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Mise en application : L’altération de la complexité avec l’âge

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 77-81)

Chapitre 3 : L’évaluation de la complexité

3.3. Mise en application : L’altération de la complexité avec l’âge

Afin d’illustrer l’utilité expérimentale des résultats présentés ci-avant, je propose ici une mise en application ayant pour but de vérifier un des résultats obtenu par Hausdorff et al.

(1997), concernant l’altération de la complexité avec l’âge. Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, les diverses applications des analyses fractales au mouvement humain et plus particulièrement celles axées sur un objectif de santé ou de réhabilitation suggèrent que l’exposant fractal pouvait être vu comme un marqueur de santé.

Toutefois, l’ensemble des données de ces études fut analysé via l’analyse de fluctuations redressées ou la densité spectrale de puissance, or nous venons de voir que la fiabilité de ces analyses pouvait être remise en question et plus particulièrement lorsque les exposants sont estimés par densité spectrale. Nous aurions bien sur pu réanalyser les données d’Hausdorff via l’estimateur de maximum de vraisemblance, cependant les signaux qu’ils ont récoltés sont assez courts (i.e. 315 pas en moyenne) et nous avons aussi vu que la variabilité de l’estimation tendait à augmenter à mesure que la taille des signaux diminue.

Nous avons proposé une première illustration de ces résultats dans Roume et al. (2019) où nous avons appliqué les trois méthodes d’analyse sur un ensemble séries empiriques de durée de pas. Ces séries, présentées dans Almurad, Roume, & Delignières (2017) ont été collectées durant une tâche de 15 minutes de marche exécutée par deux groupes de participants : le premier composé de 22 participants jeunes (28,07 ± 8,88ans), et le deuxième de 23 participants âgés (72,36 ± 4,88ans). Les résultats ont été consignés dans le tableau suivant :

Groupe DFA lowPSDwe MLE ARFIMA

Jeunes v‡ 0,878 1,023 0,887

s 0,096 0,137 0,096

Agés v‡ 0,783 0,951 0,764

s 0,112 0,196 0,088

ANOVA

F(1,43) 9,397 1,999 20,044

p 0,004 0,165 0,000

η² 0,179 0,044 0,318

Tableau 5 :Valeurs moyennes des exposants fractals et leurs écart-types respectifs calculé avec les trois méthodes d’analyse DFA, lowPSDwe, MLE ARFIMA sur des séries de pas collectées durant une tâche de 15 minutes de marche réalisée par deux groupes

de participants. Ainsi que les résultats de la comparaison des deux groupes via une ANOVA pour chacune des analyses.

Conformément à nos résultats précédents, la lowPSDwe présente une plus grande variabilité d’estimation que la DFA et le MLE ARFIMA. Nous avons comparé les deux groupes avec une analyse de variance à un facteur, aucune différence entre les deux groupes n’a été trouvé à partir des résultats donnés par la lowPSDwe. Alors qu’une différence significative a été trouvée lorsque que les exposants étaient issus des analyses DFA et MLE ARFIMA avec une taille d’effet supérieure pour le MLE ARFIMA.

Afin d’affiner ce résultat de la différence d’exposant entre les groupes, je présente ici une deuxième illustration consistant en une analyse comparative de la marche entre des participants jeunes et des participants âgés. Ces données sont issues de plusieurs études, toutefois elles ont été recueillies avec le même matériel que celui présenté ci-avant et dans des conditions similaires. Les données des participants âgées sont celles utilisées dans le papier d’Almurad et al. (2018) que je présenterai en détails dans le chapitre suivant. Ces données correspondent à une condition où les participants devaient marcher seuls pendant 15 minutes sur la piste d’athlétisme couverte de l’université, d’une longueur de 200m, à leur vitesse préférentielle. Les données de participants jeunes ont été récoltées spécifiquement dans le cadre de mon travail de thèse afin d’établir cette mise en application, ils avaient pour instruction de marcher 1200 pas, à leur vitesse préférentielle, sur la même piste d’athlétisme. J’ai réparti les participants en quatre groupes : un groupe composé de 10 jeunes d’âge moyen 19,8 ± 1,14 ans ; un groupe de 10 personnes âgées de 63 à 68 ans, d’âge moyen 65,4 ± 1,14 ans ; un groupe de 9 personnes âgées de 69 à 75 ans, d’âge moyen 71,8 ± 2,58 ans ; et enfin un groupe de 9 personnes de plus de 76 ans, d’âge moyen 77,7 ± 1,58 ans. Les exposants d’échelles de l’ensemble des signaux ont été estimés via l’approximation de Whittle de l’estimateur du maximum de vraisemblance sur les propriétés spectrales des ARFIMA (0,d,0) telle que présentée précédemment.

Je présente dans la figure 15 les exposants fractals moyens pour chacun des quatre groupes. Une ANOVA à un facteur met en évidence un effet significatif de l’âge (F(3,34)

= 6,06 ; p = 0,002 ; η² = 0,35). Un test post-hoc HSD de Tukey montre une différence significative entre l’exposant d’échelle moyen du groupe de jeunes et le groupe des 63 – 68 ans (p = 0,03) ainsi qu’avec le groupe des 76 ans et plus (p = 0,01).

Notons que le test post-hoc LSD de Fischer montre une différence significative entre le α moyen du groupe de jeune et celui de l’ensemble des groupes de personnes âgées.

Figure 15 : Exposant fractal moyen α pour une tâche de marche effectués par 4 groupes de participants de catégorie d’âge différentes * : p = 0,03 ; ** : p = 0,001.

Ces résultats tendent à confirmer l’observation faite par Hausdorff et al. (1997), de l’altération de la complexité de la marche avec l’âge. Bien que la valeur moyenne de l’exposant d’échelle que nous observons pour le groupe de participants jeunes (0,91 ± 0,06) soit similaire à celle reportée par Hausdorff (0,87 ± 0,15) notons que la valeur moyenne que nous observons dans notre groupe de personnes de 76 ans et plus (0,79 ± 0,04) est plus élevée de 0,1 point par rapport à celle rapportée par ces auteurs (0,68 ± 0,14) pour un groupe dont l’âge moyen est pourtant moins élevé (75,7 ± 3,2 ans). Ceci suggère que les personnes âgées ayant participé à notre étude étaient en très bonne forme physique. Outre cette différence, nous devons prendre en compte que nos participants ont tous été recrutés dans des associations locales de sport adapté, ainsi à priori il s’agissait de personnes dont nous pouvons considérer que leur forme physique est supérieure à la normale par rapport à leur classe d’âge.

En conclusion, même si ces personnes font preuve d’une forme physique supérieure nous pouvons déjà observer une altération de leur exposant fractal ce qui suggère bien que cet exposant peut être vu comme un marqueur de santé. Toutefois, nos prochaines études devront se concentrer sur des publics dont la forme physique sera plus proche de la moyenne.

Enfin, nous pouvons nous poser légitimement la question du fait de prendre l’âge comme facteur catégoriel. De fait, lorsqu’on observe les résultats au niveau individuel, nous pouvons voir que plusieurs personnes dans le groupe des plus de 76 ans expriment une complexité plus élevée que certaines personnes appartenant au groupe des 63 à 68 ans.

Nous savons que l’âge chronologique ne reflète pas forcément l’âge physiologique, ainsi je pense qu’il serait intéressant à l’avenir d’étudier les exposants fractals avec d’autre facteurs catégoriels tels que des facteurs de performance ou des facteurs cliniques.

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