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Chapitre III : Des films électrochromes et photochromes

III.2. Electrochromisme

III.2.3. Mesures optiques

La réponse électrochimique de WO3-x-brut est associée à un changement de couleur visible d’un bleu très peu intense (couleur de départ et de retour après oxydation/désinsertion) vers un bleu très foncé (en fin de processus de réduction) (Figure III.81). Par conséquent, dans ce qui suit, les propriétés optiques sont limitées à la caractérisation de ce produit.

Les propriétés optiques in situ au cours du cycle coloration/blanchiment ont été évaluées par des mesures de transmission directe à deux longueurs d'onde différentes, à savoir 550 nm et 1000 nm. La première série de mesures a été effectuée au milieu de la plage visible : à 550 nm, pour illustrer le changement de couleur du film, avec passage d’un film translucide presqu’incolore à un film bleu foncé (Figure III.82). La deuxième mesure a été réalisée dans le proche infrarouge à 1000 nm (Figure III.83), région sur laquelle le contraste optique est supposé être le plus grand, car la bande d'intervalence W5+ + W6+  W6+ + W5+, responsable de l’assombrissement lors de l’étape d’insertion des ions Li+ (réduction d’ions W6+) est connue dans la littérature pour être centrée autour du micron [16], [17].

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Figure III.82 : Transmittance in situ du film WO3-x-brut/LiTFSI dans EMITFSI/Pt vs SCE enregistrée à 550 nm avec une plage cyclique de -1 V à +1 V: a) sur les 60 premiers cycles, b) focus sur un cycle unique.

Les mesures montrent un comportement réversible avec une bonne cyclabilité associée à d'importants changements de couleur du film. Néanmoins, la légère diminution de la transmittance au cours du processus de l’état incolore comme la légère augmentation de la transmittance au cours du cyclage au travers le film dans son état coloré sont corrélés à une perte de capacité électrochimique du film au fil du temps (diminution faible mais constante du contraste optique entre état coloré et décoloré). Pour le 1er cycle, à 550 nm, l'état blanchâtre (à + 1V) et la couleur bleue (à -1V) sont associés à des valeurs de transmittance de Tb = 28% et Tc = 5%, la modulation de transmittance optique directe (initiale) est donc de 23%. La faible valeur de la transmittance directe, même à l'état clair/oxydé du film résulte de phénomènes de diffusion importants ; en effet, le film est assez épais et non fritté conduisant à une porosité non négligeable permettant de considérer que chaque pore à l'intérieur du film agit comme un centre de diffusion. Néanmoins, la modulation de la transmittance directe semble assez forte en supposant que 60% de la lumière à 550 nm est dispersée (c'est-à-dire que dans les films opaques, les caractéristiques de transmittance sont limitées à la moitié de la valeur, généralement sur des films minces, l'état blanchi peut atteindre environ 85-90% de la transmission [18], [19], une optimisation supplémentaire du processus d’élaboration afin de réduire la diffusion de la lumière pourrait conduire à un contraste optique d’environ 60% (la densité optique (OD) peut être estimée approximativement à 0,75 à partir de la relation OD = log (Tb/Tc) = log (28/5). Le zoom sur un cycle (Figure III.82.b) montre un pic caractéristique de forme étroitement liée aux aspects cinétiques déjà commentés à partir de mesures chronoampérométriques. En effet, le pic présente, pour la montée en

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transmission, demi-cycle d’oxydation (processus d'oxydation associé à Li+ désinsertion), un processus en deux étapes : une première forte augmentation de la transmission (d’une durée de 20 secondes) suivie d'un phénomène plus lent (environ 20 autres secondes). Pour rappeler, ce processus en deux étapes peut être interprété comme caractéristique d’une désinsertion de surface, suivie d’une désinsertion de volume des ions lithium. De l’autre côté, la diminution de la transmission (processus de réduction associé à une insertion de Li+) présente une variation de pente plus régulière et moins abrupte (d’une durée totale correspondant au temps de demi-cycle soit 60 secondes), phénomène là aussi en accord avec l’observation cinétique précédente et traduisant une insertion lente et régulière des ions Li+ au sein du matériau. Les mesures sur les 10 premiers cycles effectuées par Deepa et al. sur des films obtenus par dip-coating et spin-coating à partir d'un sol de tungstène ont montré des temps de réponse d'une centaine de secondes en coloration et d'une cinquantaine de secondes en blanchiment [10]. Par conséquent, les films tels que préparés, en particulier celui préparé à partir de poudre bleue de WO3-x-brut, présentent des performances électrochromes assez rapides.

Figure III.83 : Transmittance in situ du film WO3-x-brut/LiTFSI dans EMITFSI/Pt vs SCE enregistrée à 1000 nm avec une plage cyclique de -1 V à +1 V : a) sur les 60 premiers cycles, b) focus sur un cycle unique.

Dans le proche infrarouge, à 1000 nm, la transmittance directe du film est presque nulle après l’étape de réduction/coloration et de 5% à l'état oxydé/blanchâtre. La diffusion du film, de par les lois physiques régissant la diffusion au travers un film poreux (Mie/Rayleigh), peut éventuellement varier en fonction de la longueur d'onde, mais une telle considération ne peut expliquer totalement cet effondrement de l'efficacité de la transmission entre le visible et le proche infrarouge: sous un régime de Rayleigh,

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l’efficacité de diffusion diminue d’ailleurs avec l'augmentation de la longueur d'onde, et son efficacité est indépendante de la longueur d'onde du régime de Mie. En fait, une transmission aussi faible pour l'état « oxydé/blanchi » peut être due à la couleur de WO3-x-brut qui est déjà bleu pâle avant même le processus de réduction (présence d’une bande d’absorption autour du micron). Ce fait est confirmé par les mesures de réflexion diffuse effectuées sur un film à l'état oxydé/blanchi et un film à l'état réduit/coloré (Figure III.84.a). L'aspect cinétique du signal collecté à 1000 nm (Figure III.83) présente une différence par rapport au signal collecté à 550 nm. Sur la Figure III.83.a, la transmittance diminue fortement pendant les premiers cycles jusqu'à 20 min. Le zoom de la Figure III.83.b montre une nette diminution de la transmittance jusqu'à 0 en 15 secondes, qui tend à être mono-exponentielle. Cette différence entre l'évolution du signal recueilli à 550 nm et à 1000 nm est compatible avec l'existence d'au moins deux centres absorbants : le premier efficace pour des longueurs d’onde inférieures à 900 nm alors que le second serait efficace dans le proche infrarouge. Au regard des caractérisations physico-chimiques (RPE notamment) précédemment effectuées, ces deux types de centres absorbants correspondraient respectivement aux électrons libres et aux centres isolés W5+.

Figure III.84 : a) Réflexion diffuse sur film WO3-x-brut, à l'état coloré et blanchi, réalisée sur un fond noir et un fond blanc. Schéma des différents phénomènes optiques pour le film b) sur un fond noir et c) sur un fond blanc.

Enfin, les spectres de réflexion diffuse des films à partir de WO3-x-brut ont été enregistrés sur la plage de 200 nm à 1500 nm. Les films ont été étudiés à l'état réduit/coloré et

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oxydé/blanchi, le sandwich film + substrat ITO/verre étant placé soit sur un fond noir (Réflexion : R_n) soit sur un fond blanc (Réflexion : R_b), le fond faisant office d’absorbeur ou de réflecteur arrière (Figures III.84.b et 84.c). Les mesures effectuées sur le fond noir permettent d'obtenir des informations sur la réflexion diffuse à l’interface film/air, l’ensemble des parties transmises et absorbées du signal n'étant pas renvoyé vers le détecteur de collecte (Figure III.84.b). Les spectres enregistrés aux états réduit/coloré et oxydé/blanchi sur fond noir sont associés aux valeurs de réflectance de Rbn = 16,4% et Rcn = 3,3% à 550 nm correspondant à une modulation de réflexion ∆Rn550 = 13,1 % ; à 1000 nm, les valeurs de réflectance sont Rbn = 5,1% et Rcn = 2,5% avec ∆Rn1000 = 2,6%. Les mesures effectuées sur fond blanc permettent de collecter à la fois le facteur de réflexion diffuse et le facteur de transmission diffuse du film, c’est-à-dire la partie complémentaire de la lumière qui n’est pas absorbée par le film électrochrome (Figure III.40.c). Les spectres enregistrés sont donc beaucoup plus intenses. Les spectres obtenus aux états réduit/coloré et oxydé/blanchi sur fond blanc sont associés à des valeurs de réflectance de Rbb = 49,4% et Rcb = 9,2% à 550 nm, ce qui correspond à une variation de ∆Rb550 = 40,2 % ; dans le proche infrarouge, à 1000 nm, les valeurs de réflexion sont Rbb = 16,3% et Rcb = 3,2% avec ∆Rb1000 = 13,1%. D'après la forme du signal optique recueilli à partir de cette dernière expérience (fond blanc), il apparaît clairement, même à l'état oxydé/blanchi, la présence d’une large bande d'absorption centrée autour de 1200 nm correspondant à la bande d'intervalence entre ions tungstène de degrés d’oxydation différents. Le contraste moins intense obtenu à 1000 nm s'explique donc bien par la couleur bleu pâle du matériau de départ (nanoparticules sous-stœchiométriques de WO3-x-brut) qui contient déjà des ions W5+ avant réduction en concentration suffisante pour produire, à cette longueur d’onde, un phénomène d'absorption par intervalence significatif.

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