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mise en évidence d’effets différents auprès de cibles différentes

L’une de nos recherches nous semble particulièrement intéressante de ce point de vue. Plus précisément, l’étude expérimentale sur l’effet de levier du parrainage sur l’efficacité d’une action de marketing direct [3] a été menée auprès de deux cibles distinctes. Ces deux cibles correspondaient à des cibles de l’entreprise.

Nous nous sommes rapproché de l’équipe de football dont la marque cible était l’un des sponsors principaux. Elle a accepté de nous communiquer la liste de l’ensemble des abonnés. Après avoir retiré les abonnements concernant des professionnels, nous avons obtenu une liste exhaustive et non redondante de 1270 supporters de l’équipe parrainée ayant souscrit et payé personnellement un abonnement annuel pour la saison en cours au moment de l’étude. Ces supporters peuvent être considérés comme de vrais fans de leur équipe (Sutton et al., 1997). Pour chacun des 1270 supporters concernés, nous avons ensuite cherché à constituer une liste de 1270 non-supporters, comparables aux supporters du point de vue de leur âge, leur sexe, catégorie socio-professionnelle et aussi et surtout de leur distance par rapport à l’un des 28 magasins de l’enseigne participant à l’opération. Pour ce faire, pour chacun des 1270 supporters concernés, nous avons tiré aléatoirement dans un annuaire téléphonique au format papier, une autre personne résidant dans la même agglomération (pour contrôler la distance séparant son domicile du magasin le plus proche) et portant le même prénom (pour contrôler le genre et la génération de la personne concernée).

S’intéresser à l’effet de levier du parrainage sur l’efficacité d’une action de marketing direct, d’une part chez les supporters de l’équipe parrainée et d’autre part, chez les non-supporters, nous a permis de montrer un effet de la mise en avant du statut de parrain dans un publipostage sur les comportements de visite et d’achat chez les supporters, mais pas chez les non-supporters. Il est toutefois intéressant de noter les résultats d’une enquête téléphonique menée un jour après la réception supposée du publipostage auprès d’une partie des participants (130 supporters et 130 non supporters tirés aléatoirement). Ils montrent un accroissement de la connaissance du soutien de la chaîne de magasins parrain après avoir reçu le publipostage mettant en avant ce soutien (groupe expérimental), par rapport au publipostage ne faisant aucune mention de ce soutien (groupe de contrôle). Cet effet concerne aussi bien les supporters (72,3 %, n=65 vs 55,4 %, n=65, p=0,034 (test exact de Fisher unilatéral)) que les non-supporters (12,3 %, n=65 vs 1,5 %, n=65, p=0,016 (test exact de Fisher unilatéral)) de l’équipe parrainée.

Conclusion du chapitre 4

Ce quatrième chapitre avait pour objet de montrer que les variables dépendantes ainsi que les participants n’étaient pas nécessairement contraints de revêtir un caractère artificiel. Chercher à s’approcher de cibles potentielles plus proches des cibles réelles des entreprises ne signifie pas pour autant qu’une cible étudiante ne puisse pas être envisagée. Toutefois, même dans le cas où un public étudiant fait sens, un échantillon de convenance ne saurait suffire. Ainsi par exemple, plutôt que d’interroger les étudiants en marketing auxquels le chercheur dispense des cours, il apparaît plus judicieux de chercher à interroger une diversité de profil d’étudiants. L’idéal, bien entendu, serait de disposer d’une liste exhaustive et non redondante des étudiants d’une université voire de différentes universités ou écoles privées. Même si un chercheur, pour des raisons évidentes de temps et de coût, devait mener son expérimentation auprès d’étudiants d’une seule université, il devrait essayer de sélectionner des participants avec des profils variés (sexe, âge, type d’études, année d’étude, etc.)

C

HAPITRE CONCLUSIF

-

Enseignements, positionnement

épistémologique, et encadrement

Le caractère plus ou moins artificiel d’une expérimentation constitue le fil directeur de cette notice. Nous avons essayé de mettre en exergue le paradoxe entre les principes

fondamentaux de l’expérimentation et l’essence même des sciences de gestion. Une expérimentation est « naturellement » construite (on manipule, on applique un traitement puis on observe les résultats de façon plus ou moins invasive auprès d’unités expérimentales) ; on

crée ainsi une situation éloignée des conditions réelles.

Une situation naturelle est caractérisée par une multitude de variables que le chercheur

peut difficilement maîtriser pour étudier une relation de cause à effet. Il s’éloigne donc des conditions réelles afin de pouvoir isoler une relation de cause à effet. Paradoxalement, cet éloignement lui permettant d’étudier une relation causale l’éloigne de facto du monde réel, de la «réalité ».

Nos recherches, conjuguées à certains autres exemples de recherches issus de la littérature, nous ont permis d’illustrer notre propos. Le titre que nous avons choisi pour cette notice « Pour des

recherches expérimentales moins artificielles en communication marketing » indique

d’ailleurs de manière explicite la position que nous défendons : une recherche expérimentale

en communication marketing qui s’approche des conditions naturelles.

Dans ce chapitre conclusif, nous souhaitons tirer les principaux enseignements qui découlent du paradoxe soulevé dans cette notice. Nous présenterons les conséquences sur le plan de la

conduite d’expérimentations en communication persuasive des organisations, en les

illustrant par certaines de nos recherches en cours, avant d’évoquer le positionnement

épistémologique de nos recherches. Nous présenterons enfin notre expérience en matière

d’encadrement de jeunes chercheurs et notre vision de l’encadrement des recherches

doctorales.

Enseignements pour le développement des recherches expérimentales en

communication marketing

Afin de se rapprocher des situations naturelles, il est nécessaire de définir plus précisément ce

que constitue une situation naturelle, autrement dit d’avoir une situation de référence

(Meyer, 2005) : quel traitement expérimental correspond le mieux à une situation réelle ? Quelles populations et quels individus sont susceptibles d’être exposés aux messages testés ? Dans quelles situations les individus concernés sont-ils amenés à être en contact avec ces messages (i.e., dans quel lieu ? une salle de cinéma, à la télévision, devant un ordinateur, un smartphone ?) Pendant combien de temps ? (i.e., quelques minutes, quelques heures, quelques années ?).

Plusieurs chercheurs insistent aussi sur l’importance d’observer dans un premier temps la

façon dont les individus se comportent dans la vie de tous les jours avant de mener une expérimentation (Holleman et al., 2020). Dans leur approche qualifiée de « Cognitive Ethology », Kingstone et al. (2008) proposent d’ailleurs que les chercheurs observent d’abord comment les individus se comportent dans la vie de tous les jours avant « d’aller en laboratoire ». Dans nos recherches à venir, nous chercherons à identifier les traitements,

unités, observations et situations qui correspondent le plus à une situation réelle. Nous

avons cherché, dans le cadre d’une recherche en cours, à identifier les traitements expérimentaux correspondant le mieux à une situation réelle (encadré 28).

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Encadré 28 : illustration de l’identification des traitements expérimentaux correspondant