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Partie 1 - INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE

4. Composition du tissu osseux

4.2. Matrice inorganique osseuse

4.2.5. Minéralisation osseuse

La minéralisation du tissu osseux représente le dépôt d’une substance minérale au sein d’une matrice organique extracellulaire. Chez l’Homme, il s’agit généralement d’une calcification, c’est-à-dire du dépôt de phosphate de calcium dans la matrice organique, encore appelée tissu ostéoïde. Au cours de l’ostéogenèse, cette calcification conduit à la formation d’os à partir d’une matrice protéique aux formes et dimensions spécifiques. Le terme minéralisation regroupe différents mécanismes intervenant à différents stades du développement du tissu osseux depuis les premières étapes de la nucléation cristalline jusqu’à la minéralisation progressive des unités structurales élémentaires formées au cours du remodelage osseux.

4.2.5.1. Nucléation cristalline

La nucléation d’un cristal se produit grâce à l’énergie dérivée de la saturation des réseaux ioniques dans une solution. Lorsque cette énergie est totalement dérivée de la saturation ionique,

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on parle de nucléation homogène. Dans le cas du minéral osseux la nucléation est hétérogène, autrement dit, la formation du premier germe de cristallisation se fait à la surface de particules étrangères (Glimcher 1984). Dans l’os, deux sites de nucléation hétérogène ont été décrits: les vésicules matricielles et les bandes à trous des fibres de collagène. Les meilleurs agents de nucléation étant les cristaux eux-mêmes, ils induisent alors la formation de nouveaux cristaux par un mécanisme appelé nucléation secondaire. Dés que le mécanisme de nucléation est réalisé, les cristaux vont croître jusqu’à ce qu’ils atteignent leur taille et leur forme définitives.

Les vésicules matricielles sont des petites structures extracellulaires, issues du bourgeonnement des chondrocytes ou des ostéoblastes (0,1 à 0,2 μm de diamètre) et délimitées par une membrane trilaminaire classique (bicouche phospholipidique). Dans le système osseux, elles sont retrouvées dans les zones qui se minéralisent comme la plaque de croissance, l’os en cours de développement et les cals de fractures. Elles contiennent une solution métastable d’ions phosphate et calcium ainsi que de nombreuses protéines, lipides et enzymes qui permettent l’initiation de la minéralisation (phosphatases alcalines, pyrophosphatases, peptidases et protéases). Les premiers cristaux d’apatite sont observés à l’intérieur des vésicules matricielles, en association avec la face interne de la membrane qui contient des éléments organiques favorisant le passage de la phase liquide à la phase solide (Fig. 12). A proximité du front de minéralisation, l’augmentation du nombre et de la taille des cristaux produisent la rupture de la vésicule. Les cristaux vont alors envahir les interstices de la trame collagénique. Suite à ce dépôt initial, la calcification va se propager par nucléation secondaire, où les premiers cristaux servent de site de nucléation pour les suivants.

Le deuxième site de nucléation hétérogène correspond aux bandes à trous des fibres de collagène. Le terme « bande à trous » décrit une partie moins riche en acides aminés liée au décalage des fibrilles de collagène les unes par rapport aux autres (voir Fig. 8). Dans ce cas, la calcification des vésicules matricielles n’est pas une étape préalable indispensable. Dans ce site de nucléation ce sont les interstices de la « bande à trous » et la distribution stéréochimique et électrochimique des groupes des Chaînes latérales qui favorisent la nucléation à partir d’une solution métastable de phosphate et de calcium. Les cristaux vont envahir ces « trous » puis les espaces longitudinaux inter fibrillaires et finalement recouvrir l’intégralité des fibres de collagène (Fig. 13). Suite à cette nucléation initiale, la propagation de la minéralisation se fait ensuite par nucléation secondaire.

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Figure 12 : Micrographies électroniques de tissu osseux montrant A) un ostéoblaste (OB) synthétisant une matrice ostéoïde (OST) et la présence de vésicules matricielles contenant des cristaux d’apatite osseuse (B=agrandissement du champ encadré en A, adapté de (Hoshi et Ozawa 2000)).

Figure 13: Schéma représentant la nucléation et la propagation du minéral osseux dans les bandes à trous du collagène, adapté de (Landis 1979)

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4.2.5.2. Minéralisation des unités structurales élémentaires

Les mécanismes de nucléations initiales décrits dans le paragraphe précédent concernent la formation des premiers cristaux de minéral au cours de l’ossification primaire. Faisant suite au modelage qui se poursuit jusqu’à la fin de la croissance. Le tissu osseux, chez l’adulte est le siège d’un remodelage permanent. Ce mécanisme de remodelage implique différents types de cellules spécifiques du tissu osseux et consiste à résorber une matrice osseuse « ancienne » et à combler cette résorption avec une étape de formation. La formation osseuse se réalise en deux temps, tout d’abord, l’espace résorbé est comblé par une matrice organique néosynthétisée. Ensuite, cette matrice se minéralise par nucléation secondaire où les nouveaux cristaux se forment au contact de ceux de la matrice calcifiée sous-jacente. Le remodelage osseux sera développé dans un paragraphe suivant.

La minéralisation du tissu ostéoïde synthétisé au cours d’un cycle de remodelage osseux est un phénomène biphasique. Elle débute par le dépôt rapide (< à 100 jours) de minéral par nucléation secondaire au niveau du front de minéralisation, c’est la minéralisation primaire qui correspond au dépôt de 50 à 60% de la charge minérale maximale du tissu osseux. Le front de minéralisation peut être identifié par des marqueurs vitaux qui se fixent spécifiquement au minéral en cours de formation, et qui émettent une fluorescence sous illumination ultraviolette (tétracyclines, calcéine, alizarine…). Le traitement séquentiel avec un marqueur vital est à la base de l’histomorphométrie dynamique et permet de calculer le taux de remodelage osseux, mais aussi la vitesse de la minéralisation (Fig. 14).

Figure 14: Coupe histologique de tissu osseux observée sous lumière ultraviolette permettant la visualisation d’un double marquage par les tétracyclines (flèches blanches). Chaque marque fluorescente révèle le front de minéralisation actif au moment où la dose de tétracycline a été administrée.

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Suite à la minéralisation primaire, la phase de minéralisation secondaire débute. Il s’agit d’une étape lente et progressive d’augmentation du nombre, de la taille et de la perfection des cristaux (Fig. 15). La durée précise de la minéralisation secondaire n’est pas connue chez l’homme mais l’utilisation de modèles mathématiques prédictifs décrit une étape pouvant durer de quelques mois à plusieurs années. L’activité du remodelage osseux est un déterminant majeur de la charge minérale maximale que peut atteindre le tissu osseux. En effet, un taux de remodelage élevé augmente la probabilité qu’une unité de remodelage soit résorbée avant qu’elle ait complété sa minéralisation et inversement.

Si la durée de la minéralisation secondaire n’est pas connue chez l’homme, elle a été récemment étudiée chez la brebis âgée (Bala et al. 2010b). Le tissu osseux de ce modèle animal présente de nombreuses similitudes histologiques et métaboliques avec le tissu osseux humain. Les deux espèces partagent le même mécanisme de remodelage osseux avec une fréquence d’activation comparable. De plus, la brebis répond de manière similaire à certains traitements connus pour modifier l’activité du remodelage osseux chez l’homme. L’utilisation d’un protocole d’injections semestrielles de différents marqueurs vitaux sur 30 mois a permis de « dater » l’âge des BSUs et d’en déduire la chronologie de la minéralisation. Ce travail a permis de mettre en évidence que le degré de minéralisation osseux, c'est-à-dire la densité minérale tissulaire, atteignait un plateau dés 18 mois de minéralisation (Fig. 16) (Bala et al. 2010b). Cette augmentation du degré de minéralisation était aussi associée avec une amélioration de la maturité, de la taille et de la perfection du cristal de minéral osseux. Comparativement, pour les autres modèles animaux, la minéralisation secondaire semble achevée après 3 mois chez le rat (Busa et

al. 2005), 8 mois chez le chien (Marotti et al. 1972), 12 mois chez le lapin (Fuchs et al. 2008) et

chez le singe (Huang et al. 2003).

Figure 15: Micrographies électroniques d’un champ de tissu osseux de même dimension observé au cours des minéralisations primaire (a) et secondaire (b) illustrant l’augmentation du nombre et de la taille des cristaux (Georges Boivin, INSERM U1033 équipe « Qualité Osseuse et Marqueurs Biologiques », Lyon, France).

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