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CHAPITRE 3 COMMENT LES CITOYENS PERÇOIVENT-ILS LE TRAVAIL

3.5. C OMMENT S ’ EXPLIQUENT CES DIVERSES PERCEPTIONS DU TRAVAIL COMMUNAUTAIRE ?

3.5.3. Un milieu particulier

Pourquoi plusieurs personnes ont-elles des besoins qui se rattachent au vandalisme et à la sécurité ? L’observation du milieu nous permet de mieux comprendre cette dynamique. En introduction, nous avons présenté un bref portrait de Notre-Dame-du-Nord, en expliquant que cette communauté a connu plusieurs

Portrait du travail communautaire à Notre-Dame-du-Nord

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incidents liés au vandalisme et à des méfaits publics. Comme l’exprime un leader local, « ça brasse pas

mal » à Notre-Dame-du-Nord. Par conséquent, la recherche de la sécurité, de la paix et de la tranquillité

constitue une demande légitime dans un tel contexte.

À ce portrait, il faut ajouter un grand nombre de jeunes venant de l’ensemble du secteur nord pour fréquenter la polyvalente et utiliser les infrastructures de loisir. De plus, Notre-Dame-du-Nord possède une concentration élevée de personnes âgées en raison du vieillissement de la population et du déplacement de ces personnes vers les centres régionaux afin de se rapprocher des services, ce qui constitue un phénomène souvent observé en milieu rural (Gendron et al., 1999 : 138-139). Généralement, les personnes âgées peuvent être plus craintives que d’autres, surtout face aux jeunes qui sont souvent perçus négativement. Cette perception peut venir expliquer en partie le désir de sécurité de nombreuses personnes dans la municipalité. Bref, en plus des tensions qui existent en raison de la situation géographique et socioculturelle, tensions qui prennent souvent la forme de bagarres et de méfaits, il y a beaucoup de personnes âgées qui sont appelées à côtoyer quotidiennement de nombreux jeunes et desquels elles ont une image négative. Ceci explique peut-être le besoin de sécurité provenant d’un certain pourcentage de la population.

Nos entrevues nous ont permis de relever un certain climat d’intolérance face aux jeunes. Ils sont régulièrement pointés du doigt dès que survient un incident dans le milieu. Plusieurs d’entre eux passent pour des malfaiteurs et des drogués, incapables d’avoir des idées constructives. Un jeune nous raconte que lors d’une réunion du conseil municipal, certains élus n’ont pas apprécié que les jeunes s’expriment sur le dossier de la Maison des jeunes. « Pis on avait peut-être déduit que c'était [une personne] qui

croyait pas trop aux jeunes… qui y était mieux avec les adultes, sa gang […]. Je pense qui avait pas trop aimé qu'on exprime notre opinion ».

Selon lui, la municipalité n’était pas intéressée à investir de l’argent dans un local pour les jeunes. Un autre jeune témoigne de cette attitude : « T'as toute la gang là, de bonhommes en cravate, toute habillés

chic là pis y disent "non, vous autres les jeunes vous avez rien à dire là-dans" ». Enfin, une intervenante

affirme que plusieurs personnes ont une attitude moralisatrice et que pour elles, le service de police représente la seule instance digne de confiance. Ces personnes abordent la consommation de drogue de façon morale, sans aucune réflexion sur le phénomène social : « C'est correct ou c'est pas correct ? C'est

pas correct, faqu'on l'écrase ». Bref, il n’y a pas de compréhension ou de tolérance face à la

Portrait du travail communautaire à Notre-Dame-du-Nord

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Selon une autre intervenante, cette intolérance s’explique par le réflexe que plusieurs personnes ont développé face au vandalisme. Elles ont tendance à vouloir protéger davantage leurs biens, ce qui peut les amener à être plus méfiantes de ce qu’elles ne connaissent pas. Cette intervenante explique aussi que les adultes connaîtraient moins bien les jeunes, car ils ont moins l’occasion d’entretenir des contacts avec eux, étant donné que la plupart sont des entrepreneurs actifs et impliqués mais disposant de peu de temps pour ce genre de relation. Ou encore, comme l’estime un jeune, les gens ont une conception ancienne de la place des jeunes dans la société. Dans leur temps, les jeunes étaient sages, ils ne perdaient pas leur temps et ils aidaient les adultes. Enfin, un leader local l’explique comme suit : « La population vieillit ici.

Les élus, c’est des gens assez âgés. C’est des gens qui aiment pas voir les jeunes traîner. C’est sûr qu’eux autres, qui y ait un attroupement de jeunes à la cabane de la patinoire, eux autres là, c’est intransigeant ».

Pour résumer, il y aurait une sorte de distorsion entre ce qu’une partie de la population demande et ce qui est offert dans le cadre du travail communautaire et ce, malgré les discussions, les explications et la sensibilisation qui a eu lieu dans la communauté à ce sujet. Une jeune adulte nous explique clairement ce faussé :

« Je sais qui avait en bas du pont-là, […] des lumières de cassées, le grabuge, ça l'écrivait en-

dessous du pont. Les jeunes se tenaient là. Dans le parc, les jeunes étaient là. Même le monde disait dans la municipalité là, « ah les jeunes sont tout le temps là, ça boit de la bière, ça fume […]». Même je pense qu'au niveau de la police, y étaient quand même souvent ici pis dire, « les jeunes là, ça pas de bon sens là ». Pis là ben [le travailleur communautaire] est arrivé pis… y arrive avec eux autres « ben salut, ça va ben » ? Pas dire « heille vous avez pas le droit de faire ça ». […] Y va parler de n'importe quoi avec eux autres. […] C'est ça que je te dis, y ira pas faire comme un niveau d'autorité là ».

Une partie de la population serait donc exaspérée face aux jeunes. De son côté, le travailleur communautaire intervient auprès des jeunes avec une approche « cool », sans leur faire la morale, sans leur interdire certains comportements et sans dénoncer ceux qui commettent des infractions. Il pratique une approche de proximité, qui vise des résultats à plus long terme. Vu sous cet angle, il est plus facile de comprendre certaines perceptions face au travail communautaire et la déception que certains peuvent vivre.

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