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D’autres mesures ont cherché à favoriser la coordination des soins

1.3 La France s’inscrit dans la tendance internationale d’une pratique plus collective des

1.3.3 D’autres mesures ont cherché à favoriser la coordination des soins

Comme à l’étranger, des mesures complémentaires favorisant le regroupement et la coopération des professionnels de santé ont été mises en œuvre en France.

1.3.3.1 L’organisation de l’appui à la coordination est complexe

De nombreux dispositifs ont été créés depuis les années 2000, à la faveur des plans santé publique successifs, pour favoriser la coordination entre les professionnels de santé, et avec les professionnels médico-sociaux et sociaux. Certaines structures, comme les réseaux de santé créés en 2002, sont d’origine plutôt sanitaire ; d’autres sont issues du secteur médico-social, comme les Centres locaux d’information et de coordination (CLIC) à partir de 2000, et les Méthodes d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins (MAIA) développées à partir de 2008 dans le cadre du Plan Alzheimer.

Le rapport Igas sur la coordination des soins de 201434 souligne le caractère contrasté du bilan de ces structures, nombreuses et diverses, qui se cantonnent le plus souvent à une coordination soit strictement clinique (exemple des réseaux de cancérologie), soit strictement médico-sociale et sociale (exemple des MAIA). Les activités de ces différents dispositifs se chevauchent, voire se font concurrence, alors même que certains aspects de la coordination de certains parcours sont souvent non ou peu couverts – par exemple les ruptures liées à la situation sociale des populations en état de précarité sociale ou les interactions entre santé mentale et pathologies somatiques.

L’ensemble est peu lisible, pour les personnes et les professionnels « de terrain », et inefficace, alors que des moyens substantiels leur sont attribués. L’Igas évaluait en 2014 à 300 millions d’euros le montant des financements aux dispositifs de coordination et les données du rapport d’activité du FIR pour 201635 conduisent également à un montant compris entre 250 et 300 millions d’euros.

Par ailleurs, les professionnels de santé, et en particulier les médecins, restent peu informés et impliqués dans les structures existantes. Les différents dispositifs restent donc largement

« externes » aux professionnels de santé, à la différence de certains modèles étrangers. Ainsi, le modèle « Kaiser Permanente » aux Etats-Unis (cf. schéma infra) est un modèle de soins intégrés pour les maladies chroniques, qui classe les patients en trois catégories, en fonction de la complexité de leur prise en charge (maladie chronique à faible risque, à haut risque et à forte complexité), et adapte l’accompagnement en conséquence.

34 « Evaluation de la coordination d’appui aux soins », rapport IGAS n°2014-010R, Philippe BLANCHARD, Laurence ESLOUS, Isabelle YENI, décembre 2014.

35 Fonds d’intervention régional, rapport d’activité 2016, octobre 2017.

Schéma 1 : La pyramide de Kaiser Permanente

Source : Bearing point

Enfin, l’expérimentation PAERPA a visé aussi, à partir de 2014, le développement de la coordination entre professionnels de santé, médico-sociaux et sociaux sur le champ des personnes de plus de 75 ans. Son premier bilan (détail dans l’encadré n°2 ci-après) atteste de la multiplicité des dispositifs financés dans ce cadre, et, à ce stade, d’une absence d’impact sur les indicateurs d’hospitalisation. Il souligne aussi, comme à l’étranger, que les changements de pratiques des professionnels et la construction du travail interprofessionnel demandent du temps.

Encadré 2 : Premiers résultats de l’expérimentation PAERPA

L’expérimentation PAERPA (Parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie) menée à partir de 2014 vise à développer au niveau local la coordination des différents intervenants des secteurs sanitaire, social et médico-social pour améliorer la qualité de la prise en charge globale des personnes âgées de 75 ans et plus, prévenir la perte d’autonomie et éviter le recours inapproprié à l’hospitalisation.

PAERPA repose sur plusieurs dispositifs :

- la coordination territoriale d’appui, guichet d’information destinée à la population âgée de 75 ans et plus, leur famille et les professionnels du territoire. Elle les soutient dans leurs démarches médicales et sociales, les oriente vers les ressources existantes et leur fournit information et expertise. Le bilan positif de ce dispositif a conduit à sa généralisation et à son élargissement à l’ensemble de la population, avec la création des PTA (Plateformes territoriales d’appui) par la loi du 26 janvier 2016 (cf. infra 2.1.2) ;

- le plan personnalisé de santé qui formalise un plan d’action partagé sous l’égide du médecin traitant en associant un ou deux professionnels de santé (infirmier, masseur-kinésithérapeute ou pharmacien). Son usage progresse (+50 % entre 2015 et 2017), mais son appropriation est inégale selon les territoires ; - les formations pluri professionnelles, qui restent peu déployées à ce jour ;

- des dispositifs préexistant dans les territoires, comme l’hébergement temporaire en Ehpad, les équipes mobiles gériatriques et la mutualisation des infirmiers de nuit en Ehpad.

Les premiers résultats observés à partir des données 2015 et 2016, années de montée en charge des expérimentations, ne permettent pas d’établir dans l’ensemble des territoires un effet moyen significatif propre à PAERPA sur les indicateurs de résultats, en particulier ceux liés à l’hospitalisation (ré-hospitalisations à 30 jours, durées de séjour à l’hôpital,…). Mais les analyses par territoire permettent de déceler des effets significatifs dans certains territoires, notamment pour les indicateurs de résultats les plus sensibles aux soins primaires (polymédication et prescriptions inappropriées par exemple).

L’évaluation montre que le changement organisationnel et professionnel dans le système de santé exige du temps : dix-huit mois s’écoulent en moyenne entre le lancement de l’expérimentation et le fonctionnement opérationnel des dispositifs. Les structures nouvelles ne peuvent être efficaces que si les professionnels impliqués sont prêts à changer leurs pratiques. Il ne faut donc pas sous-estimer le défi de la construction d’un terrain d’entente entre différents groupes de professionnels.

Source : « Evaluation d’impact de l’expérimentation Parcours santé des aînés (PAERPA) », Questions

d’économie de la santé n°235, Juillet/ Août 2018 et Bilan intermédiaire de PAERPA, Ministère des solidarités et de la santé, mars 2018

1.3.3.2 Une diversification des modes de rémunération encore timide en France

La rémunération des professionnels de santé libéraux en France, fondée historiquement sur le financement à l’acte et le paiement direct par le patient, a été progressivement diversifiée. La portée de ces réformes reste toutefois encore relativement limitée, notamment en comparaison de mesures appliquées dans plusieurs pays comparables.

La rémunération des médecins, et en particulier des médecins généralistes, a connu des évolutions importantes à partir de 2011, avec l’introduction d’une part de financement forfaitaire (forfait patientèle assimilable à du paiement à la capitation, forfait structure pour l’équipement informatique) et d’un financement à la performance avec des indicateurs individuels d’intéressement, la ROSP (Rémunération sur objectifs de santé publique). Ainsi, en 2017, 87 % de la rémunération des médecins généralistes était issue d’une rémunération à l’acte, 9 % de paiements forfaitaires et 4 % de la ROSP36.

La rémunération des pharmaciens a aussi évolué sensiblement depuis vingt ans, pour rendre les officines moins dépendantes du prix des médicaments et des volumes vendus, avec l’introduction d’une ROSP et d’honoraires de dispensation.

Les autres professions de santé libérales restent financées quasiment exclusivement à l’acte, même si la politique conventionnelle de l’Assurance maladie vise à favoriser la coordination au travers de rémunérations spécifiques (majorations de coordination pour les infirmières pour les soins complexes par exemple, financement de bilans des professionnels paramédicaux pour les infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes, orthoptistes).

36 Données issues du rapport Charges et produits 2019 de l’Assurance maladie.

Par ailleurs, l’Accord conventionnel interprofessionnel (ACI) du 20 avril 201737 ouvre un financement substantiel des MSP, de l’ordre de 66 000€ en moyenne en 2017. Ce financement collectif38 couvre des missions diverses, dont l’exécution est mesurée par des indicateurs : financement d’une fonction de coordination et du travail en équipe, financement de missions d’accès aux soins (horaires d’ouverture élargis, accès à des consultations de spécialistes,…), et financement de systèmes d’information partagés.

Enfin l’article 51 de la LFSS 2019 initie l’expérimentation de nouvelles modalités de rémunération, qui pourront concerner la médecine de ville (cf. encadré 3 infra).

Encadré 3 : Le programme d’innovation en santé

L’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 crée un cadre juridique et financier pour l’expérimentation de nouvelles organisations en santé et de nouveaux modes de financement, avec un fonds d’innovation en santé doté de 20 M€ en 2018. Pour être éligibles, les projets doivent nécessiter des dérogations aux règles de financements de droit commun, et/ou à certaines règles d’organisation de l’offre de soins (par exemple sur le partage d’honoraires entre professionnels de santé).

Plusieurs modalités de rémunération collective vont être expérimentées :

- la rémunération forfaitaire pour une équipe pluri professionnelle de santé en ville, notamment pour la prise en charge de maladies chroniques ;

- l’intéressement collectif, pour inciter les groupements d’acteurs en santé à la prise en charge partagée, centrée sur le patient. Complémentaire au paiement à l’acte, il sera calculé en fonction de l’atteinte d’objectifs en matière de qualité des prises en charge, de prise en compte de l’expérience patient et de maîtrise des dépenses ;

- le paiement à la séquence de soins (paiement forfaitaire pour la prise en charge d’un épisode de soins), ciblé à ce stade sur certaines interventions chirurgicales (pour les prothèses notamment).

Un appel à manifestation d’intérêt a été lancé au printemps 2018, pour la co-construction du cahier des charges de chacune de ces expérimentations avec des acteurs de terrain. Le cahier des charges des expérimentations devrait être publié fin 2018, avec un nouvel appel à projet, permettant de démarrer les expérimentations début 2019, pour une durée maximale de 5 ans.

En conclusion, la réponse aux grands enjeux du système de santé nécessite une transformation des logiques de prise en charge médicale des patients et des populations. Des évolutions, décrites dans cette première partie, ont déjà été engagées, mais elles concernent encore un nombre de professionnels trop réduit, et leur rythme est insuffisant pour répondre à ces enjeux de transformation. Les CPTS créées en 2016 ont pour objectif d’accélérer ce « virage de la médecine ambulatoire » vers un exercice médical libéral différent, coordonné et collaboratif mais juridiquement moins intégré que les MSP ou les centres de santé, et propre à susciter l’adhésion et à mobiliser les professionnels.

37 Le financement des structures pluri professionnelles a longtemps reposé sur des dispositifs transitoires : le fonds d’intervention régional (par nature destiné à amorcer des projets et non à financer des structures de manière pérenne), des financements expérimentaux (expérimentations de nouveaux modes de rémunération-ENMR) avant le financement dans le cadre d’un règlement arbitral en 2015, après l’échec d’une négociation interprofessionnelle sur ce sujet en 2014.

38 Pour mémoire les MSP regroupent en moyenne une vingtaine de professionnels.

2 L

E BILAN DES CPTS APRES DEUX ANS SOULIGNE LA MOBILISATION DES