, la notion de mobilité a pris peu à peu de la consistance pour devenir un enjeu de poids dans les discours ambiants, qu’ils soient politiques, officiels, médiatiques ou scientifiques. La mobilité géographique est vantée comme vecteur d’intégration et d’insertion socio-professionnelle. La mobilité professionnelle apparaît, dans cette perspective, porteuse d’espoir et de solutions pour l’avenir socio- économique européen, face à une mondialisation galopante et à des délocalisations intempestives. Encouragée par les institutions nationales et européennes, cette doxa s’ancre peu à peu dans les esprits. En écho à cette réalité socio-politique, le thème de la mobilité fait l’objet de nombreuses recherches dans diverses disciplines des sciences humaines sur lesquelles nous nous appuierons à la fois pour définir et mettre en relation les notions de migration, d’immigration et de mobilité, pour préciser les glissements sémantiques qui s’opèrent sous le joug des réalités sociales et enfin pour « traquer » les représentations sociales véhiculées.

1.1.1 - Migration/immigration : de la figure de l’immigré à celle du migrant moderne Le champ sémantique lié aux phénomènes migratoires (migrant, immigré, émigrer, immigrer, migrer, migration) est particulièrement sujet à ambiguïté et à polémique. Il est le lieu de représentations le plus souvent négatives et véhicule une image péjorative, réductrice, dépréciative de la migration dans son ensemble. Cette image est allègrement entretenue par les médias, le discours politique et institutionnel.

Voyons dans un premier temps les acceptions données par un dictionnaire pour les deux entrées lexicales des termes migrant et immigré (Petit Robert, Rey-Debove et Rey, édition 2002 : 1632). On observe que la figure du migrant présente peu de distinction sémantique avec celle de l’immigré, que ce soit dans l’acception globale proposée ou dans son sens spécialisé. Le sens global reste très neutre :

Migrant, ante, adj et n. – v.1960 ; de migration didact. Qui participe à une migration.

N. Spécialt Travailleur originaire d’une région peu développée, s’expatriant pour trouver du travail, ou un travail mieux rémunéré. → émigrant, immigrant.

Immigré, ée, adj. et n. – 1769 ; de immigrer ► qui est venu de l’étranger par rapport au pays qui l’accueille. Spécialt Qui est venu d’un pays peu développé pour travailler dans un pays industrialisé. Travailleurs immigrés. Quartier à forte population immigrée. – N (1769) immigrant. Les immigrants portugais, africains en France. Les immigrés maghrébins et leurs enfants (cf : la deuxième génération) → beur. Immigré politique → réfugié. …(J. Rey-Debove et A. Rey, 2002:1313)

En revanche, la proposition définitoire spécialisée est imprégnée de l’idéologie dominante qui contribue d’abord à véhiculer l’idée simplificatrice de l’existence d’un seul et unique profil migratoire, niant la diversité des trajectoires et des profils migratoires actuels. D’autre part, le profil proposé est très orienté idéologiquement puisqu’il présente des individus de même provenance géographique (originaires des pays du sud, c'est-à-dire de pays en voie de développement), et de même provenance sociale (de conditions économiques défavorisées). Cette vision contribue très certainement à stigmatiser cette figure de l’immigré et à en figer la représentation déjà prégnante dans l’imagerie populaire.

La définition suivante du terme « immigré » provient cette fois de l’INED25 et adopte une perspective juridique. L’approche met l’accent sur la permanence du statut d’immigré en insistant sur le lieu de naissance et l’origine, quels que soient les événements et le parcours d’intégration de l’individu qui a définitivement quitté son pays pour la France :

Immigré : Personne née étrangère à l'étranger, et résidant en France. En France, la qualité d'immigré est permanente : un individu devenu français par acquisition continue d'appartenir à la population immigrée. C'est le pays de naissance et non la nationalité qui définit la qualité d'immigré.

G. Varro (2003 : 43) rappelle le rôle que jouent parfois les chercheurs dans le glissement des catégories officielles (institutionnelles) vers celles des catégories « spontanées » (du sens « commun »), alors que, faute de données officielles institutionnelles sur « les immigrés » et sur les populations issues de l’immigration, ces derniers peuvent « bricoler » des catégories qui reproduisent les biais administratifs au lieu de s’en affranchir. Elle cite l’exemple de l’adoption en 1991 par le Haut Conseil à l’intégration créé en 1989, de la définition d’immigré donnée par M. Tribalat (1995)26. Cette définition était déjà présente dans les travaux de M. Long (1988)27, complétée par « l’immigré a pu, au cours de sa vie, acquérir la nationalité française ». Comme le commente G. Varro, « il aurait été plus juste de dire ‘’l’immigré peut, au cours de sa vie, acquérir la nationalité française’’ ou ‘’un Français a pu, au cours de sa vie, être immigré’’». Une fois immigré, on reste immigré. Elle fait remarquer à juste titre

25 http://www.ined.fr/fr/lexique/bdd/mot/Immigr%C3%A9/motid/55/ 26

Un immigré est une « personne née étrangère, à l’étranger, qui s’est installée en France », dans Faire France.

Une enquête sur les immigrés et leurs enfants, préface de Marceau Long, Paris, La découverte, coll. « Essais »,

1995.

27 Etre Français aujourd'hui et demain, rapport présenté au premier ministre, Paris, Christian Bourgeois, « 10-

18 », 2 vol., 1988.

qu’aucune catégorisation n’est neutre et que la personne concernée peut être fortement atteinte dans sa susceptibilité.

Cette catégorie contribue également à semer le flou avec la catégorie d’étranger, fondée, elle, sur le critère de nationalité (Bernard, 2002 : 124).

En sciences de l’éducation, C. Perregaux (1994 : 159) précise, dans un glossaire, la définition du terme migrants. Elle distingue l’usage qui est fait de ce terme, c'est-à-dire l’image véhiculée dans la vie quotidienne, de l’acception que les chercheurs ou les professionnels de la formation en ont :

« Ce terme inclut les émigrés qui partent ou sont partis de leur pays pour des raisons économiques et politiques et les immigrés qui arrivent ou sont installés dans notre pays depuis plus longtemps. Contrairement à l’usage que nous en faisons ici, ce terme ne concerne souvent que les travailleurs, les migrants économiques. Le terme « immigré » est connoté de la même façon.

Les autres migrants – les fonctionnaires internationaux, les diplomates, les cadres supérieurs et parfois, les enseignants de langues et de cultures d’origine – n’aiment pas être considérés comme des migrants car ce terme a pour eux une connotation négative. On fait également appel à ce terme pour nommer les enfants issus de familles migrantes qui sont nés dans le pays et qui n’ont personnellement pas migrés. »

De la même façon, C. Perregaux fait allusion à la connotation négative, réductrice et assimilatrice du terme : on assimile migrant, immigré et enfants issus de l’immigration. Elle se place aussi du point de vue des autres catégories de migrants qui refusent d’être assimilés à ce groupe. Comment ces derniers souhaiteraient-ils être désignés ? Comme des individus mobiles ? On peut par ailleurs remarquer que, si le terme mobilité répond à celui de migration, aucune catégorie sémantique ne correspond à celui de migrant.

Il semblerait toutefois que le terme de migrant évolue vers une connotation plus positive qu’il y a encore peu. A moins que ce ne soit seulement le fait de chercheurs qui tentent de redorer le blason de la migration sous couvert de mobilité. E. Murphy-Lejeune (2003 : 11), par exemple, évoque l’apparition de nouveaux migrants tels que le migrant qualifié ou encore le migrant étudiant et son constat n’est pas dénué d’intérêt:

« Ces nouveaux migrants interpellent parce qu’ils ne dissimulent pas leur visibilité, au contraire de l’immigré qui cherchait à se fondre dans la masse. L’étudiant européen mobile préfigure ce nouveau type de migrant, que le passage du terme de migration à celui de mobilité symbolise. »

Pour la chercheuse, les conditions sociales actuelles accroissent la mobilité spatiale individuelle et redéfinissent le migrant moderne. « Autrefois, émigrer signifiait une sorte de

mort psychique et sociale imposée 28» et aujourd'hui, cela signifierait une capacité de choix

plus grande (fluidité des rencontres, ouverture des espaces de communication, voyages…), ce qui constitue une différence qualitative. L’étudiant européen voyageur appartiendrait ainsi aux élites migrantes, appartenance qui reste cependant potentielle étant donné le destin ouvert des étudiants. Sa trajectoire s’inscrirait à l’intersection de deux modèles migratoires : celui de l’immigration traditionnelle et celui de l’immigration « dorée » des « nouvelles élites de la mondialisation »29. Le premier modèle se réfère à une installation durable, un retour en éternel suspens, l’émergence du monde personnel bipolaire, des circonstances souvent contraignantes de départ et d’arrivée dans un pays où l’accueil peut être défavorable. Les apprentissages impliqués sont souvent exigeants. Le deuxième se réfère souvent à une expatriation temporaire, à des circonstances de départ et d’arrivée favorables, à un engagement dans la société locale et des apprentissages divers qui peuvent être très relatifs.

Le déplacement sémantique semble à la fois s’opérer du terme immigré vers celui de migrant et du terme migration vers celui de mobilité, d’une immigration traditionnelle à une nouvelle immigration plus avantagée, plus libre de ses choix. Les études sur la migration transnationale et sur cette nouvelle catégorie de migrants viennent corroborer ces propos.

Pour l’historien et politologue V. Viet (2004 : 276-277) par exemple, qui évoque les migrants transnationaux de la cité phocéenne :

« “Le nouveau migrant’’ ne possède pas la même “altérité’’ que l’immigré issu de l’intégration nationale dans les années 1880 et refaçonné par la décolonisation et l’intégration européenne. Son altérité n’est, en effet, ni assignée, ni référée à une entité politique territoriale : le “nouveau migrant’’ se déploie dans une sorte d’internationalité ou fluidité commerciale […]. Il n’est plus a fortiori cet immigré de la première génération voué à une “double absence’’ (Sayad), déraciné de là-bas, sans racines ici. »

La diversification des visages de la migration et l’apparition de nouvelles mobilités ne sont pas sans remettre en cause l’idée de citoyenneté et le modèle d’intégration nationale français, comme nous allons l’évoquer.

28

Cette tentative de catégorisation nous paraît à nuancer et fait abstraction d’une part de tous les migrants qui ont autrefois bien vécu leur émigration et d’autre part de tous les migrants concernés aujourd’hui par l’absence de choix dans leur motivation à quitter le pays d’origine.

29 E. Murphy-Lejeune cite A-C Wagner (1998), Les nouvelles élites de la mondialisation. Une immigration

dorée en France, Paris, PUF.

1.1.2 - La citoyenneté en question, quid du modèle d’intégration à la française ?

Ainsi, pour C. Wihtol de Wenden (2005 : 4), certaines frontières géographiques s’effacent en raison des migrations ethniques et de la généralisation des circulations migratoires ; les frontières institutionnelles se brouillent également « entre migrants économiques et politiques, entre pays d’accueil et pays de départ, entre migrations internes et externes car on se trouve souvent dans une situation de transition, d’une catégorie à une autre ». Les conséquences de ces phénomènes migratoires contribuent aussi au développement de nouvelles formes de relations sociales – communautés transnationales, citoyenneté plurielle, double nationalité, identités négociées, multiculturalisme, diversité religieuse – comme autant de manifestations d’intercorporation dans les pays d’accueil.

Les nouveaux regards portés sur la figure du migrant posent en termes nouveaux le débat autour de « l’immigration ». En effet, ces nouvelles approches des mobilités et des migrations montrent que ces nouveaux migrants n’ont pas tous vocation à renoncer à leurs attaches avec leur pays d’origine pour s’intégrer dans leur pays d’accueil. Le cas des entrepreneurs transnationaux, qui se situent en marge des trajectoires classiques d’intégration locale, permet d’esquisser les contours d’une autre citoyenneté, détachée de la nationalité (Wihtol de Wenden, 1999) et demanderait qu’une réflexion sur la notion d’intégration et de citoyenneté soit menée. Le développement de relations sociales originales élaborées à travers ces mobilités remet en question le statut de l’étranger ou de l’immigré dans les espaces politiques des pays d’accueil.

1.1.3 - De la double absence à la co-présence, l’exemple de la migration pendulaire Les migrants transnationaux, qui représentent l’une de ces nouvelles figures de la migration, se développent de manière suffisamment significative depuis quelques années pour susciter l’intérêt des chercheurs30. A. Tarrius (2004) définit les travailleurs transnationaux comme des migrants qui vont et viennent entre leur pays d’origine et leur pays d’accueil. Leurs allers et retours s’inscrivent dans des activités de commerce qui tirent profit du

30 Sociologues, anthropologues, géographes et politologues intéressés par la question de la citoyenneté. Les transnationaux représentent en particulier l’un des axes de recherche de l’équipe de MIGRINTER de Poitiers (configurations migratoires : circulations migratoires, transnationalité, économie ethnique). Quelques exemples : J. Cassimoi (dir.), 2002, La méditerranée des réseaux. Marchands, entrepreneurs et migrants entre l’Europe et

le Maghreb, Maisonneuve & Larose/MMMSH.

M. Peradi (dir.), 2002, La fin des norias ? Réseaux migrants dans les économies marchandes en Méditerranée, Maisonneuve & Larose.

différentiel des coûts de la vie de part et d’autre des frontières entre pays inégalement développés. Cette catégorie de migrants s’appuie sur des réseaux communautaires et familiaux importants. Selon lui, et contrairement au phénomène de la diaspora, les attributs de la citoyenneté ne les intéressent que s’ils possèdent un caractère utilitaire pour mieux circuler. Par conséquent, l’obstacle majeur réside probablement, selon lui, dans « l’inversion des modalités de construction identitaire : à la légitimation par l’antériorité de l’enracinement local, de ceux d’ ‘‘ici’’, qui impose un long cheminement à “ceux de là-bas’’ pour être reconnus comme des égaux, les fourmis opposent une capacité d’être “d’ici et de là-bas à la fois’’ ».

A la double absence de l’immigré au lieu d’origine et au lieu d’arrivée, mise en exergue par A. Sayad31 (1999), se superpose « la double présence » à ces deux mêmes lieux du nouveau migrant. Y.Charbit, M-A Hily et M. Poinard (1997) évoquent le même phénomène identitaire à propos de leur étude sur le va-et-vient de migrants portugais entre le pays d’accueil, la France, et leurs villages d’origine. L’objectif de leur recherche est de comprendre comment se construisaient les rapports aux espaces nationaux et locaux dans lesquels évolue le « migrant portugais », se substituant à l’émigré ou à l’immigré. L’idée est de remettre en cause et de modifier le point de vue et les représentions portés habituellement sur les « immigrés » portugais vivant en France et de comprendre le paradoxe suivant : les Portugais, perçus en France comme le modèle de l’immigré intégré, travailleur docile et assimilable, parviennent cependant à maintenir des liens très forts avec leur pays natal et à préserver leur identité. Les enquêtes réalisées dans trois villages d’origine pendant les périodes estivales de retour au pays recentrent la situation sur la participation à la vie du village, l’entretien du patrimoine et sur les enjeux sociopolitiques locaux. Cette mise en perspective a pour conséquence de minorer les logiques d’intégration à la société d’immigration tandis que la

31 Les nombreuses références aux travaux d’Abdelmalek Sayad sont explicites en ce qui concerne la mise en évidence d’expériences de la double absence, du ici et là-bas, d’un mécanisme général de domination, commune à tous les immigrés décrits par le sociologue (essentiellement l’immigration de main-d’œuvre sous-qualifiée produite par la crise des sociétés rurales à partir des années 60, dont les Algériens sont emblématiques). Ces références permettent de pointer l’apparition d’une nouvelle figure de migrant qui ne vient pas « remplacer » l’ancienne, mais qui se superpose et coexiste avec elle. Référence plus implicite peut-être, les travaux cités portent un regard sur le migrant transnational qui considère à la fois l’immigré et l’émigré. A. Sayad, pour qui l’émigration /l’immigration est un ‘’fait social total’’ qui doit englober l’ensemble du processus et concerner l’ensemble des sciences sociales, a largement participé au changement de regard porté sur ‘’l’immigré’’ au sein du champ. Pour lui, « toute étude des phénomènes migratoires qui négligent les conditions d’origine des immigrés se condamne à ne donner du phénomène migratoire qu’une vue à la fois partielle et ethnocentrique : d’une part comme si son existence commençait au moment où il arrive en France, c’est l’immigrant- et lui seul- et non l’émigré qui est pris en considération ; d’autre part, la problématique explicite et implicite est toujours celle de l’adaptation à la société "d’accueil"’ » (Sayad : 1977 : 59).

mobilité vers le lieu d’origine comme espace de pratiques sociales porteuses d’enjeux identitaires est, quant à elle, mise en valeur. Les pratiques de mobilité inscrivent les migrants à la fois dans l’espace français et dans l’espace portugais. La notion d’intégration définitive devient alors contestable du fait de cette logique de va-et-vient et des projets de retour au Portugal partagés par 60% des personnes interrogées.

Il faut noter par ailleurs que cette co-présence n’est a priori pas le simple fait des migrants transnationaux ; ses effets sont visibles aussi dans d’autres types de parcours migratoires (installation de longue durée dans le cadre de mariages mixtes), ce dont il sera question plus loin.

Si des liens d’inclusion sont d’ores et déjà apparus dans les paragraphes précédents entre les notions de migration et de mobilité, il faut maintenant bien préciser les connexions et les