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I.3.1. Définitions

Le terme ‘microbialite’ a été introduit par Burne et Moore (1987) pour regrouper l’ensemble des dépôts organosédimentaires formés par des communautés benthiques microbiennes piégeant et liant des particules sédimentaires détritiques et/ou formant le lieu d’une précipitation minérale.

Quatre principales catégories de microbialithes sont distinguées en fonction de leur mésostructure (Burne et Moore, 1987 ; Riding, 1991, 2000 ; Braga et al., 1995 ; Schmid, 1996 ; Dupraz et Strasser, 1999) :

- Les stromatolithes (Monty, 1977 ; Semikhatov et al., 1979): le terme « stromatolithe » (du grec stromat, étaler ; du latin stroma, couverture et du grec lithos, pierre) a été introduit par Kalkowsky (1908) pour définir des dépôts laminés d’origine microbienne. Les stromatolithes se développent aussi bien en milieu subaérien, qu’en milieu supratidal, intertidal ou subtidal (Monty, 1977).

- Les thrombolithes (Aitken, 1967 ; Kennard et James, 1986 ; Turner et al., 2000 ; Shapiro, 2000) : le terme « thrombolithe » (du grec thombos, grumeaux et de lithos, pierre) a été défini par Aitken (1967) pour des dépôts microbiens caractérisés par une mésotexture grumeleuse. Ces grumeaux peuvent être de forme plus ou moins arrondie et irrégulière. Dans l’actuel et le fossile, les thrombolithes se développent principalement en domaine subtidal marin (Feldmann et McKenzie, 1997,1998 ; Middleton, 2001).

- Les dendrolithes : le terme « dendrolithe » (du grec dendron, arbre et lithos, pierre) a été introduit par Riding (1991) pour des dépôts microbiens formant des structures centimétriques en forme de buisson. Ils sont généralement issus de la calcification de microbes benthiques. À la différence des thrombolithes et des stromatolithes, ils n’agglutinent pas de particules.

- Les léiolithes : le terme « léiolithe » (du grec léios, homogène ou uniforme et lithos, pierre) a été défini par Braga et al. (1995) pour les dépôts microbiens ne présentant pas de structure interne visible. Cette structure résulterait d’une accrétion régulière et/ou possèderait une composition homogène (Braga et al., 1995 ; Riding, 2000). Dans l’actuel, les microbialithes léiolithiques sont fréquemment observées associées aux stromatolithes et thrombolithes présents à Shark Bay en Australie ou à Lee Stocking island aux Bahamas (Riding, 2000).

I.3.2. Les microbes impliqués dans la formation des microbialithes

Les principaux organismes impliqués dans la formation des microbialithes sont les bactéries hétérotrophes, les cyanobactéries et certains eucaryotes comme les diatomées (Burne et Moore, 1987 ; Riding, 2000).

Les microbes (bactéries et cyanobactéries) sécrètent en abondance des mucilages extracellulaires de polysaccharides (EPS, Extracellular polysaccharide) lors de la formation et de la croissance des voiles et tapis microbiens (Decho, 1990 ; Costerton et al., 1995 ; Reitner et al., 1995 ; Decho, 2000 ; Sprachta et al., 2001 ; Dupraz et al., 2004 ; Dupraz et Visscher, 2005). Les EPS sont formés de polysaccharides, de protéines et d’acides uroniques, constituant un véritable microenvironnement microbien (Decho, 1990, 2000). Les voiles microbiens (ou biofilms), d’épaisseur sub-millimétrique, sont composés de communautés de cellules microbiennes dans une matrice d’EPS qui forme un microenvironnement au rôle protecteur et stabilisateur (Lawrence et al. 1994 ; Decho, 2000). Les tapis microbiens (ou mattes microbiennes) sont des structures millimétriques organisées et laminées plus complexes (Cohen et al., 1984 ; Des Marais, 1990 ; Visscher et al., 1992). Ils peuvent être formés de différentes populations microbiennes organisées verticalement en différents niveaux contrôlés par de forts gradients de lumière et d’oxygène (Ley et al., 2006 ; Dupraz et

al., 2009). La partie supérieure de ces mattes est une zone oxique colonisée par des

cyanobactéries (Pierson et al., 1992 ; Bauld et al., 1992 ; Des Marais, 1995 ; Stal, 2000), et les parties internes sont anaérobiques et colonisées par des bactéries hétérotrophes qui peuvent notamment oxyder ou réduire les sulfates (Visscher et al., 1991, 2000 ; Sprachta et

al., 2001 ; Dupraz et Visscher, 2005). Les bactéries réductrices de sulfates jouent un rôle-clé

dans les changements d’alcalinité favorisant la précipitation des carbonates (Lyons et al., 1984 ; Walter et al., 1993 ; Visscher et al., 2000 ; Dupraz et al., 2004 ; Baumgartner et al., 2006). Ces mattes forment la surface ‘vivante’ de la majorité des stromatolithes (Riding, 2000 ; Reid et al., 2000).

I.3.3. Processus de formation des microbialithes

Les principaux processus intervenant dans la formation des microbialithes (Burne et Moore, 1987 ; Riding, 2000) sont la stabilisation (‘binding’) et le piégeage (‘baffling’) des particules sédimentaires par les communautés microbiennes et la précipitation de carbonates favorisée ou contrôlée par leur activité.

Les deux premiers processus, stabilisation et piégeage, sont facilités quand les mattes microbiennes ont une surface irrégulière, formée par exemple par des microbes de grande

processus de stabilisation et de piégeage sont importants dans la formation des mattes microbiennes intertidales et dans la formation des microbialithes subtidales à Hamelin Pool (Australie, Shark Bay ; Davies, 1970) ou aux Bahamas (ex. Feldmann et McKenzie, 1998 ; Reid et al., 2000).

Le troisième processus, la biominéralisation, est actuellement considéré comme fondamental dans la formation des dépôts carbonatés d’origine microbienne (Riding, 2000 ; Weiner et Dove, 2003).

Deux types de biominéralisation microbienne sont généralement distingués (Neumeier, 1998) : les processus actifs et passifs. Pour les processus actifs, la nucléation et la croissance cristalline sont directement contrôlées par les micro-organismes. Ces processus sont contrôlés par des mécanismes métaboliques microbiens hétérotrophes actifs (ou carbonatogenèse active, Castanier et al., 1997) qui correspondent à une production de particules carbonatées par échange ionique à travers les membranes cellulaires. La carbonatogenèse active peut initier la production de particules carbonatées dont la croissance est ensuite contrôlée par des processus passifs (Castanier et al., 1999). Pour les processus passifs, les micro-organismes entraînent, suite à leur activité métabolique, la modification du milieu et ainsi contribuent indirectement à des précipitations. Ce rôle indirect consiste à augmenter la saturation en CaCO3 dans un microenvironnement par alcalinisation du milieu. Par exemple, les mécanismes métaboliques microbiens autotrophes passifs, comme la photosynthèse des cyanobactéries (en milieu aérobique), entraînent la consommation du CO2 gazeux ou dissous dans l’eau et ainsi l’alcalinisation du milieu et la précipitation de CaCO3 lorsque les ions Ca2+ sont présents. Des mécanismes métaboliques hétérotrophes passifs, qui impliquent les cycles de l’azote (ex. réduction des nitrates) et du soufre (ex. sulfato-réduction), peuvent aussi favoriser une précipitation de CaCO3 par une production d’ions carbonates et bicarbonates. La précipitation de carbonates apparaît généralement comme la réponse des communautés bactériennes hétérotrophes à l’enrichissement du milieu en matière organique (Castanier et al., 1999).

La biominéralisation peut se produire en différents endroits (Riding, 1991). Des cristaux peuvent se former dans les micro-organismes même, le plus souvent dans la gaine des cyanobactéries ou sur leur surface (Merz-Preiβ, 2000). Des microfibres héritées de la décomposition des manchons cyanobactériens dans certains biofilms peuvent aussi servir de nucléus à une précipitation carbonatée (ex. Défarge et al., 1996 ; Sprachta et al., 2001 ; Gautret et al., 2004). Ce processus de minéralisation de matière organique morte, sans lien direct avec des cellules vivantes, est appelé « organominéralisation » (Trichet et Défarge, 1995 ; Défarge et al., 1996). La nucléation et la croissance de cristaux sont aussi observées dans les mucilages en polysaccharides (EPS) sécrétés par de nombreuses cyanobactéries et bactéries (Sprachta et al., 2001 ; Gautret et al., 2004 ; Dupraz et Visscher, 2005). Les EPS

Figure I.4: A. Photo d’une lame mince de thrombolithe montrant une micrite péloïdale (Camoin et al., 1999). ;

B. Photo de microbialithe au MEB montrant une ultrastructure composée de cristallites arrondis de 0,1 à 0,2 µm qui sont associés en agrégats et amas pour former des micrites très fines (0,5-2µm) avec des formes cristallines anhédrales (Camoin et al., 1999).

B

A

peuvent avoir un double rôle, d’inhibition ou d’initiation, dans la précipitation de carbonates. Les EPS, du fait de leurs groupes carboxyliques chargés négativement, vont avoir tendance à attirer les cations et notamment à adsorber les Ca2+, ce qui se traduit par une inhibition de la précipitation (Hartley et al., 1996 ; Dupraz et Visscher, 2005). Au contraire, différents types d’altération des EPS vont entraîner la précipitation de carbonates (Dupraz et Visscher, 2005) comme 1) la décomposition des EPS par les bactéries, qui entraîne la libération des ions HCO3- et Ca2+ produisant ainsi une augmentation de l’index de saturation et la précipitation de carbonates remplaçant les polymères en voie de décomposition (Dupraz et al., 2004 ; Decho et al., 2005 ; Visscher et Stolz, 2005) ; 2) l’organominéralisation (Trichet et Défarge, 1995) qui induit une réorganisation des groupes carboxyliques en matrice moléculaire initiant la précipitation de carbonates; et 3) la saturation de la capacité de fixation des cations Ca2+ par les EPS initiant la nucléation dans la matrice d’EPS (Arp et al., 2003).

Une fois formées, les microbialithes peuvent devenir le site de cimentation passive avec la formation de ciments carbonatés variés. Cette cimentation peut commencer peu de temps après leur formation et continuer au cours de la diagenèse après enfouissement de la structure (Burne et Moore, 1987).

Les microbialithes forment généralement, à l’échelle microscopique, des micrites relativement uniformes (Fig. I.4). Il est ainsi souvent difficile de déduire l’origine microbienne ou non de ces micrites, d’autant plus que de très nombreux dépôts microbiens ne contiennent pas de restes ou de traces organiques préservés (Monty, 1981).

Plusieurs types de micrites sont distingués (Riding, 2000) : les micrites denses, grumeleuses et péloïdales. La micrite dense pourrait résulter de la calcification de cellules bactériennes à leur mort (Krumbein, 1979), de la calcification du picoplancton cyanobactérien (« whitings », Thompson, 2000) ou de la calcification de biofilms (Perry, 1999). La micrite grumeleuse, formée par un réseau irrégulier de micrite, pourrait résulter de la calcification d’EPS. La micrite péloïdale (Fig. I.4) est formée d’agrégats de sphérules de calcite magnésienne de la taille des silts (20-60 µm) qui ont été interprétés comme des ciments abiotiques (par ex. Macintyre, 1984) ou comme des agrégats bactériens calcifiés, entourés par des ciments euhédraux de calcite (par ex. Chafetz, 1986).

I.3.4. Distribution temporelle des microbialithes

Il était originellement admis que les carbonates microbiens (notamment les stromatolithes) étaient abondants et très répandus durant le Précambrien mais que la compétition avec les Métazoaires et les autres Eucaryotes depuis le début du Phanérozoïque les auraient repoussés dans des environnements ‘refuges’, comme les environnements extrêmes hypersalins (Riding, 2000). Depuis, de nombreuses études ont montré que les microbialithes sont restées abondantes à différentes époques du Phanérozoïque (Webb, 1996 ; Riding, 2000), comme au Cambrien (par ex. Kennard et James, 1986 ; Griffin, 1989), à la fin du Dévonien - début du Carbonifère et à la fin du Permien (par ex. Monty, 1982 ; Guo et Riding, 1992 ; Kirkland et al., 1998 ; Whalen et al., 2002), au Trias (par ex. Reid, 1987 ; Harris, 1993 ; Keim et Schlager, 1999 ; Leinfelder et Schmid, 2000 ; Noffke et al., 2001), au Jurassique supérieur (par ex. Leinfelder et al., 1993, 1996 ; Dupraz et Strasser, 1999 ; Olivier

et al., 2003, 2004, 2007, 2008) et au Miocène (Messinien) (par ex. Monty, 1981 ; Monty et al., 1987 ; Riding et al., 1991 ; Martin et al., 1993 ; Braga et al., 1995 ; Feldmann et

McKenzie, 1997 ; Saint Martin et al., 1996, 1997, 2000 ; Moissette et al., 2002).

Les microbialithes ont à nouveau un développement important dans les récifs coralliens à la fin du Pléistocène et au début de l’Holocène (Montaggioni et Camoin, 1993 ; Camoin et Montaggioni, 1994 ; Camoin et al., 1999, 2006 ; Cabioch et al., 1999c, 2006).

Actuellement, les microbialithes se rencontrent dans de nombreux environnements. Les microbialithes actuelles les plus connues sont les stromatolithes, thrombolithes et léiolithes de Shark Bay (Logan, 1961) qui se développent dans les environnements hypersalins et forment des colonnes en milieux intertidal et subtidal. Des colonnes microbialithiques comparables sont présentes aux Bahamas dans des milieux marins subtidaux (baies sableuses, chenaux de marées) jusqu’à 10 m de profondeur et intertidaux (plages), (Lee Stocking island ; Reid et al., 1995 ; Macintyre et al., 1996 ; Steneck et al., 1997 ; Feldmann et McKenzie, 1998). Les microbialithes participent aussi à la formation de

Figure I.5: Compositions isotopiques des microbialithes et des

coraux holocènes et modernes. Les colonies modernes d’Acropora ont été échantillonnées au niveau du front récifal à des profondeurs inférieures à 5 mètres. Les Acropora et les microbialithes holocènes ont été pris à différents niveaux de la séquence forée. CeB : Cebu; Liz : Lizard Island; StC : St. Croix; Jam : Jamaïque; Mau : Ile Maurice; May : Mayotte; He : Heron Island. (Camoin et al., 1999).

Cross-plot of stable isotopic composition of microbialites, and Holocene and modern corals.

beachrocks intertidaux (Webb et al., 1999 ; Neumeier, 1999). Des stromatolithes et mattes

microbiennes sont aussi présentes dans les lagons tropicaux entre 0 et 25 m de profondeur en Polynésie Française (atoll de Tikeau ; Sprachta et al., 2001 ; Abed et al., 2003 ; Gautret et al., 2004) et en Nouvelle Calédonie (Pringault et al., 2005). Dans les milieux récifaux coralliens, les microbialithes semblent confinées dans les cavités de certains récifs (Macintyre, 1984 ; Reitner, 1993 ; Zankl, 1993 ; Reitner et al., 1996 ; Webb et Jell, 1997).

I.3.5. Les microbialithes récifales quaternaires

Les microbialithes récifales quaternaires, qu’il s’agisse de microbialithes laminées ou de thrombolithes, sont essentiellement formées de calcite magnésienne avec 7–16 %mol MgCO3 (ex. Reitner, 1993 ; Camoin et al., 1999 ; Cabioch et al., 2006). Elles ont une composition isotopique dont les valeurs sont typiques d’un fractionnement non enzymatique et sont proches des valeurs attendues pour des ciments de calcite à l’équilibre avec l’eau de mer. Les valeurs isotopiques du carbone et de l’oxygène des microbialithes de Tahiti (Camoin

et al., 1999) varient de +2,05 à +3,92‰ pour le 13C PDB et de -0.86 à +0.86‰ pour le 18O PDB (Fig. I.5). Il n’y a pas de

différence entre les compositions isotopiques des thrombolithes et des croûtes laminées. Ces valeurs isotopiques (moyenne: 13C PDB : +3,48‰ ± 0,03‰ et 18O PDB : -0,02 ± 0,03‰ ; Camoin et al., 1999) sont comparables à celles obtenues sur d’autres microbialithes holocènes (Fig. I.5) de l’île Maurice et de Mayotte (moyenne: 13C PDB : +2,73‰ et 18O PDB : -0,42‰ ; Camoin et al., 1997), de Jamaïque (moyenne: 13C PDB : +3,0‰ ± 1,0‰ et 18O PDB : -0,5 ± 1,0‰ ; Land et Goreau, 1970), de l’île de Heron (Webb et Jell, 1997) et de Vanuatu ( 13C PDB de +2,15 à +3,99‰ et 18O PDB de -0,87 à +0,87‰, Cabioch et al., 2006).

La composition des communautés microbiennes impliquées dans la formation des microbialithes quaternaires et leur processus de formation restent encore mal connus. Des analyses des biomarqueurs lipidiques réalisées sur les microbialithes des récifs de Tahiti ont montré que les microbes impliqués dans leur formation seraient des bactéries réductrices de sulphates (Heindel et al., soumis). Ces communautés seraient sans doute associées à des bactéries phototrophes anoxygéniques et à d’autres microbes. Des analyses des composants protéiques indiquent que les Métazoaires tels que les éponges et divers cnidaires dont notamment les octocoralliaires et les hydrozoaires ont proliféré dans les microenvironnements où se sont développées les microbialithes (Camoin et al., 1999). Ces Métazoaires ont pu fournir une partie de substances organiques initiales qui ont été minéralisées par des biofilms microbiens durant leur dégradation. Les bactéries semblent avoir joué un rôle majeur dans les processus de transformation et dans la précipitation des carbonates via la dégradation de la matière organique. Ils participent également à des processus de biominéralisation (Camoin et

al., 1999).

Alors qu’aucun biomarqueur caractéristique de cyanobactérie n’a été trouvé dans les microbialithes de Tahiti (Heindel et al., soumis), les communautés bactériennes impliquées dans la formation des stromatolithes modernes des Bahamas (ex. Reid et al., 1995 ; Macintyre

et al., 1996, 2000 ; Golubic et al., 2000) ou du lagon de Tikehau (Sprachta et al., 2001 ;

Gautret et al., 2004) sont dominées par des cyanobactéries filamenteuses appartenant notamment au genre Schizothrix. Les microbialithes modernes des Bahamas et de Tikehau ne sembleraient ainsi pas être des analogues modernes des microbialithes de Tahiti sauf si la signature des cyanobactéries n’a pas été préservée dans ces dernières.

Les paramètres environnementaux contrôlant le développement des microbialithes sont encore mal connus. Le développement des microbialithes dans les récifs quaternaires serait contrôlé par des variations des paramètres écologiques et notamment une augmentation de l’alcalinité et de la disponibilité des nutriments dans les eaux interstitielles récifales (Camoin et al., 1999, 2006). Les nutriments présents dans les eaux interstitielles peuvent avoir différentes origines, comme des apports d’eaux de surface par des rivières, des résurgences d’eaux souterraines ou des remontées d’eaux froides profondes par upwelling (Camoin et al., 1999). Les infiltrations d’eaux douces ont pu induire un enrichissement des eaux interstitielles du récif en nutriments dissous d’autant plus important que le niveau marin était bas lors des premières phases de la déglaciation (Camoin et al., 1999). Ces processus semblent importants dans les récifs modernes frangeants (Marsh, 1977 ; D’Elia et al., 1981 ; Sansone et al., 1988) et jouent un rôle majeur pour les apports de nutriments dans les récifs (Lewis, 1987). Des périodes temporaires de crues ont pu aussi provoquer l’augmentation de la disponibilité des nutriments et de l’alcalinité des eaux suite à l’altération des basaltes et des sols, ce qui a entraîné une augmentation de la concentration des ions HCO3- et CO32-.

Ces apports d’eaux plus alcalines enrichies en nutriments au niveau du récif ont pu provoquer des ‘blooms’ des communautés microbiennes, comme cela a été observé dans des récifs modernes (Sprachta et al., 2001), et favoriser ainsi la précipitation de CaCO3 et les processus de calcification (Camoin et al., 1999). Comme les nutriments sont rapidement incorporés par les communautés microbiennes, les taux de nutriments dissous ont pu rester faibles dans les eaux de surfaces et n’ont ainsi pas affecté la croissance récifale (Camoin et

al., 1999).

Deux types de microbialithes ont été identifiés en fonction de leur signification environnementale (Camoin et al., 2006):

- Des microbialithes récifales (Montaggioni et Camoin, 1993 ; Camoin et Montaggioni, 1994 ; Cabioch et al., 1998, 1999c, 2006 ; Camoin et al., 1999, 2004, 2006) : elles se développent sur les coraux morts ou sur les organismes encroûtants associés (algues rouges et foraminifères), en milieu peu profond (de profondeurs inférieures à 25 m). Ces microbialithes se développent pendant la croissance du récif.

- Des microbialithes de pente (Brachert et Dullo, 1991, 1994 ; Dullo et al., 1998 ; James et Ginsburg, 1979 ; Land et Moore, 1980 ; Camoin et al., 2006) : elles forment le stade ultime d’une succession biologique indiquant une séquence d’approfondissement où les coraux et les organismes encroûtants associés qui ont crû dans des environnements peu profonds sont remplacés par des assemblages d’algues et de foraminifères de signature plus profonde avant que les microbialithes ne croissent. La précipitation de croûtes de phosphate, fer et manganèse et le dépôt de sédiments pélagiques avec des foraminifères planctoniques caractérisent le sommet de la séquence. Ces microbialithes indiquent alors des profondeurs allant de 20 à plus de 100 m. Leur développement est donc nettement postérieur à l’ennoiement du récif.

Les processus à l’origine de la formation des microbialithes, les organismes impliqués et leur signification environnementale restent encore peu contraints. D’autres questions sont encore en suspens :

- Quels sont les paramètres de croissance des microbialithes ? - Quels sont leurs habitats ?

- Quelle est la chronologie de leur développement par rapport aux associations algo-coralliennes ?

- Étaient-elles en compétition avec les coraux ? - Quel était leur rôle dans la construction récifale ?