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Chapitre 1 : Analyse bibliographique autour de la polyaniline et de l’impression jet d’encre

1.2. La polyaniline, synthèse chimique, mise en œuvre et propriétés

1.2.4. Mise en solution des particules

La synthèse d’un matériau dispersable dans un solvant permet d’envisager le dépôt par des techniques peu coûteuses et adaptées à la production à grande échelle comme les techniques d’impression telles que la sérigraphie ou l’impression jet d’encre, comme nous le verrons plus en détail dans le paragraphe 1.3 de ce chapitre.

Les polymères intrinsèquement conducteurs sont insolubles dans la plupart des solvants classiques en raison de leur longue chaîne carbonée qui les rend hydrophobes. Or, en tenant compte de l’application visée, il apparait indispensable de contrôler la morphologie des particules, d’une part pour en faciliter la dispersabilité et la stabilité, d’autre part pour limiter la taille des particules à une taille inférieure à 1 µm.

24 Il est possible de contourner cette problématique en synthétisant le polymère sous forme de poudre nanostructurée et dispersable en phase aqueuse. De plus, les conditions opératoires imposées au cours de la synthèse chimique permettent de moduler la taille ou la morphologie des particules. Il est intéressant à ce stade de noter que la plupart des mélanges qualifiés de « solution à base de polymère » par abus de langage sont en fait des dispersions, dans lesquelles le polymère se trouve sous forme de particules dont la taille varie de quelques nanomètres à quelques micromètres14. Or une espèce est considérée comme dissoute dans un solvant si et seulement si chaque molécule est entourée uniquement par des molécules de solvant, on dit alors qu’elle est solvatée. Ce n’est pas le cas pour des particules de taille supérieure au nm.14

1.2.4.1. Contrôle de la morphologie et structuration du matériau à l’échelle submicronique

Outre la conductivité électrique du matériau, il est indispensable de contrôler la morphologie des particules de polyaniline formées au cours de la polymérisation, en tenant compte le mode de dépôt et de l’application finale visée. Au cours des travaux de thèse, trois morphologies de PANI différentes ont été synthétisées. L’objectif est d’étudier l’influence de la morphologie de la PANI sur ses propriétés électriques et sa dispersabilité en phase aqueuse.

Plusieurs possibilités sont offertes afin de fabriquer un matériau structuré, que ce soit au niveau de la taille ou la forme, à l’échelle submicronique. En ce qui concerne la PANI, les structures les plus couramment observées sont les bâtonnets, les nanotubes ou encore les flocons. Dans cette optique, 3 types d’approches sont envisageables :

 Une première approche dite « Hard Template » consiste à réaliser la polymérisation sur ou à l’intérieur d’une membrane poreuse. Les nanoparticules se forment ainsi à l’intérieur des pores, ce qui permet de contrôler la morphologie et la taille des particules. Cependant cette approche est avant tout utilisée dans le cadre d’applications ne nécessitant qu’un très petit nombre de particules, ce qui n’est pas le cas des travaux présentés.

 L’approche « Soft Template » consiste à introduire dans le milieu réactionnel des espèces chimiques capables d’influencer la forme des nanoparticules lors de leur formation. Il peut s’agir de surfactants, de dopants ou encore de cristaux liquides. Le problème posé par cette méthode est que l’agent structurant demeure dans le milieu réactionnel et qu’il faut ensuite l’éliminer lors de la purification du produit, en particulier s’il possède un caractère isolant électrique.

 Lorsqu’il s’agit d’obtenir un matériau nanostructuré en quantités beaucoup plus importantes, au cours d’une polymérisation par oxydation chimique, il est possible d’imposer une certaine morphologie aux particules simplement en imposant certaines conditions opératoires spécifiques lors de la réaction chimique. C’est cette approche, dite Template Free, qui sera décrite dans les paragraphes suivants.

25 1.2.4.2. Mécanisme de formation des particules de polyaniline dans le cas

« Template free »

Les paragraphes suivants décrivent les mécanismes sur lesquels repose la formation des particules primaires de polyaniline. Ces mécanismes sont intrinsèques au matériau et se produisent au cours de la polymérisation sans qu’il soit nécessaire d’ajouter d’espèces chimiques structurantes supplémentaires.

A cette échelle, autour de 100 nm, l’agrégation des molécules est irréversible une fois la réaction chimique terminée. La matière conserve cette structure tout au long des différentes phases ultérieures de sa mise en œuvre car les polymères conjugués sont insolubles dans la plupart des solvants conventionnels, en particulier en phase aqueuse.

La polymérisation à l’intérieur du réacteur intervient lorsque le monomère, présent en phase organique et insoluble en phase aqueuse, et l’oxydant, dissous en phase aqueuse, la plupart du temps le persulfate d’ammonium (APS), entrent en contact. Une fois la polymérisation amorcée, les molécules de polyaniline formées diffusent en phase aqueuse, et ainsi s’éloignent de l’interface phase aqueuse/phase organique.

Ce phénomène s’observe facilement dans le cadre d’une polymérisation interfaciale, dans ce cas le contact entre les 2 espèces a lieu seulement à l’interface des 2 phases. Le polymère, de couleur bleue puis verte diffuse clairement dans la phase aqueuse, moins dense que la phase organique (Figure 14).

Figure 14 : Exemple de polymérisation inter faciale de la PANI. Les fibres de PANI, de couleur verte, une fois formées diffusent dans la phase aqueuse, moins dense que la phase organique. D’après15.

La méthode la plus couramment utilisée lors de la synthèse de la polyaniline consiste à ajouter la solution contenant l’espèce oxydante goutte à goutte, afin de limiter l’échauffement du milieu réactionnel, la réaction de polymérisation étant exothermique.

Lors de la réaction chimique, suite à la polymérisation, la formation des particules élémentaires de polyaniline repose sur des phénomènes classiques d’agrégation. Dans un premier temps, la matière s’organise sous forme de nucléi. Un nucléus est un amas constitué de quelques centaines de molécules qui se forme lorsque la concentration à un endroit donné du mélange dépasse un certain seuil. Une fois ce nucléus formé, les particules peuvent entamer leur croissance, d’autres molécules isolées viennent ensuite s’accrocher sur ce site de nucléation.

A ce stade, on distingue deux types de nucléations :

 La nucléation est dite homogène lorsque la croissance des particules a lieu à partir de nucléi formés en solution.

26  Par opposition, on parle de nucléation hétérogène lorsque le nucléus à l’origine de la particule se forme à la surface d’autres espèces présentes dans le milieu réactionnel comme les parois du réacteur ou encore à la surface de particules formées précédemment.

Au cours de la réaction chimique, ces deux mécanismes coexistent mais suivant les conditions opératoires imposées, il est possible de favoriser l’un au détriment de l’autre.

Les conditions opératoires imposées comme la température du milieu réactionnel, la vitesse d’ajout de l’espèce oxydante ou encore les conditions d’agitation, lors de l’introduction de l’oxydant dans le milieu réactionnel permettent d’imposer préférentiellement l’un ou l’autre des mécanismes de nucléation. De ce fait, ceci permet d’exercer un contrôle de la morphologie des particules qui vont être formées par la suite lors de la réaction chimique.

Dans le cas d’un ajout d’oxydant goutte à goutte sous agitation continue, l’observation de la morphologie des particules à différents instants de la réaction chimique montre que :

 les particules formées lors des premiers temps de la réaction sont uniquement de nature fibrillaire (Figure 15, 0min), sans connections les unes avec les autres. Ceci dénote d’une nucléation purement homogène, la croissance des particules s’effectue dans le milieu réactionnel à partir de nucléi distincts présents en solution.

En revanche, l’observation des particules de polymères après un temps plus long de la réaction montre un matériau de plus en plus agrégé (Figure 15, 25 min et 100 min). Une explication plausible est que les molécules de polymère formées par la suite, lors de l’ajout ultérieur d’APS vont préférentiellement venir se fixer sur les particules de PANI formées précédemment. Le mécanisme dominant est alors la nucléation hétérogène, ce qui va donner naissance à un matériau fortement agrégé et donc difficile à disperser. En vue d’obtenir un matériau facilement dispersable, il convient donc de limiter ou supprimer ce phénomène de nucléation hétérogène.

Figure 15 : Micrographie par microscopie à effet tunnel de particules de PANI à différents instants de la réaction chimique. D’après16.

A première vue, il paraîtrait logique de penser qu’une agitation constante lors de la polymérisation permet de maintenir les nucléi éloignés les uns des autres. Cependant, il s’avère que sous agitation, la probabilité que les nucléi finissent par se rencontrer augmente au fil du temps pour finalement se produire, ce qui favorise la nucléation hétérogène.

A partir de ces observations, il est démontré que le fait d’introduire la totalité de l’oxydant sous agitation brève permet d’une part de favoriser la création quasi immédiate de nombreux nucléi distincts et éloignés les uns des autres dans l’ensemble du mélange. D’autre part grâce à cette

27 méthode, l’ensemble des réactifs est rapidement consommé, ce qui empêche l’apparition ultérieure de molécules de polymères qui seraient susceptibles de venir s’agglomérer sur les particules formées dès le début de la réaction. De cette manière, le processus de nucléation hétérogène est totalement supprimé. La polyaniline obtenue n’est pas du tout agrégée17.

Figure 16 : Particules de PANI fibrillaire (à gauche) et globulaire (à droite) synthétisées par réaction de 0,3mL d’aniline dans 10mL de toluène avec 0,18gd’APS dans 1,0M de HCl à 25°C par polymérisation interfaciale.

Sans agitation (à gauche) et sous agitation à 1100 tr/min, d’après 17.

Ainsi, il est possible de contrôler la morphologie du matériau à l’échelle du nanomètre en fonction de l’application visée et des propriétés que l’on souhaite donner au matériau à l’échelle macroscopique, comme le résume la Figure 17 :

En cas de prédominance du phénomène de nucléation hétérogène, le matériau obtenu sera fortement agrégé.

 Dans le cas où la nucléation homogène constitue le principal mode de formation des nanoparticules, le matériau obtenu sera plus simple à disperser car peu d’interactions auront été créées de particules à particules.

Figure 17 : Formation des particules de PANI selon le mode de nucléation la nucléation hétérogène (I) ou la nucléation hétérogène (II). Schéma d’après 16.

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