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La mesure de l’inflation pendant la pandémie et au-delà

Dans le document Perspectives économiques de l OCDE (Page 30-33)

La crise liée au COVID-19 a compliqué la mesure de l’inflation. Cela tient notamment au fait que l’application, puis la levée des mesures de confinement et de distanciation sociale, a sensiblement modifié la structure de la consommation dans la plupart des économies. Or, l’indice des prix à la consommation (IPC) repose généralement sur des moyennes pondérées des prix de différents biens et services, dont les coefficients de pondération correspondent à leurs parts antérieures dans les dépenses.

Si les habitudes de consommation changent de manière soudaine et marquée, ces coefficients de pondération ne sont plus représentatifs de la ventilation la plus récente de ces dépenses, et des écarts peuvent apparaître entre l’inflation calculée avec les pondérations officielles et celle obtenue avec des pondérations « en temps réel ». La probabilité d’écarts importants augmentera si la dispersion des évolutions de prix est forte entre les différentes catégories de biens et de services.

On peut obtenir une estimation indicative de l’ampleur potentielle de ces écarts de mesure pour les États-Unis, le Japon et la zone euro en comparant un IPC contrefactuel (« en temps réel »), calculé en appliquant rétrospectivement les coefficients de pondération connus à un moment ultérieur (OCDE, 2021b), avec un IPC calculé à l’aide des pondérations officielles1. Cet exercice est réalisé pour 2019 (l’année ayant précédé la pandémie), 2020 (où les mesures de confinement ont généralement été les plus strictes) et 2021 (où l’on observe dans une certaine mesure un retour à la normale dans la plupart des économies). En 2020, le poids des catégories de dépenses nécessitant des déplacements ou une proximité physique a nettement diminué alors que la part de l’alimentation et du logement dans le budget des ménages a généralement augmenté. Les pondérations en temps réel pour 2021 ne sont pas encore connues, mais on peut poser diverses hypothèses concernant le rythme auquel et la mesure dans laquelle la structure de la consommation revient à la normale d’avant la pandémie. Un scénario possible est un

« retour à la normale » complet de cette structure, de sorte que les coefficients de pondération d’avant la pandémie sont de nouveau valables (tableau 1.2). Il s’agit d’une hypothèse forte et simplificatrice, étant donné que la composition des dépenses de consommation en 2021 reste affectée par la pandémie, et qu’un retour complet à la structure observée avant la pandémie pourrait ne jamais avoir lieu (Hodbod et al., 2021).

Conformément à la méthodologie exposée dans la publication OCDE (2018), les contributions des douze principales catégories de dépenses codifiées à deux chiffres de la COICOP au taux annuel d’inflation globale ont été calculées avec leurs différentes pondérations (graphique 1.15).

 Aux États-Unis, l’inflation « en temps réel » a été supérieure au taux d’inflation calculé avec les pondérations officielles ajustées à l’aide de la COICOP depuis le printemps 2020. La pondération des services de transport a reculé en 2020. L’inflation dans ces services ayant été inférieure à la moyenne en 2020, la pondération officielle plus élevée de cette composante s’est traduite par un effet à la baisse plus marqué sur l’inflation agrégée. Inversement, lorsque la hausse des prix des transports s’est accélérée au printemps 2021, la pondération plus élevée correspondant au « retour à la normale » s’est traduite par une contribution plus importante à l’inflation agrégée. La contribution des transports à la différence entre l’inflation contrefactuelle et l’inflation officielle a donc été constamment positive2.

 Au Japon, l’inflation « en temps réel » a été systématiquement supérieure au taux d’inflation calculé avec les pondérations officielles ajustées à l’aide de la COICOP, principalement en raison des contributions des « Restaurants et hôtels » à partir de 2020 et des « Communications » à partir d’avril 2021. La pondération des « Restaurants et hôtels » a régressé en 2020 alors que les prix ont baissé en 2020 et se sont redressés au printemps 2021. Dans le cas des « Communications », le recul sensible des tarifs de téléphonie mobile observé en 2021 (dans une large mesure sans lien

avec la pandémie) a exercé un effet à la baisse sur l’inflation agrégée qui est plus marqué lorsqu’elle est calculée avec la pondération officielle (qui se rapporte à 2020), plus élevée3.

Tableau 1.2. Hypothèses concernant les années de base et les pondérations

Scénarios 2019 2020 2021

Note : La nomenclature des fonctions de la consommation individuelle (COICOP) est la classification internationale de référence des dépenses des ménages. Pour améliorer la comparabilité des données entre économies, des pondérations et des indices ajustés à l’aide de la COICOP sont utilisés (calculés par l’OCDE avec la coopération des offices statistiques nationaux), en lieu et place des classifications nationales spécifiques utilisées par les États-Unis et le Japon, sachant que l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) de la zone euro est déjà élaboré à partir de la COICOP. Pour les États-Unis, les pondérations de 2020 sont seulement des versions actualisées par les prix et ne rendent donc pas compte pleinement de l’impact de la pandémie sur les habitudes de consommation.

Source : Base de données des Principaux indicateurs économiques de l’OCDE.

Graphique 1.15. Différences entre les taux annuels d’inflation calculés avec les pondérations contrefactuelles et officielles

Note : Les barres représentent, pour chaque catégorie à deux chiffres de la nomenclature des fonctions de la consommation individuelle (COICOP), la différence entre la contribution à l’inflation globale annuelle calculée avec les pondérations contrefactuelles et celle calculée avec les pondérations officielles. La catégorie « Autres biens et services » recouvre les composantes « Logement, eau, électricité, gaz, et autres combustibles », « Meubles, articles de ménage et entretien courant du foyer », « Santé », « Enseignement » et « Biens et services divers ». Les triangles représentent la différence entre les taux d’inflation globale obtenue en agrégeant les contributions de toutes les catégories.

Source : Base de données des Principaux indicateurs économiques de l’OCDE ; et calculs de l’OCDE.

StatLink 2 https://stat.link/46i18h

 Dans la zone euro, le taux d’inflation « en temps réel » a été fréquemment plus élevé que le taux d’inflation calculé avec les pondérations officielles, quoiqu’avec des fluctuations. Les pondérations des « Transports » et des « Restaurants et hôtels » ont toutes les deux été moins élevées en 2020.

Néanmoins, contrairement à l’évolution observée au Japon, les hausses de prix dans la catégorie

« Restaurants et hôtels » constatées en 2020 ont été généralement supérieures à la moyenne, ce

-0.15 -0.10 -0.05 0.00 0.05 0.10 0.15 0.20

janv. 19 fév. mars avr. mai juin juil. août sept. oct. nov. déc. janv. 20 fév. mars avr. mai juin juil. août sept. oct. nov. déc. janv. 21 fév. mars avr. mai juin juil. août sept. oct.

%

Produits alimentaires et boissons non alcoolisées Boissons alcoolisées, tabac et stupéfiants

Articles d'habillement et chaussures Transports

Communications Loisirs et culture

Restaurants et hôtels Autres biens et service Total

A. États-Unis

-0.1 0.0 0.1 0.2 0.3 0.4

janv. 19 fév. mars avr. mai juin juil. août sept. oct. nov. déc. janv. 20 fév. mars avr. mai juin juil. août sept. oct. nov. déc. janv. 21 fév. mars avr. mai juin juil. août sept. oct.

%

B. Japon

-0.3 -0.2 -0.1 0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5

janv. 19 fév. mars avr. mai juin juil. août sept. oct. nov. déc. janv. 20 fév. mars avr. mai juin juil. août sept. oct. nov. déc. janv. 21 fév. mars avr. mai juin juil. août sept. oct.

%

C. Zone euro

qui s’est traduit par une contribution négative à la différence entre l’inflation contrefactuelle et l’inflation calculée à l’aide des pondérations officielles.

Globalement, cette analyse effectuée à titre indicatif laisse à penser que des changements marqués de comportement des consommateurs, dont rend compte l’importante évolution des pondérations de dépenses, pourraient se traduire actuellement par une certaine sous-estimation de l’inflation annuelle.

Toutefois, comme dans OCDE (2021a) et BCE (2020), l’impact des différentes pondérations de dépenses est généralement modeste : la limite supérieure de la fourchette dans laquelle s’inscrivent ces effets reste limitée à environ 0.15 point aux États-Unis, 0.35 point au Japon, et 0.2 point dans la zone euro4. Les estimations plus élevées pour les États-Unis parues dans Cavallo (2020) proviennent largement de l’utilisation de pondérations actualisées chaque mois au moyen des transactions en cartes de crédit et de débit. Cette méthode rend compte des évolutions exceptionnelles et temporaires des habitudes de consommation au plus fort de la pandémie, mais elle est moins exhaustive que les dépenses de consommation totales des ménages.

Afin d’évaluer la solidité des conclusions ci-dessus, une analyse connexe a été menée à bien à des niveaux plus désagrégés (catégories de dépenses de la COICOP à 3 et à 4 chiffres) pour la zone euro (les données de la COICOP à ce niveau ne sont pas disponibles pour les États-Unis et le Japon).

Les différences entre les taux annuels d’inflation calculés « en temps réel » et les pondérations officielles se font considérablement plus volatiles, en partie en raison de la saisonnalité marquée des prix de certaines rubriques dont les pondérations sont très variables comme les forfaits touristiques et les services d’hébergement. Ces facteurs sont agrégés lorsque des pondérations à deux chiffres sont utilisées, ce qui réduit la volatilité globale. Toutefois, en moyenne pour chaque année, la sous-estimation de l’inflation n’est que marginalement plus importante (0.17 point au plus) que celle calculé au niveau à deux chiffres.

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1. Cet indice peut différer de l’IPC officiel en raison d’un certain nombre de différences méthodologiques liées au chaînage ou au fait que la classification des dépenses de consommation utilisée dans cet encadré – la nomenclature des fonctions de la consommation individuelle (COICOP) – diffère de la classification employée pour élaborer les IPC des États-Unis et du Japon.

2. Autrement dit, la diminution de la pondération « en temps réel » en 2020 a atténué l’impact de la baisse des prix, tandis que le redressement de cette pondération « en temps réel » en 2021 a amplifié l’effet de la hausse des prix, ce qui s’est traduit par une contribution constamment positive.

3. Il convient de noter que ce coefficient de pondération plus élevé tient essentiellement à l’utilisation accrue des smartphones depuis 2015, plutôt qu’à des effets strictement liés à la pandémie.

4. L’ampleur de cette sous-estimation peut varier suivant les hypothèses retenues concernant les pondérations « en temps réel » pour 2021. Les estimations présentées dans cet encadré reposent sur l’hypothèse d’un « retour à la normale » complet de la situation. Si l’écart par rapport aux coefficients de pondération correspondant à la structure de la consommation de 2019 n’est comblé qu’à moitié, l’ampleur de la sous-estimation sera également réduite environ de moitié.

Dans le document Perspectives économiques de l OCDE (Page 30-33)