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Comment le bilinguisme est-il défini par la communauté des linguistes et des sociolinguistes et quelles ont été les évolutions terminologiques notables depuis la conception puriste du locuteur idéal ? Quelles compétences sont en jeu chez le locuteur bilingue et plurilingue?

1.1 - De L. Bloomfield à W.F. Mackey

La définition traditionnelle de l’individu bilingue, reprise par le linguiste américain L. Bloomfield79 dans les années 30, est celle d’un locuteur qui maîtrise de manière équivalente et

79 Léonard Bloomfield, 1933, Le langage, trad. de l'américain par Janick Gazio, préf. de Frédéric François, Paris,

Payot, 1970.

parfaite deux langues, ses compétences étant identiques à celle d’un locuteur natif, aussi bien à l’écrit qu’à l’oral : « the native-like control of two languages »80. Cette approche du

bilinguisme s’avère très restreinte dans le sens où peu d’individus développent en réalité ce profil de compétences linguistiques, voire aucun, selon certains chercheurs. Cette définition, empreinte de compétences idéales, a longtemps dominé et domine encore chez les profanes comme dans la communauté scientifique.

A l’opposé de cette approche traditionnelle, J. MacNamara81 considère que le bilingue est un sujet qui « possède une compétence minimale dans une des quatre habiletés (skills) linguistiques : comprendre, parler, écrire, lire dans une langue autre que sa langue maternelle ».

W.F. Mackey82 (1956) propose quant à lui de considérer le bilinguisme comme un concept relatif plutôt qu’absolu, ce qui implique de s’interroger sur le sens de ce bilinguisme et le type d’activités linguistiques exercées par l’individu. L’objet n’est plus de savoir si l’individu est bilingue ou non mais comment il l’est. Le "degré" de bilinguisme peut alors être appréhendé sur la base des modalités d’usages linguistiques du sujet.

Dans son introduction, W.F. Mackey (1976 : 9) annonce, en opposition avec les conceptions antérieures sur le bilinguisme :

« … si nous devons étudier le phénomène du bilinguisme, nous devons le considérer comme un phénomène entièrement relatif. De plus, nous devrons considérer non seulement le cas de deux langues, mais de plusieurs langues. Nous considérons donc le bilinguisme comme l’alternance de deux ou plus de deux langues. »

Ses travaux permettent d’avancer dans l’analyse des phénomènes de bilinguisme d’une façon novatrice. Il propose en effet une classification du bilinguisme en six catégories : le

nombre de langues impliquées permet d’envisager le « multibilinguisme83 » ; le type de

80 Editions 1958, p. 56.

81 1967, "The bilingual’s Linguitic Performance: a psychological overview", Journal of Social Issues, vol.

XXIII, n°2, 67-71.

82 "Toward a definition of bilinguism"Journal of the Canadian Linguistic Association.

83 Les termes multilinguisme et plurilinguisme sont venus concurrencer celui de multibilinguisme. La frontière

terminologique entre le multilinguisme et le plurilinguisme est quant à elle mal délimitée et ne fait pas l’objet d’un consensus. Les termes sont alors employés soit l’un pour l’autre, soit avec un sens variable selon les auteurs. C. Truchot (1994) recommande par exemple l’utilisation inverse, le plurilinguisme pour la description des situations de coexistence de langues et de pluralité de communautés linguistiques et le multilinguisme pour les compétences linguistiques de l’individu. R. Chaudenson (1991, « Plurilinguisme et développement en Afrique subsaharienne francophone : les problèmes de la communication », in Charmes J. (éd), Cahiers des

langues utilisées marque l’intérêt pour la nature générique des langues et les implications de

ces langues entre elles (langues voisines ou appartenance à d’autres groupes linguistiques) ;

l’influence d’une langue sur l’autre, phonétique, lexicale, structurale (cette catégorie s’inscrit

dans le champ des travaux futurs sur les marques transcodiques), le degré de perfection (qui tient compte des décalages possibles entre les langues et entre la compréhension et l’expression ), l’oscillation entre les langues selon les moments de la vie et les situations ou les thèmes, enfin la fonction sociale des langues (choix des langues en fonction de la situation sociale des individus de la communauté).

Cette fonction sociale des langues devient centrale dans les travaux de F. Grosjean sur le bilinguisme et dans sa définition de la compétence bilingue.

1.2 - Une approche fonctionnelle de la compétence bilingue

L’approche de F. Grosjean (1982, 1984) consiste en effet à prendre en compte avant tout les aspects fonctionnels de la compétence du bilingue. L’individu devient bilingue d’abord en réponse à un besoin de communiquer avec son environnement. Ce bilinguisme peut très bien prendre fin en même temps que la nécessité de communication. Ainsi pour F. Grosjean (1984 : 16) :

« … est bilingue la personne qui se sert régulièrement de deux langues dans la vie de tous les jours et non celle qui possède une maîtrise semblable (et parfaite) des deux langues. Elle devient bilingue parce qu’elle a besoin de communiquer avec le monde environnant par l’intermédiaire de deux langues et le reste tant que ce besoin se fait sentir ».

Pour le chercheur suisse, les besoins de communication sont rarement équivalents dans les deux langues. Si une langue est plus utilisée que l’autre, le bilinguisme est dominant, ce qui constitue le cas de figure le plus courant. Un certain nombre de facteurs sont à prendre en considération, comme l’intensité des pratiques, les conditions d’acquisition des langues, les rôles sociaux qui leur sont attribués, les facteurs personnels et affectifs. Ces facteurs

sciences humaines, ORSTOM, vol. 27, n° 3-4, 305-313), qui se fonde sur les situations de contacts de langue en

Afrique, qualifie de plurilinguisme « la coexistence de plusieurs langues au sein d’un même état » et de multilinguisme « la présence dans le continent ou dans une de ses régions, de plusieurs langues dont les aires d’usage dépassent les frontières nationales ». Il considère les situations de multilinguisme comme beaucoup plus nombreuses. La pertinence de cette distinction est remise en cause par Laroussi (2006) qui rappelle la difficulté pour le linguiste à définir une langue, d’autant plus dans le contexte africain où les langues véhiculaires sont souvent aussi d’abord des langues vernaculaires. Dans notre étude, la situation multilingue fera référence à la coexistence de plusieurs langues au sein d’un même état et au bilinguisme sociétal ou encore à une vision situationnelle du contact des langues, alors que le plurilinguisme, qui désigne la connaissance multiple de langues pour un même individu, à notre préférence parce qu’elle prend l’individu comme centre du contact de langues (Moore, 20).

expliquent les différences de maîtrise des langues qui existent chez les individus bilingues. L’insistance est mise sur l’usage régulier dans la vie quotidienne et le besoin de communication. Le bilinguisme est alors envisagé comme un fait naturel concernant au moins la moitié de la population du monde. Le fait que le bilinguisme soit la règle et l’unilinguisme l’exception84 devient un objet de revendication des sociolinguistes (Grosjean, 1982 ; Calvet, 2003 ; Lüdi et Py, 2003[1986]) et un moyen de lutter contre les représentations d’un monolinguisme dominant largement omniprésent dans l’idéologie des pays industrialisés dont la France.

Dans la lignée des travaux de F. Grosjean (1982), G. Lüdi et B. Py (2003[1986]), dont l’objet d’étude est le bilinguisme individuel des migrants dans le contexte de la Suisse, insistent également sur la pertinence d’adopter une approche fonctionnelle du plurilinguisme85. Les deux auteurs présentent un ensemble de critères typologiques permettant de situer chaque individu bilingue sur un système axiologique qui se place en porte-à-faux avec la description dichotomique d’un plurilinguisme « idéal ». Ces différents critères concernent la nature des langues en contact (leur statut), le degré de maîtrise de chacune des langues, le mode d’apprentissage ou encore les pratiques langagières, les besoins personnels et sociaux. Enfin, G. Lüdi et B. Py reprennent à leur compte la définition du bilinguisme d’E. Oksaar qui répond à leur recherche de flexibilité :

« Je propose de définir le bilinguisme en termes fonctionnels, en ce sens que l’individu bilingue est en mesure – dans la plupart des situations – de passer sans difficulté majeure d’une langue à l’autre en cas de nécessité. La relation entre les langues impliquées peut varier de manière considérable ; l’une peut comporter - selon la structure de l’acte communicatif, notamment les situations et les thèmes – un code moins éloquent l’autre un code plus éloquent » (Oksaar86, 1980 : 43, cité dans Lüdi, Py, 2003 : 10).

1.2.1 - Des compétences du locuteur « monolingue » à celles du locuteur « bilingue » : un même continuum variationnel

Dans une même perspective, les nombreux points communs existant entre les compétences des locuteurs « monolingues » et celles des locuteurs bilingues sont mis en évidence et

84

Pour reprendre l’un des titres de G. Lüdi et B. Py (2003 [1986]) dans le chapitre 1 – Fréquence- Définition – Intérêt, « le plurilinguisme est la règle, l’unilinguisme l’exception », pp.1-5. Ces derniers distinguent trois formes de contacts linguistiques : un plurilinguisme territorial, un plurilinguisme individuel et un plurilinguisme institutionnel.

85

Notons dès à présent l’usage de plurilinguisme, dans l’édition 2003 de leur ouvrage. Hormis ces deux auteurs et L-J Calvet, la plupart se sont référés au bilinguisme. Nous verrons plus loin les raisons pour lesquelles on a évolué de bi vers plurilinguisme.

86 E. Oksaar, 1980, Mehrsprachigkeit, Sprachkontakt und Sprachlonflikt, in H.P. Nelde (Ed.), Sprachkontakt und

Sprachlonflikt, pp. 43-51, Wiesbaden, Franz Steiner.

amènent F. Grosjean (1984 : 18) à considérer que monolinguisme et bilinguisme se situent à deux extrémités du même continuum variationnel, avis partagé par un certain nombre de linguistes aujourd'hui87 (Hymes, 1984 ; Calvet, 1987, 2005 ; Dabène, 1994 ; Lüdi et Py, 2003 [1986] ; Gadet et Varro, 2006). Les activités langagières du monolingue montrent une utilisation régulière de plusieurs variétés langagières (registre, styles, lectes) qui sont également présentes dans le langage du bilingue (code switching, emprunts, interférences, choix de langues). L’individu unilingue opère des choix similaires à l’individu plurilingue qui sont intralinguistiques (considérés comme stylistiques, du dialecte ou du registre) plutôt qu’interlinguistiques. Les différentes formes parmi lesquelles s’exercent les choix sont considérées comme appartenant à la même langue (Cuq et al., 2003). Ainsi, pour F. Grosjean (1984 : 24) :

« (…) tout "monolingue" est en quelque sorte bilingue au niveau des lectes et variétés d’une seule langue. »

Ces mécanismes sont cependant moins faciles à mettre en évidence dans le cas du monolinguisme que du bilinguisme, les deux langues du locuteur bilingue étant plus distinctes que dans les variétés du répertoire monolingue. Pour F. Grosjean, la comparaison entre locuteur monolingue et bilingue doit être réalisée au niveau de la compétence de communication et non pas de la maîtrise d’une langue ou de l’autre en se posant la question de savoir si le bilingue est capable de communiquer aussi efficacement que le monolingue, à niveau socio-économique égal.

De même, L-J. Calvet (2005 : 80) insiste sur la proximité des compétences langagières du locuteur monolingue et celles du locuteur plurilingue, mettant en lien utilisation des formes linguistiques et fonctions sociales:

« il faut en concevoir que tous les locuteurs, même lorsqu’ils se croient monolingues (qu’ils ne connaissent pas de « langues étrangères »), sont toujours plus ou moins plurilingues, possédant un éventail de compétences qui s’étalent entre des formes vernaculaires et des formes véhiculaires, mais dans le cadre d’un même ensemble de règles linguistiques. Chacune de ces formes correspond à une fonction sociale particulière et les variations que l’on y trouve relèvent parfois du diatopique (ainsi l’utilisation d’une forme locale peut répondre à une fonction grégaire, la volonté de connivence régionale), du diastratique (les premières enquêtes de Labov sont sur ce point éclairantes) et du diachronique (l’argot des adolescents répond en partie à une volonté de connivence au sein de la classe d’âge) ».

87 A. Martinet situait déjà le bilinguisme dans un continuum avec le monolinguisme (voir sa préface à

Weinreich,1953), comme le rappellent F. Gadet et G. Varro (2006 : 19).

Les travaux de F. Grosjean montrent que le bilingue constitue un tout qui n’est pas décomposable en deux monolinguismes mais qui a développé sa propre compétence linguistique.

1.2.2 - La compétence communicative du bilingue

Dans sa vie quotidienne, le locuteur bilingue fait face à différentes situations de communication variées et changeantes qui peuvent être monolingues ou bilingues avec de nombreuses variantes entre les deux, se situant à chaque fois sur le continuum variationnel (en fonction de l’interlocuteur et de ses compétences langagières, de la situation, du sujet, des stratégies linguistiques etc. ). Au cours d’une situation de communication monolingue, il a été observé que le bilingue qui s’efforce de ne parler que la langue de ses interlocuteurs, ne désamorce jamais totalement l’autre langue. F. Grosjean et B. Py (1991 : 36) définissent la compétence particulière et originale de l’individu bilingue par rapport à celle de l’individu monolingue, notamment dans le cadre d’une migration ou d’une mobilité nouvelle :

« tout comme le monolingue, le bilingue est un être communiquant à part entière qui possède une compétence communicative égale à celle du monolingue. Il se sert d’une langue, de l’autre langue, des deux à la fois (sous forme de « parler bilingue ») selon la situation, le sujet, l’interlocuteur, les fonctions de l’interaction, etc… et communique tout aussi efficacement que le monolingue. Cependant, les compétences linguistiques qu’il possède dans les deux langues ne sont ni égales ni totalement semblables à celles des monolingues correspondants. Les changements de milieux, de besoins, de situations (par exemple le passage d’un monolinguisme à un bilinguisme, ou d’un type de bilinguisme à un autre) feront que le bilingue sera amené à restructurer ses compétences dans les deux langues (…) le bilingue continuera à être un communicateur à part entière tout en ayant des compétences linguistiques adaptées à ses nouveaux besoins et à sa nouvelle identité. »

C. Deprez rappelle que ces compétences communicatives originales, qui composent le répertoire verbal88 du locuteur plurilingue, doivent être appréhendées dans leur ensemble :

« Les plus récentes recherches ont montré de façon convaincante que le sujet placé au contact de plusieurs systèmes linguistiques développe un ensemble de compétences original qui ne se résume pas à la simple superposition de plusieurs systèmes. Cet ensemble de compétences – que nous appellerons le répertoire verbal – doit être appréhendé dans sa globalité » (Hérédia-Deprez, 1991: 70)

Enfin, F. Grosjean (1984 : 25) évoque l’intérêt d’étudier les différents types de bilinguisme en utilisant comme critère "le chemin parcouru par les bilingues le long de ce continuum situationnel." Il donne l’exemple de certains bilingues migrants de première génération parcourant la totalité du continuum, et celui de bilingues qui restent à l’une ou l’autre

88 Tel qu’il a été défini dans la deuxième partie.

extrémité : l’extrémité monolingue pour certains puristes (enseignants de langue en exemple cité), l’extrémité bilingue pour les membres de minorités linguistiques qui vivent et travaillent à l’intérieur de ces mêmes minorités. Ce critère en constitue un parmi d’autres qui permet d’appréhender les profils linguistiques des sujets bilingues en situation de migration et qui sera pris en considération dans l’analyse.

Selon les besoins linguistiques, le répertoire verbal du locuteur bilingue s’accompagne de flux et de reflux des langues au cours du temps qui le font évoluer le long du continuum monolinguisme-bilinguisme (Grosjean, 1982 : 20). L’analyse globale de la compétence langagière du bilingue permet en effet d’analyser les variations, les passages d’un monolinguisme fonctionnel à un autre, les étapes du bilinguisme, en fonction des changements de milieu, de besoins, de personnes, de situations. Le bilinguisme d’un locuteur en train de perdre ou qui aurait perdu une partie de ses compétences relatives à une langue, jusqu’à même n’en conserver que des compétences réduites, est qualifié de « régressif ». L. Dabène (1994 : 84) cite l’exemple de personnes en milieu rural comprenant parfaitement le patois mais pourvues d’une compétence orale limitée. Cet aspect nous sera utile pour qualifier les pratiques linguistiques déclarées des sujets enquêtés, toujours d’un point de vue acquisitionnel (perte, maintien, développement des compétences, etc.).

1.3 - Evolution vers le plurilinguisme et le bi-plurilinguisme

Depuis une quinzaine d’années, dans le champ de la sociolinguistique mais aussi dans celui de la didactique des langues, les termes « bilingue » et « bilinguisme » sont peu à peu remplacés par « plurilingue » et « plurilinguisme » et depuis encore plus récemment par « bi- plurilinguisme » et « bi-plurilingue ».

1.3.1 - Pourquoi ce glissement ?

Il faut rappeler que la linguistique contemporaine s’est d’abord construite sur la base d’une idéologie monolingue qui a entièrement conditionné la perception et la conception du bilinguisme en deux entités clairement identifiées (Castellotti et Moore, 2007 : 288). Les deux auteurs rappellent que L. Dabène (1990 : 74) soulignait déjà très clairement cet aspect en insistant sur le fait que « l’édifice théorique de la didactique des langues s’est fondamentalement articulé autour du paradigme de la double unicité ». Dans cette optique, D. Coste, D. Moore et G. Zarate (1997 : 11) mentionnent que la particule « bi » « mobilise des images d’équilibre ou de déséquilibre, de communion ou de distinction, de dialogue ou d’opposition ».

Plusieurs facteurs surdéterminent le stéréotype suivant lequel l’idéologie prend l’unilinguisme comme une évidence d’état originel de l’humain (Gadet et Varro, 2006 : 19) : l’unilinguisme est investi dans la conception occidentale de l’Etat-nation par l’adéquation un pays-une langue ; les répercussions sont prégnantes dans les croyances ordinaires sur les représentations et les pratiques langagières qui entrainent une méfiance envers le bilinguisme et les identités doubles (Huston, 1998 ; Maalouf, 1998) ; enfin, les théories linguistiques renforcent ce dispositif de pensée, avec des catégorisations comme locuteur natif qui parle sa langue maternelle par exemple.

Si, dans ses travaux, F. Grosjean aborde le bilinguisme comme compétences langagières fonctionnelles du locuteur en référence à deux langues possibles, la notion de plurilinguisme intègre une dimension plurielle en faisant référence à des compétences langagières en deux langues ou plus. L’utilisation du terme « parler bilingue » n’implique pas nécessairement le recours alterné à deux langues seulement mais à deux langues au moins (Coste et al., 1997). Ainsi, dans ce paradigme plurilingue, comme le précise parmi d’autres, D. Coste, le plurilinguisme ne doit pas être simplement considéré comme une démultiplication du bilinguisme, mais il convient de poser le bilinguisme comme un cas particulier de plurilinguisme (Coste, 2001).

Depuis les travaux du conseil de l’Europe, la notion de plurilinguisme valorise également les compétences partielles dans les différentes langues du répertoire (Coste, Zarate et Moore, 1997). On observe en effet le passage à une terminologie sur la base « pluri- » : plurilinguisme, répertoire plurilingue, pluriculturelle (Py (dir.), 2000 ; Coste, 2001, 2003 ; Castellotti (dir.), 2001 ) et également la présence de la forme « bi-pluri- » : compétence bi- plurilingue, enseignement bi-plurilingue, etc. (Billiez et al., 2000 ; Billiez, Trimaille, 2001 ; Sabatier, 2004 ; Billiez, 2005 ; Lambert, 2005 ; Castellotti et Moore, 2007) qui marque ainsi une opposition à la vision unitaire et associe les compétences en deux langues ou plus.

1.3.2 - Le bi-plurilinguisme des migrants

Si une approche terminologique de la migration et des migrants a été proposée dans la deuxième partie89, elle consistait à mettre en correspondance les notions de mobilité et de migration dans une perspective plutôt sociologique. La migration et le terme de migrants nécessitent également d’être définis dans leur rapport plus étroit avec la langue. Dans cette optique, G. Lüdi et B. Py (2003 [1986] : 18-19) proposent une conception du migrant à

89 C’est l’approche des géographes qui avait été gardée.

laquelle nous souscrivons entièrement dans la problématique linguistique et identitaire de la présente recherche. Le terme de migrant désigne alors « toute personne plongée dans un milieu géographique, culturel et linguistique nouveau, quelles que soient les raisons, les circonstances sociales et la durée de ce changement ». Cette acception très large permet selon les auteurs de « rassembler des personnes dont le dénominateur commun est une confrontation à une nouvelle langue dans un environnement socioculturel, confrontation entraînant des restructurations ayant trait non seulement au répertoire verbal du sujet mais encore à son identité sociale. »

Ce sont les reconfigurations du répertoire verbal et des ressources langagières disponibles pour les sujets migrants ainsi que les restructurations de l’identité sociale (ce qui sera plus volontiers nommée identité plurilingue) qui sont au cœur de notre questionnement.

On peut se demander maintenant comment apprécier ces compétences communicatives originales définies plus haut comme constitutives du bilinguisme, et quelles en sont les spécificités et les manifestations.

1.3.3 - Qu’est-ce que le parler bilingue ?

Etant donné la faible part consacrée à cet aspect dans notre étude, nous n’allons pas entrer dans une discussion très poussée sur les aspects théoriques qui cherchent à distinguer le code