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CHAPITRE 4 MISE AU POINT DE L’OUTIL DE SÉLECTION DES PRODUITS

4.2 Mise en place de critères additionnels

4.2.1.1 Compétition avec les dérivés du gaz naturel

Dans la mesure où il est plus facile de pénétrer un marché déjà existant (en outre, celui des produits chimiques) que de créer une nouvelle demande, il est impératif d’établir un critère solide traduisant la capacité des produits biobasés à ne pas entrer en compétitions avec les dérivés du gaz naturels (ce qui, dans ce cas nécessiterait leur vente à un prix très bas, et donc ne garantirait pas la soutenabilité économique des futures bioraffineries).

L’émergence des gaz de schistes a permis d’obtenir de l’éthane à faible prix, ce qui a poussé de nombreuses compagnies chimiques à convertir leurs unités de craquage de naphta en unité de craquage d’éthane. Ce procédé permettant de produire de l’éthylène à un coût moindre (à cause de la simplicité du procédé et le faible prix de l’éthane), s’est répandu relativement rapidement (aux États-Unis, le rapport naphta : éthane pour les opérations de craquage était de 0.3 : 0.7 en 2005 et est passé à 0.12 : 0.88 en 2012 [166]), ce qui a eu un impact négatif sur la

production d’éthylène, de propylène et de monoéthylène glycol d’origine biosourcée tout en proposant de nouvelles opportunités aux compagnies chimiques pour la production biobasée de molécules comportant quatre atomes de carbone ou plus [167]. Par conséquent, l’élimination des molécules ayant moins de quatre atomes de carbone permet de saisir les opportunités les plus intéressantes en vue d’éviter la compétition avec les dérivés du gaz naturel.

Figure 5 : Première ébauche de la nouvelle méthodologie de sélection des produits

CRITÈRES SPÉCIFICITÉS DE LA BIORAFFINERIE FORESTIÈRE ET CRITÈRES ASSOCIÉS

Compétition avec les dérivés pétrochimiques

Ne doit pas être en compétition avec un dérivé du gaz naturel.

→ Critère de mesure manquant

La technologie de production doit être disponible à l’échelle pilote ou démonstration.

→ Conservation des produits dont les technologies ont une TRL supérieure ou égale à 6.

Maturité technologique

Taille du marché et prix de vente

Les marchés ciblés ne doivent pas être trop nichés ou trop volumineux tout en garantissant un prix de vente suffisamment haut.

→ Critère de mesure manquant Propres au contexte du projet

Autres critères manquants

La bioraffinerie doit pouvoir être opérée par la main d’œuvre déjà présente sur place.

Rentabilité à court terme vérifiable.

Avantage concurrentiel des produits biobasés face à leurs équivalents pétrochimiques.

4.2.1.2 Critères de marchés

Les différents critères émis par le D.O.E. au sujet du marché et du prix ne mentionnent qu’un ciblage de marché ni trop niché, ni trop volumineux, sans pour autant fournir des ordres de grandeurs acceptables, ce qui peut mener à un jugement en la matière subjectif. Une gamme de marché et de prix attractifs pour la bioraffinerie forestière (représentée sur la Figure 6), a été identifiée :

- la taille du marché doit être comprise entre 100 000 et 1 000 000 de tonnes par an, - le prix du produit doit être compris entre 1 000 et 5 000 dollars américains par tonne.

Figure 6 : Gammes de tailles de marché et de prix à cibler pour la production de produits biobasés à partir de la biomasse forestière [168]

Cependant, il a été entendu avec le partenaire industriel de réduire la limite supérieure de taille de marché à 1 000 000 de tonnes par an afin d’obtenir des parts de marchés limitées mais

solide et d’éviter que de multiples usines de pâtes produisent le même produit, ce qui provoquerait une potentielle saturation du marché, une hausse du prix du bois, et une compétition entre les usines (la compétition entre acteurs utilisant les mêmes ressources dans un contexte de bioéconomie en développement est à éviter afin de leur être profitable à tous).

4.2.2 Nouveaux critères propres au contexte du projet

4.2.2.1 Bioraffinerie opérable par la main d’œuvre locale

Suite à une discussion avec FPInnovations, il fut choisi de ne baser la sélection qu’à partir d’une liste de monomère dits « plateforme », c’est–à-dire permettant une vaste gamme de produits dérivés, afin de considérer un large panel de compagnies chimiques clientes en vue de leur transformation future en produits de spécialités. De plus, dans la mesure où la bioraffinerie doit être opérée par la main d’œuvre déjà présente dans l’usine de pâte réceptrice ou avoisinante, une certaine simplicité en matière d’opération de procédé s’impose. Par conséquent, un critère d’obtention des produits chimiques directement à partir des sucres (c’est-à-dire en une seule étape) a été établi afin de privilégier la simplicité du procédé de la bioraffinerie (ce qui permet également de limiter les coûts d’équipement et donc de CAPEX).

4.2.2.2 Rentabilité à court terme vérifiable

Dans un contexte de conversion de l’industrie des pâtes et papiers, il est nécessaire d’être rentable rapidement. Dans le cadre de la bioraffinerie, après discussion avec différents acteurs du milieu, il fut arbitrairement choisi un temps de retour sur investissement de 3 ans. Néanmoins, le risque d’investissement du projet, qui est relativement moyen (car permettant l’introduction d’un nouveau produit sur un marché existant) autorise un temps de retour maximal théorique compris entre 16 et 24 ans [169].

De même, en accord avec le niveau de risque lié à l’investissement du projet, la valeur du taux de retour acceptable a été fixée à 16% [169].

Enfin, un critère déterminant le prix de vente maximal des produits biosourcés est nécessaire afin de garantir leur compétitivité sur cet aspect. Ainsi, il fut établi que le prix du produit biobasé doit être inférieur ou égal à celui de son équivalent pétrochimique.

4.2.2.3 Avantage concurrentiel des produits biobasés

Il est nécessaire de conférer un avantage compétitif aux produits biobasés afin de mieux faire face à leurs contreparties pétrochimiques sur le marché. Ainsi, bien qu’ils doivent remplir les mêmes fonctions, cela peut ne pas suffire pour convaincre les compagnies chimiques à faire un choix en leur faveur, notamment en raison d’un prix pouvant être plus élevé. Le critère d’impact environnemental n’a été abordé par le D.O.E. dans aucune de ses sélections. À l’heure de l’instauration d’une taxe carbone par le Canada dans le cadre des accords de Paris [163], déterminer les émissions de GES évitées grâce à la version biosourcée d’un produit chimique est nécessaire pour les raisons suivantes :

- d’une part, dans la mesure où l’empreinte carbone est certainement le critère d’analyse environnementale le mieux connu du grand public, cela pourrait les populariser et par conséquent faire augmenter leur croissance sur le marché,

- d’autre part, le fait d’éviter des émissions en GES pourrait permettre aux compagnies d’engranger des profits supplémentaires grâce aux crédits carbones, ce qui faciliterait la transition vers les biobasés. Cet avantage, en plus de la stabilité du prix de la biomasse en comparaison de celui du pétrole, représente un avantage supplémentaire des produits chimiques biosourcés face à leurs équivalents issus de la pétrochimie.

Par conséquent, il est nécessaire que l’empreinte carbone d’un produit chimique biobasé soit inférieure à celle d’un produit chimique dérivé du pétrole pour qu’il soit judicieux de le produire dans un bioraffinerie forestière.