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MICROENVIRONNEMENT ET DEREGULATION IMMUNITAIRE DANS LES SYNDROMES

MYELODYSPLASIQUES

Les SMD sont des pathologies hétérogènes dont la physiopathologie implique de nombreuses anomalies génétiques des cellules souches hématopoïétiques mais également des anomalies du microenvironnement médullaire. Celui-ci est composé de cellules stromales mésenchymateuses, de cellules immunitaires, d’une matrice extracellulaire et de vaisseaux. L’ensemble de ces cellules constitue un réseau complexe où la CSH myélodysplasique interagit avec son microenvironnement qui est « éduqué » pour promouvoir sa prolifération et son développement.

Il semble clairement établi qu’un environnement inflammatoire et un dérèglement du système immunitaire jouent un rôle majeur dans la genèse des SMD. L’implication de l’immunité dans ces pathologies est d’ailleurs suggérée par le fait que les patients présentant une maladie auto-immune ont un risque accru de développer un SMD (odds ratio de 1,5 à 3,5 selon les études) (15). Ce contexte dysimmunitaire fréquemment rencontré favorise vraisemblablement la survenue des SMD. Des études ont d’ailleurs montré une amélioration de la survie globale, un bénéfice sur les cytopénies et un risque moindre de progression vers la LAM après un traitement immunosuppresseur, en particulier chez les patients les plus jeunes présentant un SMD à faible risque (28). Les traitements immunosuppresseurs comme le sérum anti-lymphocytaire ou la ciclosporine ont montré leur potentiel thérapeutique en apportant une amélioration hématologique et une suppression des clones T fréquemment observés chez les patients atteints de SMD de bas risque (29).

Une apoptose augmentée des précurseurs hématopoïétiques est une des caractéristiques des SMD de bas risque. Cette apoptose est en partie liée à une dysfonction de la réponse cellulaire T et de la réponse innée. Les lymphocytes T CD8+ cytotoxiques oligoclonaux activés par le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) des CSH malignes, prolifèrent et répriment les précurseurs myéloïdes normaux. Une augmentation des lymphocytes T CD8+ et de leur cytotoxicité a été observée chez des patients atteints de SMD de faible risque (30). Les

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précurseurs hématopoïétiques sont probablement la cible de ces cellules lymphoïdes T CD8+ qui reconnaissent des auto-antigènes exprimés à la fois par des précurseurs dysplasiques et normaux.

De plus, les cellules lymphoïdes T sécrètent des cytokines pro-inflammatoires telles que le TNF-α et l’INF-ƴ dans le microenvironnement médullaire, ce qui inhibe l’hématopoïèse normale et induit l’expression de PD-L1 sur les cellules tumorales favorisant ainsi l’échappement de ces cellules à la surveillance immunitaire. L’environnement cytokinique médullaire, lié aux cellules tumorales et aux cellules stromales mésenchymateuses ou encore à l’inflammation systémique, renforce l’expression du Fas receptor sur les précurseurs hématopoïétiques : ils sont alors plus sensibles à l’apoptose (31). Les cellules stromales mésenchymateuses inhibent l'activation des lymphocytes T médullaires par interaction directe, ou indirecte médiée par des molécules telles que l’IDO (indoléamine 2,3- dioxygénase) ; ces cellules stromales mésenchymateuses peuvent cependant être défaillantes dans les SMD de bas risque (30).

Dans les SMD de haut grade, l’apoptose est moindre et on observe une faible réponse au traitement immunosuppresseur. Par ailleurs, une augmentation de l’expression de certains « immune checkpoints » (tels que PD-1 ou PD-L1) à la surface des cellules CD34+ et des cellules mononucléées du sang périphérique a été observée dans les SMD (32).

Les cellules myéloïdes suppressives ou MDSCs (Myeloid Derived Suppressor Cells) semblent également impliquées dans la dérégulation du système immunitaire observée dans les SMD. Les MDSCs regroupent des progéniteurs et précurseurs de macrophages, de polynucléaires et de cellules dendritiques et sont connues pour favoriser la croissance tumorale via l’inhibition de la réponse immunitaire anti-tumorale (33). En effet, ces cellules ont une action suppressive vis-à-vis des cellules présentatrices d’antigènes et des cellules T effectrices et inhibent également la production d’INF-ƴ. Ces cellules se développent en réponse à des signaux pro- inflammatoires et entrainent la production de diverses cytokines suppressives comme le TGF- β et l’IL-10. Chez les patients atteints de SMD, il a été rapporté une accumulation et une activation de ces cellules au niveau médullaire médiée par la molécule pro-inflammatoire S100A9 (34). Les MDSCs participent donc elles aussi au processus de dérégulation immunitaire.

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Les cellules lymphoïdes NK jouent également un rôle essentiel dans le processus de surveillance immunitaire par la sécrétion de cytokines et leur activité cytolytique. La fréquence et l’activité des cellules NK semble plus élevée dans la moelle osseuse des patients atteints de SMD de faible risque par rapport à celle des patients atteints de SMD de haut grade (30). Cette augmentation de l’activité des lymphocytes NK pourrait participer à l’augmentation de l’apoptose des précurseurs médullaires. Cependant, l’implication des cellules NK reste controversée puisqu’une autre étude a montré que l’activité cytotoxique des lymphocytes NK était défectueuse chez les patients atteints de SMD ce qui diminuerait la surveillance immunitaire et favoriserait l’évolution de la pathologie (35).

Enfin, les lymphocytes T régulateurs sont aussi impliqués dans la dérégulation du système immunitaire décrite dans les SMD. En effet, ces cellules jouent un rôle crucial dans la surveillance immunitaire et dans la régulation de l’auto-immunité et sont rapportées comme augmentées dans de nombreux types de cancers. Un nombre diminué de lymphocytes Tregs permet l'activation de clones de cellules T auto-réactifs, facilitant ainsi un degré élevé d'apoptose, l'une des caractéristiques des SMD de faible risque ; tandis qu'un nombre élevé de lymphocytes Tregs inhibe la réponse immunitaire contre les clones dysplasiques, facilitant ainsi leur expansion et la progression de la maladie. Ainsi, les SMD de haut risque sont associés à des taux de lymphocytes Tregs en nombre plus élevé que les SMD de faible risque (25,26). La littérature concernant l’implication de cette population dans la physiopathologie des SMD sera plus largement abordée dans le chapitre correspondant.

En conclusion, le microenvironnement médullaire semble jouer un rôle permissif vis-à-vis du clone dysplasique. La dérégulation du système immunitaire met en jeu de nombreux acteurs cellulaires et des mécanismes complexes qui favorisent le développement et l’évolution des SMD. La compréhension des mécanismes impliqués dans cet échappement des clones de SMD vis-à-vis du système immunitaire est un enjeu important puisque des stratégies thérapeutiques qui modulent le système immunitaire (le lenalidomide par exemple) ont déjà montré leur efficacité clinique (36).

C’est dans ce contexte que mon travail de thèse se focalise sur l’étude des lymphocytes T régulateurs.

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