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1.6 Environnement d’exercice

1.6.1 Milieu extérieur naturel

L’environnement extérieur peut en effet comporter différentes composantes artificielles, mais également une bonne quantité d’éléments provenant de la nature. Depuis 1983, un environnement dit naturel est catégorisé ainsi par les groupes américains et européens si son contenu prédominant est composé de végétation, d’eau, d’arbres ou d’une faune diversifiée et si les éléments bâtis par l’homme, comme les voitures et les bâtiments, sont absents ou discrets (Ulrich, 1983). Encore aujourd’hui, l’environnement naturel est utilisé dans un sens large pour inclure toute forme d’environnement qui est raisonnablement vert, allant des jardins et des parcs aux forêts et aires boisées. Par contre, les espaces verts s’amenuisent de plus en plus en quantité comme en qualité, l’urbanisation ayant rapidement converti les milieux environnants et isolé les gens du contact avec la nature (Martine & Marshall, 2007; Miller, 2005; Wilson & Wilson, 1984). Pour la vaste majorité de la population mondiale, les espaces verts restants ou aménagés à même les villes représentent une des quelques avenues possibles d’entrer en contact avec la nature. Il existe à ce jour une panoplie d’évidences anecdotiques, théoriques et empiriques supportant les effets bénéfiques du milieu naturel sur la santé des populations (Maller, Townsend, Pryor, Brown, & St Leger, 2006). Depuis peu, la nature et sa biodiversité figurent au rang des déterminants de la santé et du bien-être (Barton & Grant, 2006; de Leeuw, 2001). À juste titre, les instances gouvernementales nationales et internationales supportent de plus en plus l’inclusion de l’environnement naturel à même les approches holistiques en promotion de la santé (Barton & Grant, 2006; Hartig, 2008; Mind, 2007; Whitham, 2010; World Health Organization Regional Office for Europe, 1997).

D’ailleurs, l’accessibilité à des espaces extérieurs naturels a été associée à une plus forte probabilité d’être actif régulièrement (Duncan & Mummery, 2005; Giles-Corti et al., 2005; Handy, Boarnet, Ewing, & Killingsworth, 2002; Mitchell & Popham, 2008; Parks, Housemann, & Brownson, 2003; Ross, 2000; Takano, Nakamura, & Watanabe, 2002; Wendel-Vos et al., 2004), à une réduction considérable des inégalités de santé parmi les citoyens (Maas, Verheij, Groenewegen, De Vries, & Spreeuwenberg, 2006; R. Mitchell & Popham, 2008), à une augmentation de l’espérance de vie (De Vries, Verheij, Groenewegen, & Spreeuwenberg, 2003; Maas et al., 2009; Takano et al., 2002) (Barton & Pretty, 2010; Fuller, Irvine, Devine-Wright, Warren, & Gaston, 2007; Kaplan, 2001; Ward Thompson et al., 2012) et à une amélioration de la santé mentale et du bien-être des individus.

Sur ce dernier point, la science nous démontre clairement que les environnements naturels, à travers différents processus cognitifs et mécanismes physiologiques, sont plus susceptibles d’améliorer la santé mentale en favorisant une réduction du stress et une restauration psychologique que les environnements bâtis (Hartig, Mang, & Evans, 1991; Kaplan & Berman, 2010; Ulrich et al., 1991). En effet, les chercheurs les plus éminents en psychologie environnementale, tels que Wilson (1984), Ulrich (1984) et Kaplan (1995), ont suggéré que la déconnection profonde qu’entretient notre société avec la nature a altéré notre qualité de vie. En effet, le mode de vie sédentaire de plus en plus mené au sein des environnements construits par l’homme va à l’encontre des adaptations issues de l’évolution. Visiblement, l’environnement typiquement moderne et urbain est drastiquement opposé à celui de nos ancêtres. C’est pourquoi des évidences empiriques suggèrent que la réponse humaine au stress ne soit pas équipée pour gérer efficacement le quotidien actuel alourdi d’inactivité physique, d’échéances professionnelles, de trafic urbain, de foules denses et de soucis financiers (James, 1991). À l’opposé, le besoin d’entrer en contact avec la nature énoncé par l’hypothèse de la « Biophilie » (Biophilia; (Wilson & Wilson, 1984)) stipule que les humains soient génétiquement prédisposés à vivre de façon plus active et selon un mode de vie orienté vers la nature, exempt de la plupart des éléments typiquement stressants (Pretty, Griffin, Sellens, & Pretty, 2003). La biophilie de Wilson relate également que les humains préfèrent instinctivement les

environnements naturels puisqu’ils possèdent la tendance innée à diriger leur attention sur toute forme de vie (Wilson & Wilson, 1984).

C’est sur la base de cette hypothèse que s’est d’ailleurs construite la théorie psycho-évolutionnaire de la réduction du stress d’Ulrich (Ulrich et al., 1991), laquelle explique que la santé mentale soit due à une restauration émotionnelle et physiologique des processus de réponse au stress rendue possible grâce à des éléments non-stressants. Étant donné que l’humanité a évolué presqu’entièrement au sein d’environnement naturels, il est normal que les individus répondent positivement à la nature et aux contenus qui assuraient jadis la survie (végétation, eau, etc.) et le bien-être de l’espèce (Kaplan & Kaplan, 1989; Stainbrook, 1968; Ulrich, 1983). Ainsi, la réponse contraire au stress évoqué par des stimuli naturels et fascinants implique plusieurs changements positifs de l’humeur et du bien-être en plus d’une diminution de l’activité nerveuse sympathique. Conséquemment, les espaces verts sont davantage nourrissants et plaisants sur le plan physiologique comme psychologique que ne le sont les milieux urbains ou artificiels (Hug, Hansmann, Monn, Krütli, & Seeland, 2008; Park et al., 2011; Van den Berg, Koole, & van der Wulp, 2003). Cette relation a tendance à se fortifier en présence d’une biodiversité plus riche (Fuller et al., 2007; Sugiyama, Leslie, Giles-Corti, & Owen, 2008), de plans d’eau (Barton & Pretty, 2010) et de paysages entièrement verts (Akers et al., 2012).

Adjacente à la théorie d’Ulrich subsiste un autre grand cadre conceptuel sur lequel repose la psychologie environnementale : celui de la théorie de la restauration de l’attention de Kaplan (Kaplan & Kaplan, 1989; S. Kaplan, 1995). Au même titre que la nature permet une mobilisation des ressources nécessaires pour palier à un éventuel stress, elle permet également au système attentionnel de récupérer d’une fatigue cognitive causée par le maintien forcé et prolongé de l’attention vers des stimuli inintéressants. Cette théorie trouve ses fondements à une époque aussi lointaine que le 19e siècle, alors que James (1892) stipulait déjà que l’attention dirigée volontairement sur des éléments sans intérêt requérait une bonne dose d’effort et d’énergie (James, 1892). En milieu urbain, les éléments agressants sont omniprésents et les tâches multiples auxquelles l’humain doit se soumettre nécessitent des ressources attentionnelles qui dépassent les

capacités forgées par l’évolution. La fatigue mentale ainsi induite procurerait un sentiment d’incapacité à répondre aux demandes cognitives environnantes et un stress psychologique caractérisé par des perturbations importantes de l’humeur (Kaplan, 1995). La réponse négative face aux éléments stressants propres aux environnements bâtis se regroupent sous le toit de ce qui est appelé le « technostress » (James, 1991). À l’opposé, les stimuli naturels, qui invitent à la fascination et qui ne requièrent aucun effort cognitif, permettraient la réduction de la fatigue mentale et le réapprovisionnement des ressources attentionnelles nécessaires pour une gestion efficace de l’attention lorsque celle-ci nécessite d’être dirigée volontairement (Berto, 2005). D’ailleurs, plusieurs études ont démontré que les stimuli naturels engendraient des bénéfices psychologiques supérieurs aux éléments artificiels, incluant des améliorations de l’humeur (Hartig et al., 1991; Hartig, Böök, Garvill, Olsson, & Gärling, 1996; Hartig, Evans, Jamner, Davis, & Gärling, 2003; Hull IV & Michael, 1995; Sugiyama et al., 2008), du bien-être général, (Fredrickson & Anderson, 1999; Kaplan, 2001; Williams & Harvey, 2001), de la capacité attentionnelle (Hartig et al., 2003) ainsi qu’une réduction du stress (Park et al., 2011; Ulrich, 1984; Ulrich et al., 1991). Ces bienfaits semblent tous être principalement fonction de la tendance innée que possède les humains à préférer les espaces naturels aux espaces artificiels (Van den Berg et al., 2003).

Supportant la théorie de Kaplan, l’environnement naturel est aussi connu pour induire des états de conscience altérés qui se dissocient de la routine quotidienne. Ces états d’esprit sont caractérisés par une pensée plus intuitive et dirigée sans effort vers les stimuli environnants (Csikzentsmihalyi, 1992; Kjellgren & Buhrkall, 2010). Selon la « Distraction Hypothesis » (Bahrke & Morgan, 1978), une pause des inquiétudes et du tracas quotidien dispensée par la nature semble générer des états émotifs positifs, comme un sens de tranquillité accrue, un sentiment d’harmonie et d’union avec la nature ainsi qu’une conscience décuplée du moment présent (Csikzentsmihalyi, 1992; Kjellgren & Buhrkall, 2010; Laski, 1968). Il émerge des données qualitatives recueillies à la suite d’immersions prolongées en forêt un contact à soi plus prononcé rapporté par les participants (Fredrickson & Anderson, 1999) ainsi qu’une union plus profonde avec la nature et toute forme de vie environnante (Williams & Harvey, 2001). Il semble qu’en forêt, la notion du temps soit négligée et que l’absorption dans l’environnement naturel

dissipe les pensées négatives qui ne relèvent pas du présent ou qui ne favorisent pas le bien-être de façon intrinsèque (Heintzman, 2003). Les états altérés de conscience favorisent également l’expérience de restauration rapportée en milieu naturel et ce, particulièrement lorsqu’un défi physique est impliqué (Fredrickson & Anderson, 1999). Ainsi, l’activité physique pratiquée en milieu naturel pourrait sensiblement contribuer à l’amélioration des réponses affectives induites autant par l’exercice que la nature. La fréquentation de ces aires vertes pourrait favoriser de nouveaux comportements actifs (Fox, Rowe, & Brown, 1997) auprès des femmes qui entrevoient justement dans leur temps de loisir une occasion de prendre des "minutes de vacances" hors de la routine quotidienne (Henderson et al., 1989).