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La mise en valeur des archives, une mission essentielle des archivistes

Dans le document Archives Et Bande dessinée (Page 12-16)

1. L’évolution de la médiation ou le rôle de l’archiviste en tant qu’acteur

1.1. La mise en valeur des archives, une mission essentielle des archivistes

La première tentative de médiation culturelle au sein d’un service d'archives date de 1867 lorsque le Marquis de Laborde met en place une exposition sur les fonds des Archives nationales, à l'Hôtel de Soubise. Dans son discours d'ouverture, le Marquis de Laborde évoque son souhait d'ouvrir les Archives nationales pour promouvoir la visibilité des archives auprès du public. Cette politique d’ouverture est oubliée durant le XXe siècle jusqu'en 1950 avec la création de services éducatifs impulsée par Charles Braibant5. À partir des années 80, les activités de médiation se multiplient ainsi que le développement du goût pour le patrimoine. Brigitte Guigueno dans son article « Le public des archives et ses contrastes, au crible de plusieurs enquêtes » décrit cette époque « favorisée par le mouvement de décentralisation, le développement des actions culturelles aux archives se fait en lien étroit avec les actions politiques, les élus incitant à l'insertion des actions au sein des politiques culturelles en construction6 ».

3 JAMMET (Yves), op. cit.

4 CHAUMIER (Serge), MAIRESSE (François), op. cit.

5 JAMES-SARAZIN (Ariane), « Les archives nationales ou la tradition de l’audace », Marie Paule Arnauld, la plénitude d’un métier, La Gazette des archives, n° 247, 2017, p. 137-144.

6 GUIGUENO (Brigitte), « Le public des archives et ses contrastes, au crible de plusieurs enquêtes », Les mutations du métier d’archiviste et de son environnement (actes du 11e colloque national des archivistes communaux et intercommunaux 2-4 juin 2015 à Limoges), La Gazette des archives, n° 244, 2016, p.

194.

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Cette mission de valorisation est arrêtée dans la loi 83-663 de Juillet 1983 puis dans le Code du patrimoine. Selon l'article L212-6 les collectivités territoriales doivent assurer « la conservation et la mise en valeur » des archives. Certaines réticences ont vu le jour : activités chronophages7, vulgarisation entrainant un récit lissé et superficiel8, éloignement du caractère scientifique lié aux archives9, hermétisme des services eux-mêmes etc. Ces difficultés interrogent la profession de l'archiviste et son inscription dans la vie culturelle du territoire. Dans l'article de Bente Jensen et Charlotte Jensen « The Archives' Perception of the Users-the Users' Perception of the Archives », les auteurs expliquent que l'archiviste est partagé entre deux rôles, celui d’être au service de l'administration et celui d’être une composante essentielle de la vie culturelle locale.

L’enquête de 2015 affirme que le contexte territorial a une incidence majeure : « La politique culturelle menée par la collectivité à laquelle le service d’archives est rattaché […] joue également sur les potentialités de mise en œuvre par le service d’une politique des publics.10 ». Cela conditionne le budget alloué et permet de questionner la place du service au sein de la collectivité11. Dans d’autres cas, initier des actions de médiation culturelle répond à une demande sociale autour de l'histoire locale d’un territoire. Les archivistes prennent une place importante au sein de la vie locale. Brigitte Guigueno évoque le développement d’un sentiment d'appartenance à la vie locale12. Les archives investissent les événements locaux ou nationaux, comme l'explique Jeanne-Marie Dureau dans son article « La participation

7 BURCKEL (Franck), « Nouveaux usages, nouveaux publics pour les archives », L’archiviste dans la cité, La Gazette des archives, n° 222, 2011, p. 139-147.

8 GUERRIER (Alain), « Archives, action culturelle et marketing », Archives municipales et animation culturelle (actes du symposium de la Section des archivistes municipaux de l’AAF, 5-6 mai 1992 à Narbonne), La Gazette des archives, n° 160-161, 1993, p. 27-35.

9 Ibid.

10 CIOSI (Laure), La politique des publics et ses partenariats fonctionnels dans le réseau des archives municipales, départementales et régionales en France métropolitaine, ministère de la Culture et de la Communication, direction générale des patrimoines, service interministériel des Archives de France, 2013, p. 26.

11 CIOSI (Laure), op. cit.,p. 26.

12 GUIGUENO (Brigitte), « Le public des archives et ses contrastes, au crible de plusieurs enquêtes », op. cit.

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des archives municipales à l’animation culturelle dans la ville » : « Il faut lier les manifestations aux événements. Choisir des sujets qui rejoignent la vie des habitants de la ville13 ». Jean-Pierre Babelon le souligne : « les archives doivent toucher un public de plus en plus vaste, afin de ne pas être absentes de toute l'actualité culturelle nationale ou locale14 ». Ces actions ont des conséquences. Menée lors d'un événement local sur quelques jours le contexte influencera l'action, limitant sa

« durée de vie » au moment où le public peut être le plus intéressé15. Selon Anne-Catherine Marin, le point de rencontre entre les élus et les archivistes se fait par l’établissement d’objectifs communs : lien social, vivre ensemble, appropriation par le public de leur histoire locale16.

Ces projets dépoussièrent l'image traditionnelle des archives auprès du public, qui se diversifient hors des cercles d’historiens ou de généalogistes17. La conquête de publics différents est un objectif au cœur de la valorisation. Public qui peut être effrayé par une première impression du lieu des archives : un espace calme, solennel et silencieux18. Les archives disposent d’un potentiel universel affirmé par Ariane James-Sarrazin qui définit les archives comme un « objet culturel offert au regard19 ». En interrogeant des visiteurs, l'étude sur les publics des activités

13 DUREAU (Jeanne-Marie), « La participation des archives municipales à l’animation culturelle dans la ville », Archives municipales et animation culturelle (actes du symposium de la section des archivistes municipaux de l’AAF, 5-6 mai 1992 à Narbonne), La Gazette des archives, n° 160-161, 1993, p. 25.

14 BABELON (Jean-Pierre), « Les relations des archives avec le grand public », La Gazette des archives, n° 76, 1972, p. 12

15 BABELON (Jean-Pierre), BOUSQUET (Jacques), SÈVE (Roger), « Les archives et l’animation culturelle », Manuel d’archivistique, théorie et pratique des archives publiques en France, Paris, direction des Archives de France, SEVPEN, 1970, p. 674-691.

16 MARIN (Anne-Catherine), « Archivistes, tous médiateurs ? Petites réflexions sur les pratiques professionnelles », Marie Paule Arnauld, la plénitude d’un métier, La Gazette des archives, n° 247, 2017, p. 145-152.

17 PIPON (Brigitte), PONTIER (Marie-Claire), « Valorisation des archives », Abrégé d’archivistique, principes et pratiques du métier d’archiviste, Paris, Association des archivistes français, 2012 (3e édition), p. 295-324.

18 JENSEN (Bente), JENSEN (Charlotte S.H.), « The Archives' Perception of the Users-the Users' Perception of the Archives », Comma, n° 3, 2005, p. 1-8.

19 JAMES-SARAZIN (Ariane), « Exposer des documents d’archives : une gageure ? », MARCILLOUX (Patrice) sous la dir., À l’écoute des publics des archives, identités, attentes, réponses, Angers, Presses

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culturelles dans les services de 2015 a mis en lumière que ces préjugés existent encore, mais ne sont pas partagés par tous20. Il s’agit de dépoussiérer l’image des archives21. Les documents d’archives n’en restent pas moins difficilement accessibles à un public non-éclairé : « Les archives demeurent moins parlantes que d'autres formes d'expression artistiques davantage fondées sur l'image22 ». Pour contourner ce problème, la médiation peut se fonder sur la scénographie pour « rendre le document plus vivant23 ». Élisabeth Gautier-Desvaux, en 1982, dans un communiqué sur « Les besoins culturels aux archives » évoque le lieu des archives comme un

« lieu d'incitation et de soutien à la création24 ». Le service ne serait donc plus seulement un lieu savant mais un espace ouvert sur la création, ce qui change la temporalité même des archives. Les archives deviennent un lieu culturel où le public peut se saisir des archives dans un but intellectuel mais aussi artistique. Dans un article intitulé « La diffusion d'archives, un plaisir démocratisé » publié dans Archives, Annie Lecompte-Chauvin va même jusqu'à mentionner les archives en tant que biens de consommation culturelle : « l'usager des archives se transforme en consommateur d'archives [...] qui les consomme comme un produit culturel25 ». Le service d'archives est désigné comme un « lieu incontournable de la sociabilité26 » mais aussi comme « [...] des établissements culturels à part entière27 ». Une nouvelle dimension qui les marque comme complémentaires de l'offre culturelle28.

Universitaires d’Angers, 2009, p. 87-91, p 84.

20 Société Lordculture, Les publics des activités culturelles dans le réseau des archives départementales et municipales en France métropolitaine, ministère de la Culture et de la Communication, 2015, 89 p.

21 CHAVE (Isabelle), « Pourquoi valoriser les archives ? La problématique en 2010 », HIRAUX (Françoise), MIRGUET (Françoise) (dir.), La valorisation des archives : une mission, des motivations, des collaborations. Enjeux et pratiques actuels, Louvain-la-Neuve, L’harmattan, 2012, p. 51-65.

22 CHAVE (Isabelle), op. cit., p 54.

23 Ibid.

24 GAUTIER-DESVAUX (Élisabeth), « Les besoins culturels », L’action culturelle dans les archives, actes du congrès de Nice, 4-6 octobre 1982, Paris, Direction des archives de France, 1983, p 21.

25 LECOMPTE-CHAUVIN (Annie), « La diffusion d’archives, un plaisir démocratisé », 42e congrès de l’association des archivistes québécois, Archives, vol. 44, 2012-2013, p. 21.

26 JAMES-SARAZIN (Ariane), « Les archives nationales ou la tradition de l’audace », op. cit., p. 144.

27 MARIN (Anne-Catherine), op. cit., p. 145.

28 CIOSI (Laure), op. cit.

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Ces actions répondent à un besoin de changer l'image des archives, d'améliorer la visibilité des services et d’être un acteur socialement responsable permettant

« l'accès de tous à la culture29 ». S'identifier à un lieu culturel redéfinit le cadre des archives, comme l'explique Ariane James-Sarrazin : « Enfin, faire venir jusqu'à soi un public plus large, c'est aussi accepter de détourner les archives, en tant que lieu patrimonial [...] pour en faire un lieu culturel comme un autre, que l'on aime fréquenter et où il se passe toujours quelque chose30 ». L’archiviste valorise sa profession afin de se reconnaître une place dans la cité et donc une place auprès des habitants locaux31. Pour ce faire, les services d’archives s’impliquent dans des programmes culturels riches mais qui demandent des moyens logistiques, financiers, humains etc.

1.2. Des moyens mis à disposition pour la réussite d’un

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