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Chapitre 1 : Les verbes visuels japonais

3. Analyses des exemples

3.2. Mieru

Nous commencerons par l’observation des exemples de mieru. Quand on utilise ce verbe, son objet apparaît toujours avec la particule ga qui marque le sujet du verbe. Si l’on examine les emplois plus précisément, nous dégageons deux types de mieru :

A. X (objet) ga mieru

B. X (objet) ga Y (propriété de l’objet) ni mieru

Le premier mieru fonctionne comme un verbe intransitif. Il se construit simplement de l’objet vu. En revanche, le deuxième exprime une des propriétés de l’objet avec le point de vue du sujet. Nous considérerons que ces deux types d’emplois ont des significations différentes.

3.2.1. X ga mieru

Quand on observe le type « X (objet) ga mieru » en regardant la propriété ou la nature de X dans notre corpus, nous pouvons trouver trois sous-catégories de X : un objet non représenté, une chose concrète et un événement. Nous analyserons notre verbe selon ces trois catégories.

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3.2.1.1. X non représenté

Quand le verbe mieru ne s’accompagne pas d’objet direct, il signifie essentiellement la capacité de vision du sujet comme l’exemple suivant :

(77) 「『空気さなぎ』の物語の筋はどこから思いついたんですか?」

「めくらのヤギからでてきた」

「めくらはまずいな」と天吾は言った.「目の見えない山羊と言った方が いい」(1Q84, B1, p.366)

a. Me no mienai yagi to itta hou ga ii. b. les yeux / D / ne pas voir / chèvre /

c. « D’où provient l’histoire de La Chrysalide de l’air ? – De la chèvre aveugle… – Ah... « aveugle », ça ne va pas, dit Tengo. Il vaut mieux dire : « la chèvre non voyante ». (p. 357-358)

Quand le verbe mieru représente la capacité du sujet comme dans l’exemple ci-dessus, il va souvent de pair avec l’organe de la vue, 目 (me : les yeux). Ce mot apparaît normalement avec la particule ga comme un sujet, mais du fait que le verbe de cet énoncé fonctionne comme qualification du mot 山羊 (yagi : chèvre), il s’accompagne de la particule no comme marque de possession. Même si l’on substitue ga à no, cette phrase est toujours acceptable et le verbe indique toujours la capacité visuelle. Dans l’exemple suivant, le mot 目 (me) appelle la particule locative ni.

(78) 先生は天吾の顔をじっと見たまま,笑みのようなものを浮かべた.

「リトル・ピープルは目に見えない存在だ.それが善きものか悪しきもの か,実体があるのかないのか,それすら我々にはわからない.しかしそ

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いつは着実に我々の足元を掘り崩していくようだ」,先生はそこで少し 問を取った.(1Q84, B1, p.422)

a. Little People ha me ni mienai sonzai da.

b. Little People / Th/ yeux / à / ne pas voir / présence / être

c. Le Maître regarda fixement Tengo, une sorte de sourire aux lèvres.

« Les Little People sont des êtres invisibles. Nous ne savons pas s’ils sont bons ou mauvais, s’ils possèdent une substance ou non. Pourtant, constamment, ils semblent creuser et démolir le sol sous nos pieds », continua le Maître. (p.410)

Quand le mot me s’accompagne d’une particule locative, le verbe mieru représente plutôt la nature d’un objet que la capacité du sujet. L’objet en question apparaît comme thème d’une phrase, marqué par la particule ha. Voyons maintenant des exemples où la situation empêche la capacité à voir.

(79) 「申し訳ありませんが,少しそのままの姿勢でじっとしていていただけ

ますか.バッグからペンライトを出します.この部屋の照明ではよく見 えないもので」(1Q84, B1, p.70)

a. Kono heya no syoumei de ha yoku mienai mono de

b. cette / chambre / D / lampe / avec / Th / bien / ne pas voir / chose / avec

c. « Excusez-moi, mais voudriez-vous rester immobile dans cette position ? Je vais sortir de mon sac un stylo-lampe. On n’y voit pas grand-chose. » (p.71)

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Dans la traduction en français (79 c), le complément circonstanciel est représenté par le pronom y, alors que dans le texte japonais, nous avons un complément circonstanciel この部屋の照明で (kono heya no syoumei de : avec la lampe de cette chambre). Le sujet de perception a normalement la capacité de la vue, mais la situation fait l’obstacle à sa vision. Dans l’énoncé suivant, on y ajoute la localisation spatiale du sujet de perception.

(80) 青豆は細長いかたちのサンルームに通された.大きなガラス窓が庭

に向かって開いているが,レースのカーテンが引かれ,外からは見え ないようになっている.窓際には観葉植物が並んでいた.

(1Q84, B1, p.285) a. Re-su no ka-ten ga hikare, soto kara ha mienai you ni natteiru b. dentelle / D / rideaux / S / être tiré / dehors / de / Th / ne pas voir

/ comme / Loc / faire

c. Aomamé entra dans le solarium, une pièce longue et étroite. Les grandes fenêtres vitrées qui donnaient sur le jardin étaient ouvertes, mais les rideaux de dentelle protégeaient des regards extérieurs. Sur les rebords des fenêtres étaient disposées des plantes vertes. (p. 281-282)

Comme l’exemple précédent, nous avons un empêchement que matérialisent dans l’énoncé レースのカーテン (re-su no ka-ten : les rideaux de dentelles). La partie soulignée de l’exemple (80) peut être traduire mot à mot comme « Les rideaux de dentelle sont tirés et on ne voit pas par dehors ». Mieru dans ces deux énoncés est à la forme négative. La négation de ce verbe explique la capacité visuelle en situation. Nous donnerons un autre exemple qui comprend

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la forme négative et affirmative :

(81) 監房で,拘禁されたという実感をひしひしと感じさせるのは,鉄の扉よ

りも,壁よりも,まずあの小さな覗き窓だという.男は,うろたえながらも, すばやく記憶のなかを,見まわしてみる.水平に仕切られた,空と砂 ……火の見櫓が入りこむ余地など,どこにもありはしない.こちらから 見えないのに,向こうから見えるとは思えないが……(La Femme des

sables, p.163-164)

a. Kochira kara mienai noni mukou kara mieru toha omoenai ga b. ici / de / ne pas voir / malgré / en face / de / pouvoir voir / que /

ne pas penser / mais

c. Ce qui, dit-on, donne au prisonnier la perception réelle de la cellule où il est enfermé, ce n’est pas la porte de fer, ce ne sont pas les murs : c’est le petit judas par où on le surveille… Une angoisse saisit l’homme, qui se mit à scruter ses souvenirs ; la barre d’horizon qui séparait ciel et sable, oui ; mais nulle part d’espace libre où il y eût place pour une tour de guet ! Et alors que, de leur trou, eux ne voyaient rien, comment croire que, d’en face, d’autres pussent les voir ? (p.192-193)

Deux formes se trouvent dans cet énoncé. La première est mienai (ne pas voir) et la seconde mieru (pouvoir voir), négative et affirmative, respectivement associée à こちら (kochira : ici) et 向こう(mukou : en face), compléments circonstanciels de lieu qui expriment la position du sujet de perception. L’objet de perception n’est pas indiqué clairement, cependant le champ visuel du sujet est bien fixé comme le complément de lieu donne bien sa position, nous pouvons

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comprendre que mieru et mienai dans cet exemple expliquent la capacité situationnelle de perception.

3.2.1.2. X est une chose

Nous traiterons ici l’objet de mieru en tant que chose concrète excepté l’organe visuel. Dans la construction X ga mieru, on trouve deux types d’objet : chose concrète, visible et chose abstraite, invisible. Nous commençerons d’abord par le cas où X est visible.

(82) 青豆はショルダーバッグが落ちないようにたすきがけにした.(i)さっきま

で乗っていた真新しい黒のトヨタ・クラウン・ロイヤルサルーンが,ずっ と向こうに見えた.午後の太陽の光を受けて,フロントグラスがミラーグ ラスのようにまぶしく光っていた.(ii)運転手の顔までは見えない.しかし

彼はこちらを見ているはずだ.(1Q84, B1, p.27)

a. (i) sakki made notteita maatarashii kuro no Toyota Crown Royal

Saloon ga zutto mukou ni mieta (ii) untensyu no kao made ha mienai

b. (i) tout à l’heure / juque / avoir été en train de monter/ tout neuf /

noir / D / Toyota Crown Royal Saloon / S / lointain / là-bas / Loc / avoir vu

(ii) conducteur / D / visage / jusque / Th / ne pas voir

c. Aomamé mit son sac en diagonale autour d’une épaule pour qu’il ne tombe pas. (i) La Toyota noire, toute neuve, dans

laquelle elle était montée auparavant, la Crown Royal Saloon, était loin à présent. Son pare-brise étincelait comme un miroir au soleil de l’après-midi. (ii) Elle ne pouvait distinguer le

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chauffeur. Mais il y avait des chances pour qu’il regarde de son côté. (p. 27)

Dans l’exemple (82), on a deux phrases qui contiennent mieru : (i) et (ii). Ses objets sont bien visibles et concrets : トヨタ・クラウン・ロイヤルサルーン (la Crown

Royal Saloon) et 運転手の顔 (untensyu no kao : visage du chauffeur). Le premier

s’accompagne du complément circonstanciel de lieu, ずっと向こうに (zutto mukou

ni : là-bas de l’autre côté) et le verbe mieru n’exprime pas la volonté du sujet de

perception. Il représente la situation où le sujet aperçoit par hasard l’objet et cette phrase est utilisée pour raconter la situation actuelle. Le deuxième verbe s’emploie en forme négative : il a un objet concret, mais si on le met à la forme négative, ce verbe exprime plutôt la capacité situationnelle que l’objet qui se situe dans le champ visuel du sujet. Nous considérerons un autre exemple où notre verbe est en forme affirmative.

(83) やがて,部落の外れに出たらしく,道が砂丘の稜線に重なり,視界が

ひらけて,左手に海が見えた.風に辛い潮の味がまじり,耳や小鼻が, 鉄の独楽をしばいたような唸りをあげた.

(La Femme des sables, p.196) a. Shikai ga hirake te, hidari te ni umi ga mieta

b. champ visuel / S / se dégage / gauche / main / Loc / mer / S / avoir vu

c. Il se crut enfin arrivé à la lisière du village. Le chemin coiffait la crête. L’horizon s’élargit, et, à main gauche, la mer lui apparut. Le vent soufflait, chargé d’une forte saveur de sel. Ses oreilles, les ailes même bourdonnement que rend une toupie de fer en

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train de tourner. (p.228)

L’objet de cet énoncé est bien situé par le complément circonstanciel de lieu : 左 手に (hidarite ni : à main gauche). De plus, 視界がひらけて (shikai ga hirakete : l’horizon s’élargit) exprime le changement de place du champ visuel. La scène de perception se déroule devant les yeux ; celle de l’exemple suivant se produit en rêve. (84) 小松から電話がかかってきたのは,金曜日の早朝,五時過ぎだった. そのときは長い石造りの橋を歩いて渡っている夢を見ていた.向こう 岸に忘れてきた何か大事な書類を取りに行くところだった.橋を歩い ているのは天吾一人だけだ.ところどころに砂州のある,大きな美し い川だ.ゆっくりと水が流れ,砂州には柳の木も生えている.鱒たちの 優雅な姿も見える. (1Q84, B1, p.122)

a. Masu-tachi no yuugana sugata mo mieru b. truites / D / élégant / forme / aussi / voir

c. Ce fut vendredi tôt le matin, juste après cinq heures, que Tengo reçut un nouveau coup de téléphone de Komatsu. Il était en train de rêver qu’il traversait un long pont en pierre. Il allait rechercher sur l’autre rive un doucement important qu’il avait oublié. Il était seul sur ce pont. La rivière était large et belle, parsemée de-ci de-là de bancs de sable. Le flot s’écoulait lentement, et sur les terrains sableux poussaient des saules pleureurs. On distinguait les silhouettes élégantes des truites. (p.121)

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Il est clair selon le contexte que la situation de perception est dans le rêve du sujet. On peut utiliser mieru même si l’objet n’est pas présent au moment d’énonciation. Cette phrase qui comprend ce verbe explique la scène du rêve comme les deux phrases précédentes. Elle nous donne une impression vivante pour qu’il soit facile au lecteur de partager ce rêve. Nous regarderons encore un autre exemple où l’objet est une chose abstraite.

(85) 「あなたはその男を殺したのですか?」と青豆は思い切って尋ねた.

「いいえ,その男を殺したわけではありません」と老婦人は言った. 青豆は話の筋が見えないまま,黙して老婦人を見つめていた.

(1Q84, B1, p.390) a. Aomame ha hanashi no suji ga mienai mama, mokushite

rouhujin wo mitumeteita

b. Aomame / Th / hisoire / D / intrigue / S / ne pas voir / se taire / vieille dame / O / regarder fixement

c. « Vous avez fait assassiner cet homme ? avait demandé hardiment Aomamé.

- Non, cet homme, je ne l’ai pas tué », avait répondu la vieille femme.

Aomamé avait considéré la vieille femme en silence. Elle ne saisissait pas encore très bien la logique de l’histoire. (p.387)

L’objet de cet énoncé, 話の筋 (hanashi no suji : logique de l’hisoire) n’est pas visible et n’est pas de nature à « être vu ». Il n’est pas non plus dans le monde réel, mais il existe bien dans le champ cognitif du sujet.

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3.2.1.3. Événement

Quand l’objet du verbe est un événement, on utilise la construction suivante : X (na) no ga mieru. Avec cette construction, X se produit toujours dans le monde réel et mieru exprime la perception visuelle.

(86) 青豆が目をこらすと,二車線の道路の左側に,故障車を停めるための

スペースが設置されているのが見えた.首都高速道路には路肩がな いから,ところどころにそういう緊急避難場所が設けられている.

(1Q84, B1, p.19-20) a. Aomamé ga me wo korasu to, nisyasen no douro no hidari gawa ni, kosyousya wo tomeru tame no supeesu ga secchi sareteiru no ga mieta

b. Aomamé / S / les yeux / O / fixer sur / et // double voie / D / route / D / gauche / côté / Loc / voiture accidentée / O / se garer / pour / D / espace / S / avoir vu

c. Aomamé fixa son regard dans la direction indiquée et distingua sur le côté gauche de la double voie une aire aménagée, réservée aux voitures accidentées. Comme il n’y a pas d’accotement sur les voies express, des zones d’arrêt d’urgence ont été prévues de loin en loin. (p.19)

Le sujet de perception, Aomamé, apparaît ici dans le contexte, mais la phrase 青 豆が目をこらすと (Aomamé ga me wo korasu to : Aomamé fixa son regard dans la direction indiquée) exprime qu’il y a la distance entre le sujet et l’événement. Nous avons plusieurs exemples où le sujet n’est pas déterminé. Ce mieru fonctionne pour introduire un événement qui a lieu dans le monde réel.

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3.2.2. X ga Y ni mieru

Comme les recherches précédentes nous l’ont montré, le verbe mieru a une autre construction « X (objet) ga Y (propriété de l’objet) ni mieru ». C’est, d’une part, le deuxième sens de Tobihara (1983) et, d’autre part, la quatrième définition de Tanaka (1999). Tobihara confirme que cinq catégories peuvent apparaître devant mieru c’est-à-dire Y dans notre construction : adjectif, auxiliaire, une particule to, verbe + te et nom + ni. Par ailleurs, Tanaka ne mentionne verbe + to, par contre elle ajoute une autre catégorie : ように見える (you ni mieru). Quand nous examinons cette utilisation dans le corpus, nous ne trouvons pas celle avec une particule to. Nous avons donc cinq type de Y : adjectif, verbe adjectival18 (équivalant de l’auxiliaire de Tobihara), verbe, nom et

youni.

3.2.2.1. Adjectif

Commençons par le cas où Y est un adjectif dans cette construction. Nous regardons un exemple en forme affirmative et un autre en négative.

(87) 電車を降り,階段を上下して違うプラットフォームに移るあいだも,ふ

かえりは天吾の手をいっときも放さなかった.まわりの人々の目には, 二人は仲の良い恋人たちとして映っているに違いない.年齢はけっこ う離れているが,天吾はどちらかというと実際の年齢よりは若く見えた.

(1Q84, B1, p.205) a. Tengo ha dochiraka to iu to jissai no nennrei yori ha wakaku

mieta.

18 Tobihara (1983) utilise le terme « auxiliaire » qui n’a pas le même sens qu’en français, nous utiliserons

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b. Tengo / Th / oser dire / en réalité / D / âge / de / jeune / avoir vu

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