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3.   La récidive en matière d’homicide 72

3.3.  Données statistiques sur la récidive 77 

3.3.2. Mesure de la récidive spécifique d’homicide 87 

La récidive dans l’homicide pathologique a encore été peu étudiée. Nous rappelons ici, les principaux travaux de ces dernières années (ANNEXE 1, page 213)

FIORENTINI, en 1979, dans une recherche portant sur 689 rapports d’expertise psychiatrique de sujets, femmes et hommes, inculpés pour assassinat, homicide et tentative d’homicide datant de 1935 à 1977, a mis en évidence 20 cas d’iso-récidive (récidive vraie : répétition d’un homicide) équivalant à un pourcentage de 2,9 %. Les auteurs de ces récidives présentaient dans 10 % des cas un délire alcoolique (jalousie, persécution), dans 5 % un délire de persécution non alcoolique, dans 10 %

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une schizophrénie (dont 5 % de forme paranoïde) et dans 50 % des cas un trouble de la personnalité. Les moyens utilisés pour tuer étaient par ordre décroissant de fréquence des armes à feu courtes (revolver) et des instruments tranchants. Le même type d’arme était employé dans la récidive dans 43 % des cas. Dans la quasi- totalité des cas, l’auteur avait entre 20 et 30 ans lors du premier homicide (56).

En Finlande, TIIHONEN et al. (120,121) en 1994-1995, ont réalisé deux études portant sur la récidive dans l’homicide. Dans la première, ils ont tenté d’analyser l’association entre trouble psychiatrique et récidive d’homicide. Sur les 254 individus auteurs d’homicide incarcérés (n = 222) ou hospitalisés en milieu sécurisé (n = 32) retrouvés, 13 avaient récidivé (5,12 %). Parmi eux, deux sujets (15 %) souffraient de schizophrénie, les autres présentaient une pathologie alcoolique associée à un trouble de la personnalité de type dyssocial (85 %).

Dans la deuxième étude, les auteurs ont tenté de déterminer le risque de réaliser un nouvel homicide pour des sujets condamnés pour un premier meurtre. Sur les 393 auteurs d’homicide identifiés, treize avaient commis au moins un homicide antérieur (3,3 %). Les résultats ont également montré que les criminels homicidaires sont au moins 10 fois plus susceptibles de commettre un nouveau meurtre que les hommes de la population générale. Pour les délinquants ayant commis au moins quatre crimes violents en plus des homicides, l’odds-ratio était de 14,5 fois par rapport aux autres délinquants (IC 95% [3,3-65]). Le risque de commettre un nouvel homicide était 150 fois plus important pour les multirécidivistes que pour les hommes de la population générale.

En 1996, ERONEN et al. (122) ont tenté de déterminer des facteurs associés au risque de récidive d’homicide en étudiant les données de 1584 cas d’homicides dont les auteurs avaient eu une évaluation psychiatrique dans 1089 cas en Finlande. Parmi eux, 36 récidivistes d'homicide ont été identifiés (2,3 %) : 24 étaient alcooliques, 23 présentaient un trouble de la personnalité associé dans la plupart des cas à un alcoolisme, 4 étaient schizophrènes et 2 présentaient une dépression majeure. Les auteurs ont mis en évidence une probabilité de commettre un meurtre 10 fois plus importante chez les hommes auteurs d’un premier homicide que dans la population masculine générale. L'alcoolisme a augmenté le risque de récidive homicide environ 13 fois et la schizophrénie a augmenté ce risque plus de 25 fois.

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Au cours de la première année après la sortie de prison, les auteurs d'homicide de sexe masculin étaient environ 250 fois plus susceptibles de commettre des homicides que les individus de la population masculine générale.

En 1999, CUSSON (123) a étudié les données de 131 meurtriers réitérateurs suivis pendant une moyenne de 16,7 ans et issus d’une population de 3854 sujets auteurs d’homicide au Québec entre 1956 et 1995. 336 événements ont été étudiés impliquant 415 victimes au total (1,24 par homicide et 3,17 par meurtrier réitérateur). Le taux de réitération est de 4,6 % parmi tous les meurtriers lorsque la période de suivi est de 15 ans (taux global 3,22 %), il s’agit du taux le plus bas en comparaison avec le taux de réitération des autres crimes. L’auteur met en évidence un risque de commettre un nouvel homicide 74 fois plus élevé pour un meurtrier que pour un individu de la population générale. Environ 2 % (n = 89) de l’ensemble des homicides commis au Québec pendant cette période étaient des homicides gratuits, sexuels ou de folie. Parmi eux, le taux de réitérateurs étaient de 15,73 % (n = 14/89), proportion la plus élevée parmi les différentes catégories (règlement de compte 9,23%, associé à un autre délit 3,76 %, indéterminé 2,82 %, querelleur 2,04 %, autre 1,41 %, familial-passionnel 1,3 %).

PUTKONEN et al. (108), en 2003, en Finlande, ont réalisé une étude rétrospective sur 132 femmes auteurs d’homicides ou de tentatives d’homicide entre 1982 et 1992. La période de suivi s’étendait à partir de la première infraction répertoriée jusqu'à la récidive, la mort ou la fin du suivi en mai 1999 (durée moyenne pour les récidivistes = 4 ans [1 mois-14 ans], durée moyenne pour les autres = 12 ans [6-17]). Parmi les femmes incluses dans l’étude, 28 % présentaient un trouble psychotique (n = 37 dont 14 avaient un trouble de la personnalité comorbide), 61 % un trouble de la personnalité (n = 80 dont 43 du Cluster B) et 11 % étaient indemnes de trouble mental. Au cours de la période de suivi, 23 % des femmes ont commis une nouvelle infraction (n = 31) dont 15 % était un passage à l’acte violent et 3 % un autre homicide. Parmi les femmes ayant commis un autre homicide, toutes souffraient d’un trouble de la personnalité. 48 % des femmes récidivistes ont commis leur nouvelle infraction dans les 2 années suivant l’homicide ou la tentative d’homicide répertoriés et 80 % l’ont commise dans les 2 années suivant leur sortie de prison ou d’hôpital.

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En France, en 2004, SENNINGER et al. (96) ont tenté une approche psychopathologique de la dynamique meurtrière de six criminels français « tueurs en série ». Les auteurs, dans une revue de la littérature, rappellent que dans la majorité des études, les tueurs en série ne présentent que rarement une pathologie psychotique avérée, mais plutôt un trouble sévère de la personnalité de type antisociale, narcissique ou borderline avec une dimension de sadisme sexuel. SENNINGER cite d’ailleurs DIETZ pour qui « les tueurs en série souffrent tous d'un désordre mental ; presque tous sont des psychopathes sadiques sexuels, et seulement quelques-uns seraient psychotiques » (100). Pour les six criminels étudiés, l’auteur retrouve cette dichotomie entre structuration psychopathique avec sadisme sexuel et dimension psychotique. La répétition de l'acte criminel renvoie à la dimension d'un narcissisme pathologique, entrevue par l'histoire tragique de ces hommes, « qui obtiennent par l'acte, un sentiment d'omnipotence et un vécu d'héroïsation à visée réparatrice ou défensive ». De plus, ces actes semblent s'inscrire dans une organisation ou dans un mouvement de perversion narcissique pouvant « colmater ou non une béance et un envahissement psychotique ».

LE BIHAN et BÉNÉZECH (124), en 2005, ont réalisé une étude descriptive et analytique portant sur douze patients hospitalisés en Unité pour Malades Difficiles française qui avaient récidivé en matière d’homicide. Les pathologies représentées étaient la schizophrénie (50 %, n = 6), le trouble délirant persistant ou délire paranoïaque (17 %, n = 2), le retard mental moyen (17 %, n = 2), le trouble schizo- affectif (8 %, n = 1) et le trouble envahissant du développement (8 %, n = 1). Les auteurs ont également mis en évidence des antécédents criminels et actes de violence associés aux meurtres, comme les coups et blessures volontaires chez 75% des patients ou les tentatives d’homicide dans 50 % des cas.

En 2006, BÉNÉZECH et al.font le rapport d’un cas de récidive d’homicide avec cannibalisme. Il s’agit d’un patient de 36 ans, d’origine étrangère, présentant un retard intellectuel, une personnalité psychopathique, une schizophrénie paranoïde et des conduites addictives (95).

En 2013, Marieke LIEM propose une revue de la littérature sur la récidive des auteurs d’homicide (119). Parmi les articles étudiés, seuls trois évoquaient

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spécifiquement la récidive d’homicide (Tableau 12). Deux d’entre eux ont déjà été cités. Le troisième est une revue de la littérature de BJØRKLY et WAAGE de 2005 portant sur la récidive d’homicide unique (1 seule victime) dont l’objectif était de déterminer la prévalence de ce type de crime et de caractériser l’agresseur, les victimes et les scènes de crime. Trois études pertinentes ont pu être identifiées et ont mis en évidence une proportion de 1 à 3,5 % de récidive d’homicide et une fréquence importante de troubles de la personnalité et troubles addictifs parmi les auteurs (125).

Tableau 12 : Études précédentes sur la récidive des auteurs d'homicide (119)

L’auteur insiste sur la nécessité de nouvelles études sur la récidive générale de l’auteur d’homicide en particulier de la récidive spécifique d’homicide des meurtriers.

En 2013, GOLENKOV et al. (126) ont cherché à comparer les caractéristiques cliniques et criminologiques des patients schizophrènes auteurs d'un seul homicide et des patients schizophrènes auteurs de récidive d’homicide entre 1981 et 2010 en Russie. Seize (10,7 %) des 149 auteurs d'homicide souffrant de schizophrénie inclus dans l’étude étaient des récidivistes. Ils ont noté que tous les patients récidivistes vivaient en milieu rural alors que ce n’était le cas que de la moitié (47 %) des patients non récidivistes. L’âge moyen de diagnostic de schizophrénie était de 25,1 ans pour les récidivistes et de 23,5 chez les non-récidivistes. Les récidivistes étaient plus jeunes au moment du premier homicide (29,5 ans contre 34,1 ans) et présentaient plus souvent des traits de personnalité dyssociale. Les auteurs n’ont par contre pas

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trouvé de différence significative dans les relations auteurs/victimes et les modalités d’action des homicides (Tableau 13).

Tableau 13 : Comparaison entre sujets schizophrènes auteurs d'un seul homicide et récidivistes (126)

La principale limite de l’étude soulignée par les auteurs est l’impossibilité d’estimer la probabilité d’une récidive d’homicide, la petite taille de l’échantillon ajoutant de l'incertitude à l’estimation. De plus, une partie des non-récidivistes étaient toujours en détention à la fin de la période de suivi et la durée moyenne du suivi des récidivistes était plus longue de 8 ans que celle des non récidivistes (21,3 ans contre 13,1 ans). Les auteurs proposent alors la réalisation d’une plus grande étude qui pourrait être une étude cas-témoins multicentrique. GOLENKOV et al. concluent cependant que la proportion élevée de récidives dans les zones rurales où les possibilités de suivi sont relativement faibles fournit une preuve indirecte que le traitement et la surveillance de la maladie peuvent prévenir la violence grave ainsi que la rechute de la maladie.

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SYNTHÈSE DES ÉTUDES

Ces études ont permis de mettre en évidence une proportion de récidive en matière d’homicide variant de 1 à 5,1 % parmi les individus auteurs d’un homicide (119– 122,125)

Le risque de commettre un homicide serait de 10 à 74 fois plus élevé pour un individu meurtrier que pour un sujet de la population générale (121–123).

Un individu ayant en plus de son homicide, quatre antécédents de crimes violents, serait 14,5 fois plus susceptible de commettre un nouvel homicide qu’un délinquant non meurtrier et 150 fois plus susceptible qu’un sujet de la population générale (121). Le risque apparaît multiplié par 250 au cours de la première année après la sortie d’hôpital ou de prison.