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4.3 Caractérisation de la couche « représentative » par EIS

4.3.1 Mesures et Modélisation de l’impédance

L’impédance d’une couche de nitrure de silicium déposée sur or a été mesurée au potentiel de corrosion (potentiel en circuit ouvert) dans une solution de Na2SO4 à 0.5 M. Une durée d’immersion de 60h a été respectée avant mesure afin de s’assurer de la bonne stationnarité du système électrochimique. Le protocole de mesure correspond à celui décrit dans le sous-paragraphe 4.2.1. L’impédance mesurée est représentée sur les diagrammes de Nyquist et de Bode présentés à la Figure 61. La résistance de l’électrolyte 𝑅𝑒 est mesurée graphiquement sur le diagramme de Nyquist et une valeur de 56.2 Ω.cm² est obtenue. Le diamètre de la boucle visible sur ce diagramme correspond à une valeur de résistance en basses fréquences de l’ordre de plusieurs centaines de MΩ.cm². La représentation de Bode est corrigée de cette valeur de résistance d’électrolyte afin de mettre en évidence le comportement de l’impédance dans la gamme des hautes fréquences. Cette correction consiste à soustraire la valeur de 𝑅𝑒 à la partie réelle de l’impédance mesurée.

Figure 61 : a. Diagramme de Nyquist. b. Représentation de Bode corrigée de la chute ohmique de l’impédance de la couche de SiNx « représentative » sur électrode d’or.

La phase présente une forte diminution avec la fréquence pour la gamme des basses fréquences correspondant à [1 mHz, 10 mHz]. Une faible diminution de la phase apparait ensuite

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sur la gamme [10 mHz, 100 Hz]. Un plateau avec un pic très peu marqué parcourt le reste du domaine fréquentiel jusqu’à 100 kHz. La forte évolution de la phase en basses fréquences semble correspondre à une première constante de temps dans le système étudié. La lente variation présente en moyennes fréquences est caractéristique d’une impédance de Young décrite dans le paragraphe 4.1.4. Enfin, le plateau en hautes fréquences suggère un comportement de type CPE.

La figure suivante (Figure 62) présente l’évolution de la capacité complexe de l’impédance pour la gamme de fréquences considérée (représentation de Cole-Cole). L’extrapolation à hautes fréquences permet d’obtenir une valeur de capacité à fréquence « infinie » de 2.9 10-7 F.cm-2 (cf

4.1.3). Pour une épaisseur de couche de 30 nm, une valeur de constante diélectrique de 9.8 est obtenue pour la couche de nitrure de silicium, dans la gamme supérieure des valeurs données dans la littérature ([136], [68], [137], [138]), qui s’échelonnent de 6.3 à 10.

Figure 62 : Représentation de la capacité complexe de la couche de nitrure de silicium dans la gamme de fréquence [1mHz, 100 kHz] après soustraction de la résistance de l’électrolyte

La modélisation de l’impédance par un circuit électrique équivalent consiste à ajuster l’impédance du circuit donné aux données expérimentales. Cette régression est réalisée par un logiciel non commercial développé au Laboratoire Interfaces et Systèmes Electrochimiques du CNRS (Paris) et repose sur une méthode simplex consistant à minimiser la fonction χ² dont l’expression est donnée dans l’équation 46 ([139]).

𝜒² =1 ν∑ [(𝑅𝑒(𝑍𝑒,𝑖)−𝑅𝑒(𝑍𝑐,𝑖) 0.005.|𝑍𝑐| ) ² + (𝐼𝑚(𝑍𝑒,𝑖)−𝐼𝑚(𝑍𝑐,𝑖) 0.005.|𝑍𝑐| ) ²] 𝑛𝑓 𝑖=1 (46)

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Avec 𝑛𝑓 le nombre de fréquences contenues dans le spectre expérimental, 𝑍𝑒et 𝑍𝑐

l’impédance expérimentale et calculée respectivement, ν le nombre de degrés de liberté, et le coefficient 0.005 qui correspond à une erreur de mesure de 0.5 % connue.

Le circuit électrique équivalent utilisé pour la modélisation de l’impédance est donnée à la Figure 63.

Figure 63 : Circuit électrique équivalent utilisé pour la modélisation de l’impédance de la couche mince de nitrure de silicium déposée sur or. L’impédance de Young s’exprime selon :

𝑍𝑌𝑜𝑢𝑛𝑔(𝜔) =𝑗𝜔𝜀𝜀−𝑙

0𝑙𝑛 [1+𝑗𝜔𝜀𝜀0𝜌0𝑒−𝑑 𝑙⁄

1+𝑗𝜔𝜀𝜀0𝜌0 ] (équation 42).

A partir des informations extraites du diagramme de Bode de la Figure 61, il convient d’employer dans le modèle un CPE pour modéliser le comportement en hautes fréquences de la phase et une impédance de Young correspondant à la lente variation observée en moyennes fréquences. Le circuit équivalent est donc divisé en deux branches modélisant les pores traversant et non traversant. Les pores traversant offrent une interface entre la solution électrolytique et l’électrode sur laquelle se forme une double-couche électrique. La double couche électrique est modélisée par un CPE de paramètres 𝑄 et 𝛼. Le déplacement des ions de l’électrolyte dans ces pores traversant est modélisé par une résistance 𝑅𝑝. La résistance de transfert de charge est négligée dans ce modèle à cause de sa grande valeur comparativement à l’impédance du CPE de la double couche électrique. Les pores non traversant sont pris en compte dans l’expression de l’impédance de Young. La résistance de transfert de charge présente à l’interface électrode/solution en fond de pores traversant est négligée compte tenu de sa grande valeur en parallèle avec la double-couche électrique. L’impédance de Young met en jeu quatre paramètres différents dont deux sont fixés dans le modèle. Il s’agit de la résistance de l’électrolyte déterminée graphiquement

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dans le diagramme de Nyquist et de la constante diélectrique de la couche déterminée par une extrapolation en hautes fréquences de la capacité complexe. Les deux autres paramètres obtenus par régression sont la résistivité intrinsèque du matériau 𝜌0 et une longueur caractéristique 𝑙 de la décroissance exponentielle de résistivité prise en compte dans l’expression de l’impédance de Young.

Le résultat de l’ajustement est présenté dans le Tableau 4. La valeur de 𝜒2 montre le bon ajustement du modèle aux données expérimentales. La résistivité de la couche de nitrure de silicium est estimée à 8.00 1014 ± 0.13 1014 Ω 𝑐𝑚, ce qui correspond à des valeurs données pour ce type de couche dans la littérature comprises entre 1010 et 1016Ω 𝑐𝑚 ([67], [140]). Le léger écart de α avec l’unité correspond à une distribution surfacique de courant le long de l’électrode en fond de pore.

Tableau 4: Paramètres de la régression des données expérimentales d’impédance par le modèle électrique équivalent de la Figure 63. La première ligne du tableau correspond aux valeurs des paramètres et la deuxième ligne donne les intervalles de confiance à 95% de chaque paramètre de

la régression.

𝑑 𝜀 𝑅𝑒 𝑄𝑑𝑙 𝛼𝑑𝑙 𝑅𝑝 𝜌0 𝑙 𝜒2

𝑐𝑚 Ω𝑐𝑚2 Ω−1𝑐𝑚−2𝑠𝛼 Ω𝑐𝑚2 Ω𝑐𝑚 𝑐𝑚

3.0 10-7 9.8 56.2 1.96 10-7 0.814 761 8.00 1014 1.61 10-6 1.45

- - - ± 0.01 10-7 ± 0.001 ± 31 ± 0.13 1014 ± 0.03 10-6 -

AFM Cole-Cole Nyquist Fit Fit Fit Fit Fit -

La sensibilité des paramètres a été évaluée et l’intervalle de confiance à 95 % est donné pour chaque paramètre dans la troisième ligne du Tableau 4. La méthode simplex de régression est connue pour sa robustesse vis-à-vis de la convergence des paramètres et apparaît comme la plus adaptée pour une première détermination des paramètres du modèle. Dans un deuxième temps, la méthode de Levenberg-Marquardt a été utilisée pour la détermination des intervalles de confiance en prenant comme paramètres initiaux les paramètres déterminés par la méthode simplex. Une variation de la valeur de chaque paramètre de la régression entraîne une variation de l’impédance modélisée. Il est possible de déterminer l’influence de chaque paramètre sur l’impédance en évaluant la différence entre l’impédance calculée par méthode de moindres carrés pour des paramètres s’écartant de la régression optimale et l’impédance calculée avec les paramètres initiaux. La sensibilité de chaque paramètre peut alors être obtenue. Dans l’hypothèse d’une distribution normale des erreurs de régression, il est également possible de déterminer directement

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les intervalles de confiance à partir de l’écart-type de chaque paramètre précédemment calculé. Le résultat obtenu pour ces intervalles de confiance a été comparé à l’évaluation de la dispersion de la valeur de chaque paramètre par simulation Monte-Carlo. Un bruit stochastique a été ajouté à chaque paramètre lors de cette simulation. Les intervalles de confiance obtenus par régression linéaire de moindres carrés et par simulation Monte-Carlo sont très proches pour 𝑄𝑑𝑙, 𝛼𝑑𝑙, 𝜌0 et 𝑙, mais présente un écart dans le cas de la résistance de pore (voir Figure 64 représentant le rapport des intervalles de confiance de chaque paramètre par leur valeur obtenue par régression). Toutefois, il est important de noter que même dans le cas le moins favorable du plus grand intervalle de confiance déterminé par simulation Monte-Carlo, l’incertitude sur la valeur de la résistance de pore reste assez faible.

Figure 64 : Représentation des intervalles de confiance des paramètres du modèle de la Figure 63 obtenus par méthode des moindres carrés linéaires (en rouge) et par simulation Monte-Carlo (en noir).