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Chapitre 1 – Introduction générale

1.3 Méthodes d’investigation des commotions cérébrales

1.3.1. Mesures des impacts neurométaboliques

1.3.1.1. Stimulation magnétique transcrânienne

Plusieurs études se sont intéressées aux effets des commotions cérébrales sur la réactivité corticale grâce à la stimulation magnétique transcrânienne (SMT), laquelle est une technique permettant une mesure indirecte du glutamate et du GABA au niveau synaptique. La SMT est

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une technique non invasive, qui permet de stimuler magnétiquement une région du cerveau afin de provoquer la dépolarisation d’une population de neurones ciblée. Lorsque la stimulation est appliquée au cortex moteur primaire (M1), la voie corticospinale est activée et engendre une contraction du muscle correspondant à la région corticale stimulée. Cette réponse musculaire, nommée potentiel évoqué moteur, est enregistrée et quantifiée par électromyographie. À l’aide de différents paradigmes de stimulation, il est possible d’évaluer l’intégrité des mécanismes excitateurs et inhibiteurs corticaux à partir de la réponse musculaire (Hallett, 2007; Kobayashi et Pascual-Leone, 2003). La somme des études, qui seront résumées et discutées en détail dans le chapitre 2 de la présente thèse, suggère une activité GABAergique anormale en phase immédiate/aigüe (Pearce et al., 2015), chronique (De Beaumont, Lassonde, Leclerc et Theoret, 2007; De Beaumont et al., 2011; De Beaumont, Tremblay, Poirier, Lassonde et Theoret, 2012; Tremblay, de Beaumont, Lassonde et Theoret, 2011) et à encore plus long terme chez des athlètes retraités (De Beaumont et al., 2009; Pearce, Rist, Fraser, Cohen et Maller, 2018).

Ces données offrent une première piste de réponse quant aux effets neurophysiologiques de la commotion cérébrale en suggérant la présence d’un déséquilibre inhibiteur/excitateur au niveau cortical. La SMT, toutefois, est une mesure indirecte de l’efficacité glutamatergique et GABAergique (voir Chapitre 2). Il est possible, néanmoins, de mesurer directement les concentrations de métabolites et neurotransmetteurs grâce à la spectroscopie par résonance magnétique. Or, des études récentes suggèrent que les deux techniques (SMT et SRM) reflètent des mécanismes physiologiques différents (Stagg et al., 2011 ; Tremblay, Beaule, et al., 2013) : la SMT serait une mesure de l’activité synaptique tandis que la SRM serait sensible à la concentration extracellulaire du métabolite (Stagg et al., 2011). Ces études suggèrent donc que les deux techniques sont complémentaires et l’étude des effets métaboliques de la commotion cérébrale ne saurait être complète sans l’utilisation des deux méthodes.

1.3.1.2. Spectroscopie par résonance magnétique

La spectroscopie par résonance magnétique (SRM) est une technique non invasive qui permet la quantification directe et in vivo de différents neurométabolites dans des régions

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d’intérêt spécifiques du cerveau. Chaque métabolite répond de façon distincte au champ magnétique en fonction des propriétés des noyaux atomiques, comme leur structure moléculaire et leur propriété de résonance. Ainsi, chaque métabolite émet un signal propre, dont les pics de résonance sont caractérisés par plusieurs paramètres, dont la fréquence, qui est exprimée en particules par millions (ppm), et qui permet de les représenter sur un spectre (Gardner, Iverson et Stanwell, 2014; Juchem et Rothman, 2014). L’amplitude des pics de résonance est un reflet direct de la concentration du métabolite. Les données sont extraites d’une région anatomique ou fonctionnelle spécifique en raison de l’hétérogénéité cellulaire et de la complexité des mécanismes biochimiques (Juchem et Rothman, 2014). Les régions d’intérêts, ou volumes d’intérêts puisqu’il s’agit d’un champ tridimensionnel, sont localisées à partir d’images anatomiques obtenues par imagerie par résonance magnétique (IRM).

Basées sur le modèle de cascade métabolique de Giza et Hodva (2001), plusieurs études ont vérifié l’impact métabolique de la commotion cérébrale avec la SRM, notamment au niveau des concentrations de glutamate/glutamine. Tel que prévu, une altération des niveaux de glutamate (Glu), de glutamine (Gln ; son précurseur) ou de la combinaison glutamate+glutamine (Glx) a été observée à différentes périodes post-commotionnelles chez des athlètes universitaires. Alors que Henry et ses collaborateurs (2010) ont rapporté une diminution du glutamate dans M1 en phase immédiate, Chamard et ses collègues (2014) ont plutôt observé une augmentation du Glx dans M1 et dans le cortex préfrontal en phase chronique. Schranz et al. (2018) ont quant à eux observé une diminution de Gln en phase aigüe et chronique dans le cortex préfrontal.

Bien que les études en SMT aient suggéré des altérations persistantes de l’activité inhibitrice GABAergique, seulement trois études, à notre connaissance, ont rapporté les effets d’un historique de commotions cérébrales sur la concentration GABAergique (l’absence d’un corpus de littérature plus étoffé tient probablement au fait que la quantification du GABA avec la SRM est complexe et récente; Choi, Lee, Merkle et Shen, 2006). Tout d’abord, Tremblay, Beaule, et al. (2014), ont rapporté que les concentrations absolues de GABA, chez des footballeurs commotionnés trois ans auparavant, étaient équivalentes au groupe contrôle au niveau de M1. Par la suite, Wilke et al. (2017) ont rapporté des résultats similaires : aucune

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modification des niveaux GABAergiques dans le cortex moteur primaire d’athlètes dont la dernière commotion cérébrale était survenue en moyenne 21 mois auparavant. Finalement, Yasen et al. (2018) ont aussi rapporté une absence d’effet au niveau du GABA dans le M1 d’athlètes 72 heures, 2 semaines, et 2 mois après la dernière commotion cérébrale. Toutefois, au niveau du cortex frontal, une augmentation du GABA fut observée 2 semaines et 2 mois après la dernière commotion cérébrale. Prises dans leur ensemble, ces études suggèrent que des altérations de la concentration GABAergique chez des athlètes ayant un historique de commotions cérébrales pourraient se distribuer de façon inégale à travers le cerveau.

En plus du glutamate et du GABA, la SRM permet la quantification de plusieurs autres métabolites importants pour l’étude des commotions cérébrales. Chez l’humain, le métabolite le plus étudié dans les populations commotionnées est certainement le N-acetylaspartate (NAA). Ce dernier est présent dans le corps neuronal, les dendrites et les axones de la cellule (Kirov, Whitlow et Zamora, 2018) et est un marqueur d’intégrité et de santé neuronale (Moffett, Ross, Arun, Madhavarao et Namboodiri, 2007) via son rôle dans le fonctionnement mitochondrial (Kirov et al., 2018). Dans le TCC sévère, une diminution du NAA a fréquemment été observée et serait liée à une récupération incomplète (Kirov et al., 2018). Dans le sport, une diminution des niveaux de NAA a été rapportée en phase immédiate/aigüe (Henry et al., 2010; Henry, Tremblay, Leclerc, et al., 2011; Vagnozzi et al., 2010; Vagnozzi et al., 2008) dans les régions frontales et dans le M1. En phase chronique, les résultats sont plus mitigés. Bien que certaines études aient rapporté une diminution persistante du NAA six mois après la dernière commotion cérébrale (Chamard et al., 2014; Henry, Tremblay, Leclerc, et al., 2011), d’autres études ont observé une concentration normale de NAA quelques semaines (Chamard et al., 2012; Vagnozzi et al., 2010; Vagnozzi et al., 2008) ou mois (Chamard et al., 2013) après la dernière commotion cérébrale.

Finalement, un autre métabolite important dans l’étude des commotions cérébrales est le myo-inositol (mI), lequel serait un marqueur d’activation gliale, de neuroinflammation et d’astrogliose (Kirov et al., 2018; McGraw, Hiebert et Steeves, 2001). Ainsi, lorsqu’anormalement élevé, le mI serait un signe de dommage à la membrane cellulaire (Dimou et Lagopoulos, 2014; Gardner et al., 2014). Des fluctuations du myo-inositol (mI) dans M1 ont

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été rapportées en phase chronique chez des athlètes asymptomatiques, 6 à 18 mois après la dernière commotion cérébrale (Chamard et al., 2013; Henry, Tremblay, Leclerc, et al., 2011b).

En bref, malgré l’hétérogénéité des résultats, l’ensemble des études suggère la présence d’une diminution du NAA et d’une altération des concentrations de glutamate et de mI dans le cerveau d’athlètes présentant un historique de commotions cérébrales (Gardner et al., 2014). Ces altérations métaboliques ont surtout été rapportées dans le cortex préfrontal et le cortex moteur primaire d’athlètes commotionnés (Dimou et Lagopoulos, 2014), mais ceci est probablement dû à un biais de sélection dans les volumes d’intérêts, puisque la SRM nécessite une sélection a priori de ceux-ci. En phase chronique, des changements métaboliques peuvent être détectés en l’absence de symptomatologie clinique, suggérant la présence d’un dommage neuronal persistant au-delà des symptômes observables (Gardner et al., 2014). La SRM semble donc être une méthode efficace pour évaluer la cascade métabolique accompagnant la commotion cérébrale (Dimou et Lagopoulos, 2014).

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