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CHAPITRE II : LA PERCEPTION DE LA PAUVRETÉ AU NIVEAU DE L’ARCHIPEL

Section 2 : Mise en place de nouvelle structure d’investissement

Dans l’idée de pallier aux insuffisances de sources traditionnelles et de faciliter l’accès aux crédits aux pauvres, pour financer les secteurs (urbain et rural), le gouvernement comorien et les bailleurs de fonds ont encouragé la création des institutions de crédits modernes.

58Banque mondiale, Rapport de la dernière mission de la Banque mondiale aux Comores

§.1- Facteur de croissance

Le capital social lorsqu’il est mis en synergie avec les autres formes de capital physique, financier ou humain contribue à la croissance. On remarque, en effet, de nombreux projets de développement qui tirent, au niveau local, leur dynamisme de l’inclusion dans des réseaux sociaux. Des réseaux traditionnels basés sur les liens familiaux ou villageois et des réseaux de solidarité nouvelle créés pour le fonctionnement de projets.

Le FADC (Fonds d’Appui au Développement Communautaire), par exemple, aide les villages à créer des infrastructures en s’appuyant sur le réseau associatif existant. Il accorde un financement dès lors qu’un comité de pilotage, regroupant les dirigeants de toutes les associations, s’accorde sur un projet à réaliser, s’engage sur son financement à hauteur de 20% et sur l’entretien régulier des installations. Le FADC a permis la création de 159 projets pour l’ensemble des îles entre 1993 et 1999 et en prévoit 450 autres jusqu’en 200459.

Les Sanduks60 sont des caisses villageoises qui facilitent l’accès au crédit pour les plus défavorisés. Elles mettent l’accent sur l’autogestion solidaire de ces caisses en imposant la constitution de groupes d’au moins 5 personnes responsables collectivement du prêt. En quatre ans, de 1994 à 1998, quarante d’entre elles ont été créées dans les trois îles concernant 60 000 bénéficiaires, récoltant 60 millions FC d’épargne et distribuant 70 millions FC de crédits avec un taux de remboursement des crédits de 99%61.

Les mutuelles d’épargne et de crédit, initiées en 1996, facilitent l’accès au crédit pour les micro-entreprises62. L’accent est mis sur la participation de la population villageoise dans la gestion et le fonctionnement des mutuelles. Chaque mutuelle gère ses propres fonds pour la rémunération des salariés, le paiement des fournitures, etc.. Elle fonctionne à partir d’une assemblée générale, composée de tous les adhérents, qui élit un conseil d’administration, un comité de crédit et un conseil de surveillance. Six mutuelles ont été créées à ce jour et les projections montrent que le réseau se prendra totalement en charge dans quelques années.

59Programme de Nations Unis pour le Développement (PNUD) et Gouvernement Comorien, 1997.

60 Banque Centrale des Comores

61Voir le site de CERISE : http://www.cerise-microfinance.org

62Le contrôle des finances publiques aux Comores, Abdou Chacourou Abal Anrabe, L'Harmattan, 3 mai 2000, (ISBN 9782738411198)

Ces trois exemples montrent l’importance des liens sociaux, et donc du capital social, moderne comme traditionnel, pour la réussite des initiatives de développement au niveau local. Certes, ils s’appuient sur une certaine cohésion sociale déjà présente, à travers les réseaux familiaux et villageois, mais leurs réalisations contribuent à renforcer la confiance et à accroître le capital social.

Pour que la croissance reprenne au niveau global, il faudrait que ces dynamiques, viables au niveau local, engendrent un effet d’entraînement pour l’ensemble du système économique. Or, ceci implique la satisfaction de deux conditions. D’une part, il faut que cette dynamique locale soit reconnue et assistée au niveau global par la mise en place de politiques appropriées au moins au niveau de chacune des îles. D’autre part, il faut qu’une synergie puisse se passer au niveau de l’ensemble des îles et cela passe par un rétablissement de la confiance, une reprise de la coopération inter-îles. Dans les deux cas, cela passe par la mise en place des conditions de la bonne gouvernance.

§.2. Le capital social comme garant de la cohésion sociale

La croissance, par sa nature même, engendre des inégalités. Tout changement dans les modes de production ne bénéficie pas de la même manière aux différents groupes sociaux, ménages ou individus, selon la place qu’ils occupent dans le processus de production63. Ces inégalités peuvent être spatiales, entre les régions ou entre les îles, ou sociales selon la classe sociale d’appartenance des individus ou selon le genre.

Or la hausse des inégalités freine la réduction de la pauvreté. En effet, tout supplément de croissance lorsqu’il bénéficie aux plus pauvres réduit la pauvreté mais s’il bénéficie aux plus riches accroît l’inégalité. De plus, nous l’avons vu, cette dernière porte atteinte à la cohésion sociale en accroissant les tensions sociales. Par conséquent, s’il est nécessaire que la croissance reprenne pour élever le niveau de vie, elle doit aussi s’accompagner de mesures permettant aux richesses créées d’atteindre les catégories les plus pauvres.

Ceci demande d’envisager une certaine régulation des inégalités64, si l’on veut que le développement soit durable, en termes sociaux. Car, si ces nouvelles richesses ne bénéficient qu’aux classes favorisées, la pauvreté ne diminuera pas et l’inégalité s’accroîtra, de même que le cortège de tensions sociales qu’elle engendre. Autrement, il faut veiller à maîtriser la

63PERROUX, François, L'économie du XXe siècle, Paris, PUF, 1961, p. 155.

64 Abdallah MSA, COMORES 1975-2000 UN ESPOIR DECU, les éditions de l'officine.

hausse des inégalités, celles-ci ne devant pas dépasser certains seuils considérés comme inacceptables par la société, et assurer une répartition équitable des fruits de la croissance au moyen de politiques de partage et de redistribution.

Le capital social, expression du niveau des relations sociales, joue un rôle important dans cette dynamique car il permet de légitimer des règles de protection et de redistribution sociale sous forme traditionnelle comme légale65. Il intervient à plusieurs niveaux : au début du processus, en assurant, à travers la gouvernance sociale, le renforcement de la cohésion sociale et, en fin de processus, en veillant à la mise en place de politiques de redistribution sociale adéquates pour compenser les inégalités. Dans tous les cas, son objectif fondamental demeure le maintien de la cohésion sociale.

Si les réseaux familiaux et villageois demeurent, au niveau local, un lieu privilégié de solidarité qui se manifeste par les transferts dont bénéficient les membres se trouvant dans des situations difficiles, il n’en demeure pas moins que des mécanismes de redistribution institutionnels doivent être mis en place pour réduire les inégalités au niveau global. On aborde ainsi le problème de la gouvernance dans sa gestion du capital social afin de réduire la pauvreté, protéger les plus vulnérables et réguler les inégalités.

La mise en œuvre de tels mécanismes pose cependant des problèmes de viabilité66. Il faut des institutions publiques chargées du prélèvement des fonds correspondants, sous forme de cotisations ou de taxes, puis de leur redistribution de manière équitable. Ce qui demande de déterminer les catégories de population qui cotiseront et celles qui bénéficieront des transferts correspondants. Ce problème de ciblage demande la mise au point de critères pertinents qui doivent être reconnus comme tel par toutes les catégories de population.

Dans le cas des inégalités spatiales, notamment entre les îles, le problème devient complexe vu les différences existant dans les niveaux de vie et dans les sources de revenu.

L’objectif n’est plus uniquement d’harmoniser les conditions de vie au sein de chaque île, mais aussi entre les îles. Ce qui demande une redistribution équitable des revenus entre les îles. Or les sources de revenu diffèrent fortement entre elles en raison, d’une part, d’infrastructures productives et commerciales différentes et, d’autre part, du niveau de soutien

65Chouzour Sultan, LE POUVOIR DE L'HONNEUR : tradition et contradiction en Grande-comore, édition l'harmattan, Paris, 1994.

66Banque Mondiale (2013). Guide pour l'Analyse des Impacts sur la Pauvreté et le Social.

de la diaspora au moyen de transferts privés67. Les Grands Comoriens, par exemple, sont plus nombreux à partir à l’étranger et contribuent fortement, par leurs transferts, à élever le niveau de vie de la Grande Comore au-dessus de celui des autres îles. Dans ce cas, les disparités de revenu entre îles ne peuvent pas être facilement comblées, car il s’agit d’inégalités liées aux transferts privés au sein d’une même famille, plus qu’aux ressources de l’Etat et à leur redistribution.

Dans un tel contexte, seules des mesures de gouvernance politique (accords inter-îles) ou sociale (ou participative : accord de la population sur des objectif de solidarité) pourraient apporter une solution adéquate au problème de la redistribution de fonds structurels entre les îles. Cependant, la disponibilité des fonds structurels ne peut être garantie que dans le cadre de l’autonomie financière des îles stipulée dans l’article 11 de la Constitution de l’Union, qui renvoie la question des règles de partage des ressources publiques entre l’Union et les Iles, à une loi organique ultérieure68. Une des questions centrales que l’Union des Comores aura donc à résoudre, c’est de trouver une formule de transferts budgétaires préférentiels reposant sur des caractéristiques de pauvreté des îles et des régions. Il y va de la sauvegarde de l’unité économique et sociale de l’Union. Les lois fondamentales de l’Union et des Iles, en vigueur apportent un début de réponse, en affirmant dans leurs préambules, les principes de bonne gouvernance et de solidarité entre l’Union et les Iles elles-mêmes.

67Commissariat Général au Plan [2003].

68Union des Comores [2003].

CHAPITRE II : LES NOUVEAUX AXES DE MISE EN ŒUVRE DES DIFFÉRENTES