• Aucun résultat trouvé

Chapitre 5 : Interprétation et Discussion

5.2 Mise en relation des deux sites

La comparaison directe entre les deux sites de Monsu et Hope Estate est rendue difficile par la distance chronologique et géographique déjà évoquée. C'est pourquoi leur mise en relation va s'appuyer sur un trait partagé par les deux populations. La présence

simultanée de cultures végétales et d'objets céramiques.

Cette combinaison entre culture matérielle et système de subsistence à déjà été étudié pour comprendre et expliquer les dynamiques complexes s'étant déroulé au Proche- Orient à l'époque Néolithique. Nous aimerions nous appuyer sur la mise en relation des sites de Monsu (Colombie) et Hope Estate (Saint Martin) pour sonder la possibilité, à l'échelle de la Caraïbe de quelque chose qui pourrait être apparenté au "pack

néolithique".

Pour chacune des espèces se trouvant dans le « pack néolithique » la présence et le mode de domestication/exploitation varient selon les régions et même les sites (Vigne et al. : 2011) ; il ne s'agit donc pas de retrouver, à l'échelle de la Caraïbe, un spectre de faune identique mais simplement de percevoir si ce sont les mêmes techniques de chasse et environnements fréquentés, et si les spectres de faunes ont des similarités. Ce serait un moyen intéressant d'évaluer et de contextualiser les assemblages de l'époque des premiers céramistes du monde caraïbe en terme relatif et comme un ensemble, sans isoler ou survaloriser tel ou tel élément (faune, flore ou artefact).

Sans sous entendre que les changements se sont fait de manière uniforme à l'échelle de la Caraïbe entière, et que les limitations environnementales/les préférences du

groupe/les variations culturelles inter-groupes ne jouent pas un rôle capital, il semblait intéressant de chercher à établir un contexte de réflexion plus ample sur l'apparition de la céramique et l'agriculture dans la Caraïbe.

Le corpus d'étude est destiné à s'agrandir, notamment en intégrant d'autres sites provenant également du Corredor Costero ou ayant une date plus proche. Il ne s'agit donc pour l'instant que d'une mise en contact entre la région du Corredor Costero et les Petites Antilles. Par conséquent, aucune des hypothèses qui va être formulée ici n'est à prendre comme s'appliquant à l'ensemble de la région du Corredor Costero ou à l'ensemble des périodes chronologiques couvertes par l'étude.

5.2.1 Comparaison entre les deux sites

5.2.1.1 Quelles sont les différences en terme de présence/absence d'espèce

Chacun des deux sites comprend une grande diversité d'ordre : lissamphibiens, mammifères, oiseaux, actynopterigiens, squamates et testudines (bien que dans des proportions différentes). Même si l'ordre des Crocodilia n'est présent qu'à Monsu, un grand nombre de taxons se trouve dans les deux sites. Les mammifères sont présents dans les deux cas, mais les taxons les plus fréquents ne sont pas les mêmes. En effet à Saint Martin ce sont avant tout des rats des rizières et à Monsu avant tout des cerfs à queue blanche (Odocoileus virginianus). De plus certains taxons (Canidae,

Hydrochoerus sp.) ne sont présents que sur un des deux sites. Le genre Dasyprocta est toutefois présent dans les deux cas

Les oiseaux n'ont pas pu être identifiés avec plus de précision dans le cas de Monsu, il est par conséquent difficile de comparer avec les données de Hope Estate.

Les actynopterigiens se retrouvent presque à l'identique, quoique dans des proportions différentes. Il existe toutefois certaines familles qui ne sont présentes que sur l'un ou l'autre des sites. Ainsi les Albulidae et Kyphosidae ne se trouvent qu'à Saint Martin. Et les Synbranchidae, Megalopidae, Characidae et Eyrthrinidae ne se trouvent quant à eux qu'à Monsu. Les Chondrichtyens ne sont attestés qu'à Monsu également.

Les squamates ont des taxons en commun sur chacun des deux sites (Iguanidae), ainsi que des différences (Boidae sur le site de Monsu, Teiidae sur le site de Saint Martin). Les Testudines attestées regroupent des espèces d’eau douce, d’eau de mer et terrestres sur le site de Monsu, alors qu'aucune tortue de terre n'est attestée sur le site de Saint Martin, puisque ces dernières n'arrivent sur l'île qu'avec la présence des esclaves.

Fig 19 : Diagramme comparant les écosystèmes fréquentés pour le site de Monsu et le site de Hope Estate, calculé en utilisant les NMI, selon la méthode détaillée dans la troisième partie de la présente étude.

Tout d'abord, il est important de préciser que la fréquentation des écosystèmes a été calculée selon les NMI. Cela amène à tempérer la prépondérance des écosystèmes forestiers à Saint Martin, par rapport à Monsu. En effet le taxon principal y

correspondant est différent : Il s'agit du rat des rizières (genre Oryzomys) à Saint Martin et du cerf à queue blanche (Odocoileus virginianus) à Monsu. La comparaison en termes de fréquentation et d'importance pour la diète des précolombiens est donc moins rigoureuse que pour les autres types d'écosystèmes, ou les tailles des proies sont moins éloignées.

Cette précaution prise, il est possible de discuter les différences et similarités des deux sphères de fréquentation.

On note de nombreux recoupements au niveau de l'exploitation des écosystèmes marins, avec une prépondérance de l'exploitation de la haute mer, suivie de celle des récifs coralliens. Les fonds sableux/rocheux, les estuaires, et les plages, ont également des places comparables. Les herbiers et les mangroves correspondent à un nombre d'individus plus importants à Monsu, mais l'écart est peut-être creusé par le biais de représentation du couvert forestier cité plus haut.

La différence principale entre les deux sphères d'interaction se situe au niveau de la fréquentation des écosystèmes de lagunes et d'eau douce ouverte. Ce sont en effet des écosystèmes globalement peu fréquentés par les habitants de Hope Estate, même s'ils se trouvent à proximité du site, mais exploités lourdement par les occupants du site de Monsu.

Peut être le site de Monsu se trouvait-il à proximité immédiate d'un des bras du fleuve Magdalena, aujourd'hui disparu, ou peut-être s'agit il d'un choix d'exploitation différent. Les apports en poisson auraient été aussi bien d'eau douce que de milieux marins, contrairement à Saint Martin ou les poissons sont avant tout de milieux marins.

5.2.1.3 Quelles sont les différences en terme de système d'exploitation de l'environnement (Garden hunt vs Open environment hunt ?)

Le site de Hope Estate reflète un mode de vie sédentaire, les habitants cultivaient du manioc comme le montre des artefacts destinés à sa préparation. Ils ont également

fabriqué une céramique aux formes complexes, ornée de motifs géométiques,

anthropomorphes et zoomorphes. La faune consommée reflète une diversité importante et atteste de la fréquentation d'écosystèmes aussi bien marins que terrestres (Grouard : 1998 ; Serrand 2002).

Les seules différences avec le site de Monsu, pour autant que nous puissions dire selon les données disponibles sont la possible occupation saisonnière et la possible existence de « garden hunting » qui est beaucoup plus difficile à argumenter dans le cas de Hope Estate que dans le cas de Monsu ; les céramiques complexes, la culture de manioc et d'autres tubercules, ainsi que le spectre de faune consommée présentent tous de très fortes similarités (Carvajal : 2012, Reichel-Dolmatoff : 1985)

5.3 Les différences peuvent elles être expliquées uniquement par une diffé-

Documents relatifs