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Mobilisations de salariés

Annexe 1 : Revue de littérature internationale en métrologie et

3.3 Mobilisations de salariés

Les mobilisations de salariés dans les exploitations fruitières aux USA et en Amérique latine constituent un objet des documents consultés au cours du travail de revue bibliographique. Une grande partie des travaux trouvés ont été réalisés par des historiens qui se sont intéressés à des mobilisations importantes, visibles, dont une partie des revendications portaient sur l’exposition aux pesticides lors du travail dans les vergers et plantations. Ces mobilisations, qui datent pour certaines des années 1930, montrent l’ancienneté de cette question. Une autre partie des travaux trouvés discutent des actions plus récentes ou actuelles menées par des ONG ou des syndicats de travailleurs pour améliorer la prévention et la protection des travailleurs vis-à-vis des expositions aux pesticides. Nous n’avons au final retenu qu’un seul article (Nash 2004) qui porte sur les mobilisations, tous les autres ne remplissant pas tous les critères d’inclusion : soit les seules tâches d’application des pesticides étaient prises en compte, soit les mobilisations dans des régions ayant un secteur arboricole important étaient analysées mais les secteurs concernés n’étaient pas explicités.

Les plus anciennes mobilisations de salariés décrites dans la littérature consultée sont celles des milliers d’applicateurs de pesticides travaillant dans les bananeraies de l’entreprise United Fruit Company au Costa Rica, recrutés pour traiter, avec des systèmes de pulvérisateurs à dos, une peste particulière la « sigatoka disease » (Marquardt, 2002). La période couverte va de 1938 à 1968. Outre les difficultés et la dangerosité du travail avec ces applicateurs, l’auteur montre que si ces salariés, à cause de leur âge et appartenance ethnique, n’appartenaient pas au cœur des mobilisations organisées, leur participation aux différentes grèves renforça significativement les mobilisations ouvrières dans les bananeraies, et contribua aussi à amender quelque peu l’utilisation des pesticides.

poisoning is more important today than even wages ». Ces mobilisations ont avant tout concerné les 30 000 travailleurs du secteur de la production des raisins de table. Leurs succès intermédiaires et leur échec final sont bien analysés dans un article de Robert Gordon (1999). Pour autant, ces mobilisations adviennent après deux décennies de développement de l’utilisation massive de pesticides dans l’agriculture californienne, l’arboriculture en particulier, et auxquels des dizaines de milliers de travailleurs migrants, hispaniques pour beaucoup, ont été exposés – en 1963, 16 000 pesticides sont enregistrés dans l’État de Californie. Un article de Linda Nash (2004) rend compte du coût humain de ce déploiement – les travailleurs mexicains des vergers californiens des années 1950 et 1960 qualifiant ainsi leur travail de « andando muerte » que Nash traduit par « walking death ». Cet article explicite les raisons pour lesquelles l’exposition des travailleurs migrants aux pesticides dans les vergers californiens et ses effets sur leur santé sont restés très largement invisibles pendant cette période, malgré des accidents importants connus des autorités.

Le premier accident visible par les institutions gérant les risques eut ainsi lieu en 1949, dans la Central Valley près de Marysville, quand 25 personnes chargées de ramasser des poires furent sérieusement malades après être entrées dans un verger qui avait été traité avec du parathion douze jours auparavant. Au mois de septembre 1949, 300 cas d’accidents graves de ce type avaient été transmis au California Department of Public Health – dont deux morts. Nash montre comment les modèles de la médecine moderne et des facteurs culturels ont contribué à rendre invisibles les problèmes d’empoisonnements aux pesticides. De 1901 à 1970, le département de l’agriculture était seul en charge de la réglementation sur les pesticides en Californie, avec des agronomes non compétents en santé publique ou médecine. Par ailleurs, la médecine de l’époque se focalisait sur l’individu isolé, coupé de son environnement. Après le premier empoisonnement de masse en 1949, des statistiques ont été tenues à jour. En 1963, l’agriculture comptait 50 % de plus d’accidents du travail que n’importe quelle autre industrie (Knaak et al., 1989), malgré une très forte sous-déclaration des accidents. Les premiers experts en santé du travail pour le secteur agricole ont été confrontés à l’imprévisibilité des risques : le taux de résidus était dépendant de multiples variables climatiques, du type de sol et du type de culture et même de la variété cultivée. D’un autre côté, le « matériel humain » était aussi insaisissable : les travailleurs étaient essentiellement migrants, et leurs réponses physiologiques individuelles aux pesticides éminemment variables. Enfin, beaucoup d’officiels ont dû reconnaître que le problème des pesticides était une affaire autant politique que médicale. Par ailleurs, pendant les années 1950 et 1960, le problème des résidus pour les consommateurs a été beaucoup plus étudié que celui des expositions des travailleurs. D’une part, la vision des médecins selon laquelle le corps pouvait être protégé de l’environnement en faisant barrage aux « circuits d’exposition » suggérait que ceux-ci passaient par des entrées comme les orifices naturels du corps plutôt que par la peau, plus difficile à protéger. D’autre part, la différence sociale entre consommateurs blancs et travailleurs d’origine mexicaine explique en grande partie ce phénomène. Finalement, vers la fin des années soixante, le problème de l’exposition des travailleurs arrive dans la conscience publique et dans le débat politique. Grâce au syndicat des travailleurs, l’UFW (United Farm Workers) – dirigé par Chavez – qui montre les conditions difficiles des travailleurs agricoles, des réglementations spécifiques sont adoptées.

Des mobilisations de salariés agricoles migrants latinos visant l’exposition professionnelle aux pesticides ont eu lieu dans d’autres États américains et ont pu être étudiées comme celles qui ont eu lieu au Texas dans les années 1960, 1970, 1980 (Néraud, 2010), où des initiatives plus récentes qui sont apparues dans des articles de presse ou des documents produits par des ONG (Hightower, 2002). Cependant, les situations de travail exposantes ne sont pas décrites suffisamment précisément pour que nous puissions inclure ces travaux dans cette revue.

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