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Parmi les quelques 150 genres de microsporidies connus aujourd’hui, seuls 7 genres (Tableau 3) ainsi que quelques espèces non classifiées (désignées par le terme générique Microsporidium) ont été décrits comme pathogènes chez l’homme (Franzen et Muller, 2001). La grande majorité des infections humaines est due aux deux genres, Enterocytozoon et Encephalitozoon, tandis que les autres genres (Pleistophora, Trachipleistophora, Nosema, Vittaforma, Brachiola) n’ont été observés que chez quelques patients.

A-4.1 Les genres Pleistophora et Trachipleistophora

Les microsporidies appartenant au genre Pleistophora sont des parasites communément rencontrés chez les insectes et surtout chez les poissons. Ils présentent la particularité de sécréter au cours de la mérogonie une couche protéique, qui isole les mérontes du cytoplasme de la cellule hôte et délimite la vacuole sporophore dans laquelle s’effectue la sporogonie (Desportes-Livage, 2000). Seuls trois cas d’infections ont été rapportés chez l’homme : deux cas chez des patients infectés par le VIH et un cas chez un patient non infecté par le VIH (Ledford et al., 1985; Chupp et al., 1993). Ces microsporidies sont responsables de myosites, qui résultent de l’infection des muscles squelettiques.

Un quatrième cas de myosite, associée à une sinusite et une kératoconjonctivite, a été diagnostiqué chez un patient australien au stade SIDA. La microsporidie responsable diffère des microsporidies du genre Pleistophora, du fait de certaines particularités ultrastructurales, notamment l’absence de formation de plasmode sporogonial au cours de la sporogonie. Ces

observations ont donc conduit à la création d’un nouveau genre pour ce parasite, dénommé Trachipleistophora hominis (Field et al., 1996; Hollister et al., 1996). Récemment, deux cas sévères de microsporidioses disséminées avec des parasites similaires ont été décrits chez deux individus atteints de SIDA (Yachnis et al., 1996; Orenstein et al., 1997). Bien que présentant les caractéristiques ultrastructurales du genre Trachipleistophora, cette microsporidie se distingue de T. hominis par la formation de deux types différents de vacuoles sporophores et de spores au cours de la sporogonie ; elle a donc été classée comme une nouvelle espèce Trachipleistophora antropophtera (Vavra et al., 1998). Il s’agit de l’unique espèce dimorphique de microsporidie décrite chez l’homme.

A-4.2 Le genre Nosema

La plupart des espèces de microsporidies appartenant au genre Nosema parasitent les animaux invertébrés et plus particulièrement les insectes. Leur développement s’effectue au contact direct du cytoplasme de la cellule hôte et tous les stades parasitaires ont un noyau présent sous la forme d’un diplocaryon (Vávra et Larsson, 1999; Desportes-Livage, 2000). Chez l’homme, plusieurs espèces initialement apparentées au genre Nosema et totalement inconnues ont été identifiées, avant d’être reclassées dans d’autres genres (Vittaforma ou Brachiola). En 1991, un cas d’infection oculaire chez un patient immunocompétent de 39 ans, présentant des ulcérations de la cornée, a été attribué à une nouvelle espèce du genre Nosema (Cali et al., 1991). Les similitudes morphologiques entre cette microsporidie Nosema ocularum et l’espèce Nosema algerae, récemment mise en évidence chez l’homme et reclassée dans le genre Brachiola, ont conduit à émettre l’hypothèse non confirmée selon laquelle ces deux parasites seraient en fait identiques (Tramer et al., 1997).

TABLEAU 3 : Principales caractéristiques des microsporidies infectant l’homme.

Genre / Espèce Taille de la spore (µm)

Nombre de spires (filament polaire)

Noyau a Localisation principale de l’infection

Enterocytozoon

E. bieneusi 1,1-1,6 x 0,6-0,9 5-7 uni intestin grêle

Encephalitozoon

E. cuniculi b 2,5-3,2 x 1,2-1,6 4-5 ou 5-7 uni

cerveau, foie, cœur, systèmes respiratoire et urinaire, reins E. hellem b 2,0-2,5 x 1,0-1,5 6-8 uni cornée, conjonctive,

systèmes respiratoire et urinaire

E. intestinalis b 1,5-2,0 x 1,0-1,2 4-7 uni intestin grêle, tractus biliaire, reins, système respiratoire

Pleistophora

Pleistophora sp. 3,2-3,4 x 2,8 9-12 uni muscles squelettiques

Trachipleistophora

T. hominis 4,0 x 2,4 11 uni muscles squelettiques

T. anthropophtera c 3,7 x 2,0

2,2-2,5 x 1,8-2,0

9 uni muscles squelettiques,

cerveau, cœur, foie, reins

Nosema

N. ocularum 5,0 x 3,0 9-12 diplo stroma de la cornée

Vittaforma

V. cornea 3,7-3,8 x 1,0-1,2 5-7 diplo stroma de la cornée

Brachiola

B. connori 4,0 x 2,0 10-12 diplo infection disséminée

B. vesicularum 2,5-2,9 x 1,9-2,0 7-10 diplo muscles squelettiques

B. algerae 4,4 x 2,8 7-8 diplo stroma de la cornée

a

L’appareil nucléaire de la spore est constitué soit d’un noyau unique (uni), soit d’un diplocaryon (diplo), c’est-à-dire deux noyaux étroitement associés et fonctionnant comme une seule entité.

b

Ces espèces sont souvent responsables d’infections disséminées. c

A-4.3 Le genre Vittaforma

Un autre cas de microsporidiose oculaire a été rapporté en 1990 chez un patient immunocompétent, âgé de 45 ans et atteint d’une kératite depuis 18 mois. La microsporidie responsable fut observée dans le stroma profond de la cornée puis décrite dans un premier temps sous le nom de Nosema corneum, notamment du fait de la présence de diplocaryon tout au long du cycle parasitaire (Shadduck et al., 1990). Cependant, contrairement aux autres espèces du même genre, les différents stades intracellulaires de ce parasite ne sont pas en contact direct avec le cytoplasme de la cellule hôte, mais localisés à l’intérieur d’une citerne du reticulum endoplasmique rugueux. Cette observation associée aux caractéristiques ultrastructurales des différents stades de développement, a conduit à transférer cette microsporidie dans un nouveau genre en tant que Vittaforma cornae (Silveira et Canning, 1995). Par la suite, cette nouvelle classification a été confirmée par la phylogénie moléculaire réalisée à partir de la séquence du gène codant pour l’ARNr 16S (Baker et al., 1994). Récemment, un cas d’infection disséminée avec V. cornae a été décrit en Suisse chez un patient atteint du SIDA (Deplazes et al., 1998).

A-4.4 Le genre Brachiola

Le genre Brachiola a été créé en 1998 par Cali et al. pour permettre la classification d’une nouvelle espèce de microsporidie, Brachiola vesicularum, mise en évidence dans les cellules musculaires d’un patient atteint de myosite et infecté par le VIH (Cali et al., 1998). Ce parasite se développe en contact direct avec le cytoplasme de la cellule hôte et tous les stades de développement possèdent un ou deux noyaux présents chacun sous la forme de diplocaryon. Deux autres espèces récemment reclassées dans le genre Brachiola, ont également été décrites chez l’homme. Il s’agit de Brachiola connori (Nosema connori) identifiée dans de nombreux organes et tissus chez un nourrisson athymique présentant une

infection généralisée (Margileth et al., 1973; Sprague, 1974) ; et de Brachiola algerae (Nosema algerae), microsporidie parasite du moustique, responsable d’un cas de kératite récemment observé chez un patient immunocompétent (Visvesvara et al., 1999; Lowman et al., 2000).

A-4.5 Le genre Enterocytozoon

Enterocytozoon bieneusi est la seule espèce assignée au genre Enterocytozoon. Son développement s’effectue au contact direct du cytoplasme de la cellule hôte (Figure 4) et se singularise par la formation de plasmodes plurinucléés (Cali et Owen, 1990; Cali et Takvorian, 1999). Ces derniers présentent en microscopie électronique un aspect fissuré dû à la présence de formations membranaires rectilignes et brillantes aux électrons, qui persistent tout au long du cycle de développement intracellulaire. Les plasmodes mérogoniaux sont issus de la division des stades précoces uninucléés au cours de la mérogonie. La sporogonie est caractérisée par la différenciation du filament polaire et de ses annexes avant la formation des sporoblastes. Elle débute avec l’accumulation autour de chaque noyau d’inclusions denses aux électrons, structures précurseurs du filament polaire et du disque d’ancrage. Les plasmodes sporogoniaux se fragmentent ensuite en sporoblastes par invagination de la membrane qui les délimitent. Simultanément, un matériel dense aux électrons se dépose à la surface de celle-ci pour donner naissance à l’exospore. L’apparition tardive de ce matériel, sécrété dès le début de la sporogonie et avant la formation du filament polaire chez les autres microsporidies, est typique du développement d’E. bieneusi. La maturation des sporoblastes aboutit à la production de petites spores ovales (1,1 à 1,6 µm sur 0,6 à 0,9 µm), dont le filament polaire forme autour du noyau unique une double spirale comprenant 5 à 7 tours de spires (Vávra et Larsson, 1999).

FIGURE 4 : Observation du développement d’Enterocytozoon bieneusi en microscopie électronique. A. Spores (Sp) et plasmode sporogonial contenant plusieurs noyaux (N). De petites vésicules et des inclusions denses aux électrons (*) sont visibles au voisinage de chaque noyau et constituent les éléments précurseurs du filament polaire et de ses annexes. B. Spores (Sp) dans un entérocyte altéré de la muqueuse jéjunale d’un patient infecté par le VIH et souffrant de diarrhées chroniques (Photo I. Desportes). NCH, noyau de la cellule hôte.

E. bieneusi fut détectée et décrite pour la première fois en 1985 chez un patient haïtien de 29 ans atteint du SIDA et présentant des diarrhées chroniques (Desportes et al., 1985). Depuis, plusieurs centaines de cas d’infection par cette microsporidie ont été rapportés à travers le monde entier chez les patients au stade SIDA. E. bieneusi constitue aujourd’hui l’espèce la plus souvent rencontrée chez l’homme (Bryan et Schwartz, 1999). Elle infecte préférentiellement les entérocytes de l’épithélium de l’intestin grêle, à l’intérieur desquels tous les stades de développement sont localisés au pôle apical de la cellule (entre le noyau et les microvillosités). L’infection reste le plus souvent localisée au niveau de l’intestin grêle. Cependant, E. bieneusi a également été observée, dans certains cas, au niveau des cellules non parenchymateuses du foie, des cellules épithéliales du tractus biliaire et de la vésicule biliaire, et des cellules de l’épithélium de la trachée ainsi que des épithéliums bronchique et nasal (Franzen et Müller, 1999; Franzen et Muller, 2001).

A-4.6 Le genre Encephalitozoon

Les microsporidies appartenant au genre Encephalitozoon parasitent les animaux vertébrés terrestres (Canning et Lom, 1986; Didier et al., 1998). Leur développement s’effectue de façon asynchrone à l’intérieur d’une vacuole parasitophore délimitée par une membrane d’origine cellulaire (Cali et Takvorian, 1999) ; tous les stades de développement coexistent ainsi dans une même vacuole (Figure 5). Les mérontes se multiplient par division binaire et demeurent associés à la membrane de la vacuole parasitophore. Certains d’entre eux évoluent en sporontes, reconnaissables à la présence d’une couche superficielle de matériel dense aux électrons à l’origine de l’exospore de la paroi sporale. Les sporontes se détachent de la membrane de la vacuole parasitophore pour s’accumuler au centre de celle-ci. Ils donnent naissance par division binaire à des sporoblastes, dont la maturation (différenciation de l’appareil d’extrusion puis de l’endospore) aboutit à la production de spores. Ces spores sont

de taille différente selon l’espèce d’Encephalitozoon ; elles possèdent une endospore et une exospore épaisses, ainsi qu’un filament polaire formant autour du noyau unique plusieurs tours de spires disposés en une seule spirale (Vavra et Larsson, 1999).

FIGURE 5 : Observation du développement d’Encephalitozoon intestinalis en microscopie électronique (Photo I. Desportes). Le développement d’E. intestinalis s’effectue dans une vacuole parasitophore délimitée par une membrane (têtes de flèche). Tous les stades parasitaires coexistent à l’intérieur d’une même vacuole. NCH, noyau de la cellule hôte ; Me, méronte ; Sp, spore ; (*), sporonte.

Trois espèces appartenant au genre Encephalitozoon sont pathogènes pour l’homme : Encephalitozoon cuniculi, Encephalitozoon hellem et Encephalitozoon intestinalis. E. cuniculi et E. hellem sont deux espèces morphologiquement identiques en microscopie optique et électronique ; seules leurs propriétés antigéniques, biochimiques et moléculaires (séquençage d’une région de l’ADN) permettent de les différencier. E. hellem fut isolée pour la première

fois en 1991 à partir de la cornée de trois patients au stade SIDA souffrant de kératoconjonctivite (Didier et al., 1991). Depuis une cinquantaine de cas ont été rapportés chez les sujets infectés par le VIH. Ce parasite a pour cible l’épithélium superficiel de la cornée et la conjonctive, où sa multiplication est la cause de microsporidioses oculaires (Friedberg et Ritterband, 1999). Il peut également être à l’origine de pathologies respiratoires ou urinaires, voire d’infections disséminées lorsque l’immunodéficience est sévère (Kotler et Orenstein, 1998; Kotler et Orenstein, 1999). Récemment, E. hellem a été identifiée chez des oiseaux de volières tels que les perroquets et les perruches (Black et al., 1997; Pulparampil et al., 1998). Cette observation suggère l’existence d’un réservoir aviaire pour cette microsporidie. Cette hypothèse est renforcée par le fait que certains patients atteints de kératoconjonctivite dues à E. hellem ont fréquemment été exposés à des oiseaux domestiques (Friedberg et Ritterband, 1999).

E. cuniculi constitue l’espèce microsporidienne la plus répandue chez les mammifères (Canning et Lom, 1986; Canning et Hollister, 1987; Snowden et Shadduck, 1999). Décrite dès 1922 chez le lapin, ce parasite a par la suite été détecté notamment chez les rongeurs (rat et souris), les animaux carnivores (chien, chat et renard) et les primates non humains (singes). Des analyses moléculaires ont permis d’identifier trois souches d’E. cuniculi parmi les nombreux isolats d’origine animale : la souche I (souche "lapin"), la souche II (souche "souris") et la souche III (souche "chien") (Didier et al., 1995). Chacune de ces souches semble avoir une spécificité d’hôte et des caractéristiques épidémiologiques différentes (Mathis et al., 1997). Chez l’homme, E. cuniculi est associée à des encéphalites, des hépatites et très souvent à des infections disséminées (Kotler et Orenstein, 1999; Franzen et Muller, 2001). Sur la base d’observations réalisées en microscopie optique et/ou électronique, plusieurs cas de microsporidioses chez des sujets infectés ou non par le VIH ont été attribués à E. cuniculi avant la découverte d’E. hellem. La mise en évidence de cette nouvelle espèce a remis en

cause la nature de l’agent étiologique responsable de ces infections et la capacité d’E. cuniculi à infecter l’homme. Cependant, la pathogénicité de cette microsporidie chez l’homme a par la suite été confirmée, grâce à l’utilisation de méthodes immunologiques et moléculaires. La présence d’E. cuniculi a ainsi été observée dans plusieurs cas sévères de microsporidioses disséminées, chez des patients infectés par le VIH présentant ou non un statut de SIDA déclaré (De Groote et al., 1995; Franzen et al., 1995; Weber et al., 1997). Par la suite, les souches I et III d’E. cuniculi ont été identifiées chez des patients immunodéprimés atteints de microsporidiose et vivant respectivement en Europe et aux Etats-Unis (Deplazes et al., 1996; Didier et al., 1996; Mathis et al., 1997; Snowden et al., 1999). Ces observations laissent supposer que les infections à E. cuniculi chez l’homme sont probablement des zoonoses.

E. intestinalis fut observée pour la première fois en 1992 dans les entérocytes et la lamina propria, au niveau de l’intestin grêle d’un patient au stade SIDA présentant des diarrhées chroniques (Orenstein et al., 1992). D’abord décrite sous le nom de Septata intestinalis, ce parasite fut ensuite reclassé en tant qu’E. intestinalis, sur la base des données issues de l’analyse phylogénétique des séquences codant pour l’ARNr 16S (Cali et al., 1993; Hartskeerl et al., 1995). Cette microsporidie se singularise des autres espèces du même genre, par l’aspect cloisonné de sa vacuole parasitophore ; celui-ci est dû à la sécrétion par les mérontes, lors de leur différenciation en sporontes, d’un matériel fibrillaire qui entoure les stades parasitaires (Cali et al., 1993; Vavra et Larsson, 1999). E. intestinalis a pour cible principale les entérocytes de l’intestin grêle, à l’intérieur desquels tous les stades parasitaires sont localisés au pôle apical de la cellule. Souvent responsable de microsporidioses disséminées, cette espèce infecte également les cellules endothéliales et les fibroblastes du chorion ainsi que les macrophages de la lamina propria qui assurent probablement sa dissémination à travers l’organisme. Dans plusieurs cas, E. intestinalis a aussi été détectée au

niveau des tubules rénaux, du tractus biliaire et des épithéliums nasal, bronchique et cornéen (Weber et al., 1994; Kotler et Orenstein, 1998).