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Cette partie d’analyse vise donc à mettre en avant le témoignage des professionnel.le.s à ce sujet au regard de notre théorie.

Mission du/de la travailleur.euse social.e et son rôle face au statut

de la personne requérante d’asile et à la procédure d’asile :

Nous nous sommes intéressées à la mission des travailleur.euse.s sociaux.ales dans le domaine de l’asile. Comme nous avons pu l’expliquer dans le chapitre concernant la méthodologie de recherche, nous avons interviewé des travailleur.euse.s sociaux.ales accompagnant des personnes requérantes d’asile ; ils/elles proviennent de diverses institutions et ont des fonctions différentes.

Nous pouvons constater que même si leurs missions sont différentes et spécifiques à leurs champs d’action, des points communs sont présents notamment : l'accueil, l’accompagnement au quotidien et l’intégration.

Il faut savoir que ces missions sont variées et diversifiées. Une des éducatrices met en avant le fait qu’au sein de sa mission, elle peut avoir diverses fonctions :

« Sachant que la fonction d’éducatrice ici, c’est une des casquettes qu’on porte, parce qu’on fait tout ici, un travail d’assistant social et d’animateur aussi. C’est une richesse quelque part. C’est comme si on était en train d’inventer encore un autre métier qui regroupe ces trois métiers. Je trouve cela intéressant. » (Interviewée 6,p.1)

Cela est étroitement lié à ce que nous avons pu aborder en première partie dans le chapitre concernant les constats sur l’accompagnement et notamment sur les différentes casquettes du/ de la travailleur.euse social.e. Nous pouvons donc constater et confirmer que certain.e.s professionnel.le.s du domaine de l’asile, ils/elles sont amené.e.s à travailler sur différents champs d’interventions ce qui les amènent à adopter un accompagnement interdisciplinaire. Pour cette travailleuse sociale, cela est perçu positivement et ajoute une plus-value à la profession.

Nous avons pu découvrir dans la théorie que la multiplication de missions pour les professionnel.le.s peut être source de tensions. En effet, le/la professionnel.le peut se disperser face aux nombreuses tâches et s’éloigner de ses priorités en lien avec sa mission principale.

Par rapport à ce sujet, un élément nous questionne : aucun des professionnel.le.s rencontré.e.s n’a évoqué lors de la présentation de leur mission, l’accompagnement au retour. Au regard de notre théorie, cette non-mention de l’accompagnement au retour apparaît comme une façon de se distancer de la procédure et de ne pas en porter la responsabilité. Cela permet aux professionnel.le.s de ne pas entrer en confrontation avec leurs valeurs humanistes (Joncour ,2014, p.33).

Nous nous sommes intéressées au rôle du/de la travailleur.euse social.e face au statut incertain de la personne requérante d’asile et face à la procédure d’asile.

Suite aux différents témoignages, nous avons remarqué que les travailleur.euse.s sociaux.ales n’ont aucun pouvoir sur la décision concernant le statut de la personne requérante d’asile.

Ceux-ci/celles-ci, tout comme la personne accompagnée attendent la décision et vivent l’instant présent. Les professionnel.le.s ont tout de même un rôle à jouer. L’ensemble des professionnel.le.s nous ont exprimé qu’ils/qu’elles ont un rôle de soutien socio-éducatif envers leurs bénéficiaires.

« Je pense que c’est de les rassurer beaucoup. C’est le premier rôle qu’on a parce qu’on sait qu’on ne va rien décider, nous. C’est le SEM qui décidera. Le SEM est une entité tellement abstraite, donc il y a un bout qui est assez facile pour nous, mais en même temps, c’est difficile parce que nous non plus, on n’a personne derrière. Donc on doit les rassurer sur quelque chose dont on n’a vraiment pas idée. » (Interviewée 1, p.2)

« Je dirais que mon premier rôle à jouer en tant qu’éducatrice dans ce destin un peu incertain que vivent la quasi totalité des jeunes, c’est tout d’abord le soutien. Voilà, pour moi, la première chose qui est indispensable à exprimer, c’est vraiment le soutien qu’on peut leur apporter, parce que d’emblée en postulant ici, travailler avec une population migrante et surtout requérante d’asile, on s’attend à ce que ça bouge énormément, que ça soit instable. » (Interviewée 4, p.1)

Ensuite, quelque soit le/la travailleur.euse social.e, il/elle a le rôle d’accompagner la personne requérante d’asile dans les démarches concernant sa procédure d’asile et plus particulièrement, lors de décisions négatives afin d’entreprendre un recours.

« C’est également les soutenir à travers les démarches qu’ils vont être amenés à faire pour pouvoir justement, par exemple, dans le cas d’une non-entrée en matière, à recourir à la décision de Berne. Lorsqu’ils sont mineurs, c’est le SPMI qui va s’occuper vraiment de faire recours avec un avocat généralement mandaté par le SSI. Dans le cas où le jeune est devenu majeur après sa décision, ce qui est la plupart des cas, en fait, ça arrive souvent quand ils deviennent majeurs. Là, c’est nous qui faisons l’accompagnement vers des permanences juridiques (...) qu’ils puissent bénéficier d’un appui juridique et qu’ils puissent connaître leurs droits, mais également exprimer, vraiment, on va dire, verbaliser toutes les raisons qui font qu’ils ne peuvent pas retourner dans leur pays. » (Interviewée 4, p.1)

Nous avons également pu constater que face à la procédure de renvoi, les professionnel.le.s ont tous évoqué avoir un rôle « d’orientateur.rice » auprès du réseau.

Nous pouvons remarquer à travers leurs témoignages qu’ils/elles ressentent la nécessité de se référer à un tiers concernant les procédures administratives car ils/elles souhaitent prendre le soin de donner des réponses exactes et de ne pas créer de fausses informations ou de faux espoirs.

Voici un extrait de l’interview d’une éducatrice à propos des questions sur le permis :

« Comme nous on est vraiment là au quotidien, qu’on doit garder ce lien de confiance et que des fois on ne sait pas tout, ni sur eux ni sur leur parcours de vie, on ne veut pas commencer à créer des « fausses informations ». On les renvoie donc pas mal vers leur IPE. On les rassure. On les renvoie vers leur IPE. On essaye de débriefer avec eux. » (Interviewée 1, p.2)

Finalement, nous avons pu voir que les travailleur.euses.s sociaux.ales peuvent être touché.e.s par rapport à une décision négative et ne pas comprendre, ni en saisir les motifs.

« Voilà, après, malheureusement, quand il y a une non-entrée en matière ou un cas d’entrée de force, ça ne m’est encore jamais arrivé, mais je l’ai vécu à travers le suivi d’autres collègues et je sais que ce n’est vraiment pas évident, parce que tout simplement, on est face à une impuissance et à une injustice quelque part, parce que souvent, on a des jeunes qui sont issus du même pays d’origine, qui ont vécu plus ou moins les mêmes histoires, peut être racontées différemment, peut être avec des passage qui ont été oubliés, peut être dû à des traumatismes, on sait pas… En tout cas, c’est vrai que la plupart des jeunes ont ressenti une inégalité de traitement surtout pour la population Érythréenne. » (Interviewé 4, p.2)

« Nous on est là pour l’instant présent ici, on l’encourage et on anticipe. (...) On attend la décision quand même, on les prépare au mieux (...). On ne doit pas suggérer quand on prépare, parce que sinon on commence à leurs dire ce qu’il faut dire et pas dire. Et tout cela c’est un jeu très complexe. (...) Mais on doit faire avec les éléments qu’on a, mais on anticipe, il faut anticiper. Parce que si à la dernière minute, on dit ben, on a reçu un document, tu vas partir, il y a une date ! Ce n’est pas possible de parler comme ça, on anticipe. Dire « si tu devais rentrer, on fait comment ? » (Interviewée 2, p.7)

Les deux témoignages, nous rappellent ce que nous avons pu découvrir dans notre théorie à l’aide de Mme Hammouti. L’auteure explique en effet que les professionnel.le.s doivent être attentif.ve.s à ne pas alimenter de faux espoirs et veiller à confronter la personne accompagnée à la réalité sociale, politique du pays (Hammouti, 2017 p.349). Les travailleur.euse.s sociaux.ales n’ont aucun pouvoir de décision sur le statut de la personne, mais c’est à eux/elles que leur revient la responsabilité d’informer la personne accompagnée de l’avancement des procédures et des décisions. Mme Hammouti évoque le fait que cet aspect de l’accompagnement est paradoxal et peut s'avérer être une source de tension (Hammouti, 2017 p.346).

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