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5 DISCUSSION

5.1 Mise au sein précoce

Angle d’investigation traité : efficacité sur l’allaitement à long terme et risques d’un

protocole de peau à peau et de mise au sein précoce après une césarienne.

5.1.1 Efficacité d’un peau à peau précoce

Un protocole favorisant le contact peau à peau, entre une mère en salle d’opération et son enfant, augmente le taux de mise au sein précoce et le taux d’allaitement maternel à un mois post-partum (Gouchon et al., 2010 ; Nolan & Lawrence, 2009). Ce résultat va dans le sens de la littérature médicale, de l’IHAB et de mon hypothèse. Une méta-analyse (Moore, Andersen & Bergman, 2009) a montré que le peau à peau précoce est effectivement une aide importante pour l’enfant lorsqu’il doit téter. Lors d’un peau à peau, l’enfant prend du temps pour lécher et sentir le sein de sa mère et cela lui permet d’avoir

une succion efficace. Lorsque l’on met l’enfant au sein uniquement quand il a faim, ce temps d’adaptation n’a pas eu lieu et pourrait expliquer les plus grandes difficultés à prendre le sein et à téter efficacement (ibid.). Cependant, c’est la mise au sein avant une heure de vie qui est associée à un taux d’allaitement augmenté après une césarienne et non directement le peau à peau (voir infra, 5.3.2) (Nolan & Lawrence, 2009).

5.1.2 Mise en œuvre d’un protocole de peau à peau et de mise au

sein précoce

Après une césarienne, l’organisation institutionnelle est souvent décrite comme étant un frein pour la mise en place d’un rapprochement mère-enfant directement au bloc opératoire. Les raisons peuvent être le personnel ou la distance avec l’unité de salle d’accouchement. Néanmoins, plusieurs études ont montré que la mise en place d’un protocole de peau à peau directement au bloc opératoire, même de manière limitée, demandait peu de moyens et était efficace (Hung & Berg, 2011 ; Moore, Andersen & Bergman, 2009). Dans les études que j’ai pu lire, tout avait un protocole légèrement différent. Apparemment, l’idéal serait d’avoir un contact peau à peau d’au moins 15 minutes durant la première demi-heure et une mise au sein avant la première heure de vie (Moore et al., 2009). Or, pendant les césariennes, la femme est souvent en salle d’opération durant les 30 minutes suivant la naissance, ce contact doit donc être mis en place selon un protocole auquel les gynécologues, les anesthésistes et les pédiatres adhèrent afin que le contact se déroule au mieux sans entraver la prise en charge chirurgicale de la mère (Hung & Berg, 2011).

Un contact tactile suffirait, mais une étude parle d’un rapprochement encore plus étendu et prenant en compte le contact auditif ou visuel. Dans l’étude pilote de Nolan & Lawrence (2009), les chercheurs avaient installé un miroir sur une table néonatale présente dans le bloc opératoire afin que la mère puisse continuer à voir et entendre son enfant après la naissance, sans aucune interruption. Cependant, je suis sceptique quant à l’utilité réelle d’un rapprochement aussi “intensif”, connaissant entre autres les risques augmentés de détresse respiratoire après une césarienne. Un délai de séparation de cinq ou dix minutes parait être raisonnable pour ne pas avoir besoin de l’éviter. En Suisse, l’enfant, même s’il va bien, est installé sur une table néonatale, souvent dans une intersalle, afin d’estimer son adaptation rapidement et de pratiquer une aspiration oropharyngée. Au bout de cinq minutes, l’enfant est donc “libre” et pourrait retourner sur la poitrine de sa mère.

Quand la séparation mère-enfant est nécessaire, parce que la mère est sous anesthésie générale par exemple, un peau à peau avec le père semble être un moyen alternatif efficace pour favoriser l’allaitement. Une étude montre que les bébés qui sont en peau à

peau avec leur père, tètent de manière plus efficace lors de la première mise au sein et sont moins agités que ceux ayant été privés de ce contact (Erlandsson, Dsilna, Fagerberg & Christensson, 2007, p. 105).

Finalement, n’oublions pas que l’idéal est d’avoir une politique institutionnelle concordante et favorisant l’allaitement de toutes les manières connues. Ainsi, il est important de mettre en œuvre plusieurs stratégies pour privilégier l’initiation de l’allaitement. Les études montrent qu’une prise en charge globale améliore nettement le taux d’allaitement plutôt que des stratégies isolées (Forster & McLachlan, 2007). Le respect des “Dix Conditions pour le succès de l’allaitement maternel” et la pleine collaboration des professionnels sont fortement recommandés pour tout hôpital désirant promouvoir l’allaitement.

5.1.3 Risques associés à un contact précoce

La mise au sein directement en salle d’opération semble être corrélée à plus de difficulté d’allaitement de type engorgement ou douleurs (Hsien et al., 2011). Ceci s’expliquerait par un surplus de stress qu’apporterait la mise au sein au bloc opératoire. N’oublions pas que pour que le réflexe d’éjection du lait se fasse correctement, il faut des décharges d’ocytocine sérique ; or la sécrétion de cette hormone est inhibée par l’adrénaline et donc, par le stress (voir supra, 2.3.6). Ce mécanisme pourrait donc expliquer des engorgements et donc des douleurs dans le post-partum précoce. Cependant, Hsien et al. ne mesurent pas le taux d’allaitement, mais uniquement les difficultés d’allaitement durant l’hospitalisation et ne montrent pas que les femmes ayant fait une mise au sein “trop précoce”, selon les auteurs, allaitent moins longtemps.

N’oublions pas que le contact précoce durant la césarienne, n’a pas d’incidence significative sur la température (Gouchon et al., 2010 ; Nolan & Lawrence, 2009) ou la fréquence respiratoire de l’enfant ainsi que sur les douleurs ou l’anxiété maternelles (Nolan & Lawrence, 2009). Un protocole de rapprochement mère-enfant sans mise au sein au bloc opératoire est donc sans risque en ce qui concerne ces paramètres et permettrait de favoriser la mise au sein qui aura lieu à la sortie du bloc, dans un environnement plus intime et plus confortable pour la mère et l’enfant. En ce sens, les articles confirment mon hypothèse de départ.

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