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Au-delà des gènes transcrits en ARN messagers eux même traduits en protéines, de nombreuses régions du génome sont transcrites pour donner des ARN dits « non codants », c’est à dire non traduits en protéines. Parmi les petits ARN non codants, on retrouve les micro-ARN (miARN ou miR), de petits ARN simple brin d’une vingtaine de nucléotides qui régulent l’expression de certaines protéines dans les cellules eucaryotes.

Le premier micro-ARN identifié a été découvert en 1983 chez C. elegans : il s’agit d’un micro-ARN encodé au locus LIN-4, et régulant négativement l’expression de la protéine Lin-14 par complémentarité avec son ARNm, cette régulation est essentielle au développement larvaire du nématode (Lee et al, 1993). Depuis cette découverte, plus de 2600 micro-ARN ont été annotés chez l’homme d’après la base de données miRBase (Kozomara et al, 2019).

a) Transcription des micro-ARN

La grande majorité des miR est transcrite comme les ARNm par l’ARN Polymérase II (Pol II) (Lee et al, 2004), mais certains situés au sein de régions riches en séquences répétées de type Alu peuvent être transcrits par l’ARN Polymérase III (Pol III) (Borchert et al, 2006).

Les séquences codant pour les miR peuvent avoir différentes localisations au sein du génome. La majorité des miR sont situés dans les séquences introniques d’unités transcriptionnelles (TU) codant ou non pour une protéine (Rodriguez et al, 2004). On peut également les retrouver dans les exons de séquences non codantes, ou plus rarement de séquences codantes (Kim et al, 2009). Les unités transcriptionnelles contenant les séquences des miR peuvent être monocistroniques ou polycistroniques, c’est à dire contenir la séquence d’un ou plusieurs micro-ARN. La majorité des miR sont regroupés dans des TU polycistroniques, on parle alors de cluster (Yu et al, 2006) ; les miR retrouvés au sein d’un même cluster partagent généralement une homologie de séquence, probablement due à la duplication et l’évolution d’une séquence, on parle alors de séquences paralogues (Yu et al, 2006). Des séquences paralogues peuvent également être retrouvées dans des clusters différents. Les miR situés au sein d’une TU codante dépendent de l’activité du promoteur de cette TU pour leur expression. En revanche, pour les autres miRs, dits intergéniques, la compréhension des mécanismes régulant leur transcription passe par l’identification du promoteur de ces TU intergéniques. Plusieurs méthodes ont été mises au point au cours des années pour prédire la séquence de ces promoteurs, en se basant sur des techniques de séquençage ou l’étude de marqueurs chromatiniens telles que les modifications d’histones, et ont permis de commencer à annoter les promoteurs des miR ou des clusters de miR intergéniques. Cependant, ces prédictions manquent encore de vérification expérimentale, et de nombreux promoteurs restent encore à identifier (Zhao et al, 2017).

La transcription d’une TU codant pour un ou plusieurs miR va générer un long transcrit appelé le pri- miR (primary micro-RNA), qui va ensuite être pris en charge par différents complexes pour obtenir la séquence mature du micro-ARN.

b) La voie canonique de maturation des micro-ARN

Une TU monocistronique va en réalité pouvoir générer deux miR matures : elle contient deux séquences complémentaires appelées 5p et 3p (5p pour la séquence côté 5’ de la TU, 3p pour la séquence côté 3’) séparées par plusieurs nucléotides (Figure 25), Le pri-miR obtenu après transcription est donc un long ARN simple brin contenant une (ou plusieurs dans le cas d’une TU polycistronique) structure tige-boucle générée par la complémentarité entre les séquences 5p et 3p. Ce pri-miR va être pris en charge dans le noyau par le complexe « microprocesseur » pour cliver les régions simple brin flanquant la structure en tige-boucle, et générer ainsi un miR précurseur, ou pré- miR. Ce complexe est constitué de la RBP (RNA Binding Protein) DGCR8 (DiGeorge Syndrome Critical Region 8) qui va lier le pri-miR, et de la ribonucléase Drosha, responsable du clivage (Denli et al, 2004).

Figure 26. Représentation schématique de l’unité transcriptionnelle monocistronique de micro-ARN

Une unité transcriptionnelle de miR contient deux séquences de miR mature complémentaires : le brin 5p et le brin 3p.

Figure 25. Etapes du processus de maturation d’un micro-ARN.

Après sa transcription, le pri-miR est clivé en pré-miR. Ce pré-miR est exporté dans le cytoplasme pour une deuxième étage de clivage, suivie de la prise en charge du miR par les protéines Argonautes (Ago). Inspiré de O’Brien et al, 2018

Le pré-miR va ensuite être exporté du noyau grâce à un complexe Exportine 5 (XPO5)/RanGTP, pour subir un dernier clivage dans le cytoplasme (Kim, 2004). La RNAse/endonucléase Dicer va cliver la boucle du pré-miR, donnant un complexe double brin de deux miR matures potentiels. Le duplex va ensuite être pris en charge par les protéines de la famille Argonaute (AGO 1 à 4), pour former le complexe RISC (RNA-Induced Silencing Complex). Au sein de ce complexe, le duplex va être séparé et un des deux brins (le brin « passager ») va être dégradé, tandis que l’autre brin, toujours au sein du complexe RISC, va pouvoir aller réguler l’expression de ses cibles (O’Brien et al, 2018). La sélection du brin ne se fait pas au hasard et est biaisée par les propriétés thermodynamiques de chaque brin (Khvorova et al, 2003). Un schéma résumant les étapes de maturation des micro-ARN est proposé figure 26.

c) Mécanismes de la régulation de l’expression protéique par les micro-ARN

Les micro-ARN régulent l’expression de leurs ARNm cible grâce à une complémentarité entre leur séquence et des séquences généralement situées région 3’-UTR (région 3’ non traduite) des ARNm (on les retrouve plus rarement en 5’-UTR et dans la séquence codante). L’adressage du miR à sa cible se fait grâce à sa séquence seed : une séquence de 7 nucléotides située en 5’ et dont la séquence complémentaire se trouve dans les éléments de réponse aux miR (MRE) de la région 3’-UTR de sa cible. Après liaison de la séquence seed sur l’ARNm, c’est l’hybridation du reste du miR qui va déterminer la méthode d’inhibition de l’expression du messager cible : si l’hybridation se fait entièrement, la protéine AGO2 va cliver l’ARNm et amener à sa dégradation (Jo et al, 2015), en revanche si l’hybridation n’est que partielle, d’autres protéines vont être recrutées au niveau du complexe RISC pour i) inhiber la traduction en déstabilisant l’interaction du messager avec la Poly(A) Binding Protein et ii) favoriser à long terme la dégradation du messager en éliminant la coiffe en 5’ (O’Brien et al, 2018) (Figure 27).

Par ailleurs, au delà du rôle « classique » des miR dans la régulation de l’expression protéique, des travaux suggèrent désormais un rôle possible pour les miR ou d’autres acteurs de l’interférence à

Figure 27. Inhibition de l’expression des ARNm cibles par le micro-ARN

Selon le niveau de complémentarité entre la séquence du miR mature et celle de l’ARNm cible, l’interaction du miR avec sa cible va induire soit son clivage (gauche) soit l’inhibition de sa traduction (droite).

l’ARN dans la régulation de la transcription (Salmanidis et al, 2014), ainsi que dans l’activation de la traduction (Ørom et al, 2008 et Truesdell et al, 2012).