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Vouloir le vrai, c’est s’avouer impuissant `a le cr´eer.

Friedrich Nietszche

Sommaire

4.1 Aper¸cu des observations MCS . . . 70 4.2 Observations synth´etiques . . . 73 4.2.1 R´esultats dans l’espace du mod`ele . . . 74 4.2.2 Inflation et divergence du filtre . . . 80 4.2.3 R´esultats dans l’espace des observations . . . 86 4.3 Observations r´eelles . . . 90 4.4 Synth`ese . . . 94

Ce chapitre vise `a mettre en application la m´ethode d´ecrite dans le chapitre pr´ec´edent. Pour cela on utilise l’exemple d’une assimilation atmosph´erique martienne avec la m´ethode LETKF et le GCM du LMD. Le but est de valider la mise en place de la chaˆıne d’assimilation, notamment avec l’utilisation des observations synth´etiques, c’est-`a-dire cr´e´ees sp´ecialement `a partir du mod`ele pour valider l’assimilation. C’est ´egalement l’occasion d’introduire bri`evement les observations de l’instrument Mars Cli-mate Sounder utilis´ees ici. Enfin et surtout, le but de ce chapitre est de fournir un exemple d’utilisation et d’analyse de la chaˆıne d’assimilation de donn´ees `a des fins p´edagogiques, qui puisse servir de guide `a des utilisateurs du couplage entre le LETKF et le GCM martien du LMD.

4.1 Aper¸cu des observations MCS

Le Mars Climate Sounder (MCS) (McCleese et al., 2007) est un instrument d’observation de l’atmosph`ere martienne. Il a produit un jeu de donn´ees in´edit en raison de la grande densit´e d’observations au limbe et de leur extension verticale qui ont r´ev´el´e des aspects jusque l`a inconnus de l’atmosph`ere martienne (voir l’exemple de la poussi`ere dans le chapitre 1 `a ce sujet). Ses caract´eristiques uniques en font donc un instrument de choix pour l’assimilation.

MCS est l’un des 6 instruments `a bord du Mars Reconnaissance Orbiter (MRO), satellite de la NASA orbitant la plan`ete Mars. Les buts scientifiques de MRO sont de chercher la pr´esence de vie pr´esente ou pass´ee sur Mars, comprendre l’histoire de son climat pass´e, ses processus g´eologiques, et ´etudier les ressources pr´esentes n´ecessaires `a l’exploration humaine (Zurek and Smrekar, 2007). MRO est dans une orbite circulaire basse depuis fin aoˆut 2006 (MY 28-Ls=100), `a une altitude moyenne de 320 km et une inclinaison de 92.6 pour une p´eriode de 112 minutes. Cette orbite est con¸cue pour ˆ

etre h´eliosynchrone, avec le survol des heures locales 15 h et 3 h environ.

MCS est un spectrom`etre constitu´e de 9 d´etecteurs lin´eaires (ou barrettes), chacun compos´e de 21 capteurs. Chaque barrette est d´edi´ee `a une bande spectrale sp´ecifique dans le domaine infrarouge du spectre ´electromagn´etique. Parmi ces 9 barrettes, 8 sont consacr´ees `a des mesures atmosph´eriques au limbe et une au bilan radiatif aux pˆoles. Les centres des bandes des 8 barrettes pour les observations au limbe varient de 16,5 `a 41,2 µm, pour correspondre `a diff´erents types de mesures (CO2 gazeux, glace de CO2, poussi`ere, glace d’eau, vapeur d’eau). Chaque barrette est situ´ee dans le plan focal d’un des deux t´el´escopes de MCS. Ces t´el´escopes peuvent pivoter selon l’azimuth et l’´el´evation pour ˆetre orient´es selon diff´erents points de vue.

Fig. 4.1: Vue de l’instrument Mars Climate Sounder. On y distingue deux orifices qui sont l’entr´ee des t´el´escopes, deux axes de rotation (en azimuth et ´el´evation), et la plaquette blanche le miroir pour la calibration par le soleil.

CHAPITRE 4. MISE EN PLACE D’UNE ASSIMILATION DE DONN ´EES 71

Une s´equence d’observation, d’une dur´ee de 30 secondes, consiste en 2 mesures nadira de la surface, 8 mesures au limbe et 2 mesures de calibration de l’espace. Le temps d’int´egration pour l’observation au limbe est de 2 secondes. A partir des mesures de radiances, un algorithme d’inversion permet de retrouver les profils verticaux de temp´erature, poussi`ere et glace d’eau (Kleinb¨ohl et al., 2009). Il consiste, `a partir d’un a priori, en une convergence vers des profils dont la radiance th´eorique minimise l’´ecart aux radiances mesur´ees. Cet ´ecart r´esiduel permet de d´eduire une erreur d’observation estim´ee, indispensable `a l’assimilation de donn´ees. Cette convergence peut aussi ´echouer, auquel cas aucun profil n’est reconstruit. Le taux de r´eussite varie fortement, de 100 % en conditions de ciel clair, `a moins de 10 % en conditions tr`es poussi´ereuses (McCleese et al., 2007). `A chaque it´eration de l’algorithme, une s´election s’op`ere sur chacun de 21 capteurs des 8 barrettes sur des crit`eres de sensibilit´e optimale ´etant donn´e le profil estim´e. Pour les a´erosols (poussi`ere et glace d’eau), l’hypoth`ese effectu´ee est une diffusion simple des photons par les a´erosols, dont la distribution en tailles suit une loi Gammab. L’hypoth`ese de diffusion simple donne des r´esultats similaires `a une hypoth`ese de diffusion multiple (Kleinb¨ohl et al., 2011), avec une diff´erence relative de 2% en g´en´eral. Les profils obtenus apr`es inversion consistent en une valeur de temp´erature, ou une opacit´e par km pour les a´erosols, en fonction de la pression. L’hy-poth`ese sous-jacente pour le transfert radiatif des a´erosols n’a que peu d’influence sur l’opacit´e estim´ee. Ainsi, on pourra directement comparer cette opacit´e `a celle du GCM, qui lui emploie une hypoth`ese de loi lognormale `a rayon variable pour la distribution des tailles de particules. Malheureusement, l’inversion de la vapeur d’eau dans une atmosph`ere de CO2 est plus difficile qu’initialement imagin´ee, et les bandes des bar-rettes dans l’infrarouge lointain ont ´et´e con¸cues trop larges pour cette tˆache. `A ce jour la possibilit´e de reconstruire des profils de vapeur d’eau n’est ni acquise ni abandonn´ee.

L’inversion des profils effectu´ee par Kleinb¨ohl et al. (2009) fournit des profils sur une ´echelle de pression avec 105 points r´eguli`erement espac´es selon une progression g´eom´etrique entre 1879 Pa et 0.0042 Pa. Cette grille verticale sur´echantillonne la v´eritable r´esolution verticale des inversions, qui est variable et vaut environ 5 km. Une comparaison de niveaux verticaux de MCS et du GCM dans une r´esolution standard est montr´ee en figure 4.2. On y voit qu’il y a plus de niveaux verticaux pour MCS que pour le GCM, mais en raison de sa v´eritable r´esolution verticale de 5 km, on peut s’attendre `a ce que l’information contenue soit comparable `a celle produite par le GCM. On peut ´egalement comparer les niveaux verticaux de MCS avec ceux de l’instrument TESc, qui a servi pour de nombreuses autres assimilations (d´etaill´ees dans la section 6.2). La grille verticale de MCS a ´et´e con¸cue pour se superposer `a celle de TES, avec un niveau sur deux de MCS correspondant `a un niveau de TES. La grille verticale de TES est elle-mˆeme un choix arbitraire pour les calculs de tranfert de rayonnement de l’inversion. Tout comme MCS, TES utilise des niveaux verticaux plus rapproch´es que sa v´eritable r´esolution verticale, ´egale `a environ 10 km (Smith, 2004). On voit donc l’int´erˆet de MCS par rapport `a TES, avec une meilleure r´esolution et extension verticale.

aUne vue nadir signifie que l’instrument observe la sc`ene qu’il survole `a la verticale, par opposition

au limbe o`u il observe l’atmosph`ere `a l’horizontale.

bLes lois Gamma sont une famille de lois de probabilit´e pour des variables al´eatoires positives.

cLe Thermal Emission Spectrometer est un instrument nadir `a bord du Mars Global Surveyor, dont

10

-4

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Pa

MCS

TES

GCM

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100

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140

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km

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900

800

700

600

500

Pa

MCS

TES

GCM

0

1

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5

6

km

Fig. 4.2: Niveaux verticaux des inversions de MCS, et de TES, compar´es avec les altitudes du GCM dans sa configuration standard avec 36 niveaux et une pression de surface de 1000 Pa.

Le limbe est observ´e le long de la trajectoire de l’orbite, dans un mode appel´e in-track, avec deux profils cons´ecutifs espac´es d’environ 30 secondes, la dur´ee d’une s´equence d’observation, soit environ 100 km en distance horizontale sur la plan`ete. L’heure locale des observations suit donc celle de l’orbite de MRO, `a 15h et 3h aux basses et moyennes latitudes. Il est toutefois possible d’utiliser un mode cross-track, pour lequel l’instrument est point´e vers le limbe dans une direction perpendiculaire `

a la trace de l’orbite. Ceci permet d’observer `a 4 autres heures locales, de part et d’autre de la trace de l’orbite. `A l’´equateur ces heures locales sont `a environ 1 h 30, 4 h 30, 13 h 30, et 16 h 30. Les observations cross-track ont d´ebut´e mi-septembre 2010 (MY 30-Ls=150) pour une dur´ee de 30 jours, tous les 30 jours. Elles sont effectu´ees conjointement avec les observations in-track, en alternant une vis´ee cross-track, une vis´ee in-track vers le soir, une vis´ee au cross-track, puis une une vis´ee in-track vers le matin. Le mode cross-track permet de diversifier les observations en heure locale, mais sans acquisition de la temp´erature de surface par une vis´ee nadir. Sans cette contrainte la surface, l’extension verticale du profil vers le bas est limit´ee et commence en g´en´eral vers 20 km.

CHAPITRE 4. MISE EN PLACE D’UNE ASSIMILATION DE DONN ´EES 73

4.2 Observations synth´etiques

Afin de valider une chaˆıne d’assimilation, il est instructif de d´ebuter par une assimi-lation d’observations synth´etiques. Ces observations, issues du mod`ele, nous permettent de proc´eder `a une assimilation en ayant une connaissance absolue de la r´ealit´e. Ceci per-met d’´etudier la performance de la m´ethode d’assimilation, tout en s’assurant qu’aucun bogue ne subsiste dans la mise en place de la chaˆıne d’assimilation. Ce genre d’´etude porte le nom d’OSSE, pour Observing System Simulation Experiment (voir par exemple Daley and Mayer (1986)). Il s’agit mˆeme d’une ´etape rassurante avant l’assimilation d’observations r´eelles, pour lesquelles nous n’aurons plus acc`es `a une connaissance ab-solue de l’atmosph`ere. Elle peut ´egalement permettre de tester diff´erentes hypoth`eses en utilisant un mod`ele parfait ou avec des imperfections simul´ees, en jouant sur la pa-ram´etrisation du mod`ele utilis´e pour l’assimilation et pour la cr´eation des observations synth´etiques. Cette ´etape constitue donc une condition n´ecessaire, mais pas suffisante, au succ`es de l’assimilation d’observations r´eelles.

Un tel exercice a ´et´e men´e par Hoffman et al. (2010) avec le LETKF et le GCM martien du Geophysical Fluids Dynamics Laboratory (GFDL). Ils ont d´emontr´e qu’un filtre d’ensemble de Kalman ´etait `a mˆeme de pouvoir assimiler l’atmosph`ere martienne en utilisant des observations synth´etiques. Le but ici est de reprendre `a mon compte ce type d’´etude dans le but de valider la mise en place de la chaˆıne d’assimilation qui couple le LETKF et le GCM du LMD. Ainsi, je ne souhaite pas faire une ´etude tr`es pouss´ee d’OSSE, et me contente donc du cas o`u le mod`ele est parfait, c’est-`a-dire o`u le mod`ele utilis´e pour g´en´erer les observations synth´etiques et celui utilis´e pour l’assimilation sont identiques. Le GCM repr´esente alors parfaitement la r´ealit´e que l’on cherche `a assimiler.

Pour construire les observations synth´etiques, on utilise les profils verticaux de temp´erature de MCS pour l’ann´ee MY 29, pendant 30 sols `a partir de Ls=270, c’est-`

a-dire des sols 515 aux sols 545. Pour chaque point de l’inversion, l’observation r´eelle est substitu´ee par une valeur de temp´erature issue d’une simulation de r´ef´erence, et interpol´ee depuis la grille du mod`ele `a l’emplacement de l’observation. Cette simulation de r´ef´erence joue le rˆole de la r´ealit´e que l’on cherche `a assimiler, et qu’on appellera pas la suite natured. La simulation nature poss`ede 64 points en longitude et 48 en latitude, 36 niveaux verticaux, et est guid´ee par un sc´enario de poussi`ere de l’ann´ee martienne 29. Pour l’assimilation, le GCM est utilis´e dans la mˆeme configuration.

Les observations synth´etiques ont ´egalement une erreur gaussienne ajout´ee `a l’inter-polation de la simulation nature, dont l’´ecart-type est celui des v´eritables observations MCS. Cet ´ecart-type est typiquement de 0.1 K `a 0.5 K entre 1000 et 1 Pa. Nous avons toutefois impos´e une valeur minimale de 2 K lors de l’assimilation pour l’erreur des observations. La raison est que MCS poss`ede une r´esolution horizontale bien meilleure que celle du GCM, ce qui lui permet de r´esoudre des structures en temp´erature avec une variation de moins de 1 K que le GCM ne peut pas simuler. Ce seuil de 2 K est ´egalement utilis´e pour l’assimilation des observations r´eelles dans la section 4.3 et les chapitres 5 et 6.

Au total, ce sont un peu plus de trois millions d’observations synth´etiques qui sont cr´e´ees pour la p´eriode concern´ee. Il est `a noter que du sol 528 au sol 532, il y a un intervalle sans donn´ees r´eelles, et donc synth´etiques, ce qui nous permettra

d’appr´ecier le comportement de l’assimilation en l’absence de donn´ees pendant une dur´ee de quelques cycles d’assimilation. La figure 4.3 montre la r´epartition de ces observations en fonction du temps.

515 520 525 530 535 540 545

Temps (sols)

0 5000 10000 15000 20000 25000

Nombre d'observations

jour

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