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Meilleure connaissance et compréhension du système

3 LA TÉLÉDIFFUSION DES PROCÉDURES JUDICIAIRES PÉNALES

3.3 AVANTAGES DÉCOULANT DE LA TÉLÉDIFFUSION DES PROCÉDURES JUDICIAIRES

3.3.1 Démocratisation de la justice pénale

3.3.1.2 Meilleure connaissance et compréhension du système

En assurant une manifestation moderne du principe de l’audience publique par la télédiffusion des procès, les auteurs suggèrent que le public aurait une meilleure connaissance du système de justice pénale et de son fonctionnement. Tel que nous l'avons suggéré plus tôt, une meilleure connaissance mène logiquement à une meilleure compréhension.

Cette proposition peut être analysée suivant deux angles.

préc., note 280, 1496). Un juge de New South Wales (Australie) expliquait en 2003 que « [t]he opportunity of access by the general public has been transformed by electronic access » (J. J. SPIGELMAN, préc., note 256). Christo Lassiter trouve qu’il est bien étrange de limiter la publicité des audiences à une technologie du 15e siècle, mais il est surtout

inacceptable que ce soit ainsi considérant que la façon que le public moderne acquiert l’information dans sa société (C. LASSITER, préc., note 26, 962). Christopher Lane rappelle quant à lui que pour que le principe de l’audience publique ait quelconque valeur véritable dans notre société moderne, diffuser serait nécessaire puisque c’est par la télévision que le public forme ses opinions sur les institutions qui le gouvernent (C. LANE, préc., note 69, 60). Pour David Weiner, la télédiffusion des procédures judiciaire serait nécessaire à moins de rien que le maintien de la démocratie lorsqu’il explique que « [t]elevising judicial proceedings provides enormous benefits to the public and is in fact essential to the orderly functioning of our democracy » (D. WEINER, préc., note 277, 1). Pareillement, il semble évident pour Frank Tiongson que dans notre cadre démocratique, le public doit avoir le droit et les moyens d’observer et d’analyser les travaux de la branche judiciaire (F. TIONGSON, préc., note 28, 146).

368 Au Canada, les procédures parlementaires des Chambres et les travaux de leurs sous-comités sont, sauf

exception, diffusés sur leurs pages web respectives (CHAMBRES DES COMMUNES, Travaux parlementaires, en ligne: <https://bit.ly/2QvJ2uv>; SÉNAT DU CANADA, ParlVU, en ligne: <https://bit.ly/33CuVZF>). Plusieurs auteurs ont souligné cette incohérence. Par exemple, Spann estime que le public est de plus en plus en attente d’ouverture et de transparence par son gouvernement, et se demande pourquoi la branche judiciaire n’est pas assujettie aux mêmes standards (William SPANN, « Cameras in the Courtroom - For Better or for Worse », (1978) 64(6) American Bar Association Journal 797). Le judiciaire fait partie du gouvernement et devrait conséquemment offrir au public l’opportunité de voir comment il opère. Pour Nancy Marder, le judiciaire, en tant que branche gouvernementale, devrait être autant imputable que les autres branches gouvernementales (N. MARDER, préc., note 280, 1501). Voir aussi: Shirley ABRAHAMSON, « True Partnership for Justice », (1996) 80(1) Judicature 6; C. LASSITER, préc., note 26, 997; A. KOZINSKI et R. JOHNSON, préc., note 118, 1121; R. FRANK, préc., note 291, 797; I. RAVID, préc., note 295, 52, citant Tony MAURO, « Let the Cameras Roll: Cameras in the Court and the Myth of Supreme Court Exceptionalism », (2011) 1(3) Reynolds Courts & Media Law Journal 259, 270.

D’un côté, la télédiffusion des procédures judiciaires pénales « démystifierait » leurs rouages. Voilà un terme que plusieurs auteurs369 ont utilisé pour souligner à quel point le public est souvent très peu à l’affut du fonctionnement général de son propre système de justice. Pour les auteurs, la télédiffusion démystifierait le système en ce qu’elle informerait le public sur l’administration de la justice, sur la nature du système, sur les responsabilités des acteurs judiciaires et sur la façon dont ils exercent ces responsabilités370, surtout pour tous ceux qui ne peuvent se présenter physiquement devant les tribunaux371. Il s’agirait essentiellement d’un service éducatif moderne pour les citoyens, exposant une version intégrale de la procédure judiciaire pénale372, et mettant le public en contact direct avec le décorum et la raisonnabilité du processus pénal et des procédures qui y sont menées373. Par ailleurs, la télédiffusion numérique des procédures judiciaires permettrait l’utilisation d’outils pédagogiques découlant de l’ingéniosité de l’Internet qui ne seraient pas envisageables par diffusion par la voie de la télévision traditionnelle374.

De plus, la démystification découlant de la télédiffusion des procédures serait de nature à contrer les effets négatifs résultant de la tendance sensationnaliste, incomplète et dramatisée de la couverture médiatique actuelle des procédures judiciaires pénales. Comme expliqué précédemment, cette dernière contribue au fait que le public est soit trop peu informé des travaux judiciaires de sa société et mal informé quant à son fonctionnement375. En écartant la nécessité d’avoir un intermédiaire pour relayer les travaux du système de justice pénale, une diffusion directement transmise aux citoyens assurerait une représentation plus exacte, plus complète et moins biaisée de son fonctionnement.

369 Voir notamment Christopher Lane qui s’était prononcé à cet effet à l’époque, estimant que « [n]othing will do

more to demystify the legal process and foster public understanding and confidence in the courts – television is the greatest educator of the 20th century » (C. LANE, préc., note 69, 61). Voir aussi: F. TIONGSON, préc., note 28, 172, citant

Charles Schumer, auteur du Sunshine in the Courtroom Act, S. 405, 113th Cong. (2013); S. HARDING, préc., note 289, 846; B. MORANT, préc., note 297, 345; Dolores SLOVITER, « If Courts Are Open, Must Cameras Follow », (1998) 26(4) Hofstra Law Review 873, 887; C. FAUBEL, préc., note 287, 4; G. MCCALL, préc., note 289, 1561; R. KLIEMAN, préc., note 354, 23; D. LEPOFSKY, préc., note 69, 369; S. BARBER, note 355, 280; C. DAVIS, préc., note 136, 96. Notons toutefois que la plupart de ses derniers s’étant prononcés alors que la télévision était omniprésente et le numérique étant en plein ressort, leurs propos doivent être adaptés au contexte technologique et médiatique moderne.

370 C. LANE, préc., note 69, 61. 371 J. CARLISLE, préc., note 289, 303. 372 T. SITTENAUER, préc., note 337, 8. 373 R. WATERS, préc., note 280, 337.

374 Le fait que la télédiffusion soit disponible sur une plateforme numérique permettrait l’intégration de

fonctionnalités interactives et pédagogiques.

En effet, la télédiffusion s’apparenterait à la présence physique en salle d'audience, ce qui donnerait une impression beaucoup plus juste du fonctionnement de la justice pénale tout en permettant la transmission d’atmosphères et de nuances difficilement synthétisables376. Elle permettrait au public d’être informé non seulement quant aux faits et conclusions d’une affaire précise, mais également sur le système judiciaire dans son ensemble377. L’accessibilité, à tout moment et sur demande, au contenu intégral d’une procédure judiciaire pénale permettrait à un membre du public d’écouter à sa guise l’intégralité de la procédure, que ce soit d’un seul coup ou en plusieurs segments, de sorte à renforcer sa connaissance et compréhension du système qui régit et cherche à harmoniser les rapports sociaux dans sa société.

Il n’est pas difficile de concevoir que la connaissance et la compréhension des procédures et de l’issue d’un procès sont moindres et simplistes lorsque plusieurs jours de travaux judiciaires sont résumés en une vingtaine de lignes378. Essentiellement, plusieurs auteurs sont d’avis qu’il s’agit de comparer de l’information reçue de première main à celle reçue, résumée et traduite par un intermédiaire379. Mais plus encore, il s’agit de comparer de l’information de première main à celle reçue, résumée et traduite par un intermédiaire agissant selon des intérêts économiques. D’où la pertinence, selon les auteurs, de fournir au public un accès direct à l’information en question par le biais d’une plateforme offrant une représentation exacte, neutre et non manipulée des procédures380.

D’ailleurs, certains ont avancé que la télédiffusion améliorerait la connaissance et la compréhension du public de son système de droit pénal, non pas simplement puisqu’il aurait un accès direct aux procédures qui y sont déclinées, mais également puisque la qualité et la justesse de la couverture médiatique s’y intéressant seraient bonifiées. On soulève ainsi que les médias subiraient une pression accrue de rapporter avec davantage de justesse les procédures judiciaires pénales, puisque le public serait plus facilement en mesure d'en faire la vérification381. Leur pouvoir d’influencer l’opinion du public quant au système de droit pénal et quant à l’issue d’un procès en particulier serait ainsi limité382. Parallèlement, les

376 S. HARDING, préc., note 289, 829. 377 E. ITTNER, préc., note 56, 351. 378 C. BAYLIS, préc., note 58, 189. 379 C. LANE, préc., note 69, 61. 380 D. LEPOFSKY, préc., note 69, 372.

381 M. OSTERREICHER., préc., note 297, 256; B. MORANT, préc., note 297, 345. 382 D. WEINER, préc., note 277, 72; S. HARDING, préc., note 289, 832.

médias seraient mieux outillés dans leur rôle d’information puisque davantage d’information relativement à la procédure judiciaire en question pourrait être transférée et expliquée au public383. Ainsi, considérant le rapport moderne du public à l’information et à sa circulation, la télédiffusion des procédures judiciaires pénales est selon nous nécessaire pour mettre en œuvre le principe de l’audience publique. Une manifestation moderne de ce principe permettrait un accès direct du public aux procédures et bonifierait la qualité de sa couverture médiatique, de façon à rehausser la connaissance du public du fonctionnement de son système de droit pénal384.

Avant de poursuivre, notons que certains auteurs nous invitent à faire preuve de prudence et à ne pas surestimer les vertus éducatives de la télédiffusion des procédures judiciaires. Tout d’abord, ils avancent qu’un membre du public sans formation juridique aura probablement de la difficulté à suivre le déroulement de la procédure judiciaire télédiffusée. Alors que les médias traditionnels, malgré les critiques qui ont été faites précédemment, peuvent habilement résumer et vulgariser le contenu d’une certaine procédure judiciaire, le citoyen qui observe par lui-même risque de mal comprendre certains concepts essentiels385. De plus, l’argument selon lequel la télédiffusion aurait des vertus éducatives partirait d’une prémisse erronée, c.-à-d. l’idée que si les procédures étaient télédiffusées, les membres du public prendraient le temps d’en faire l'écoute intégrale. Il serait naïf de penser ainsi puisque le peu de connaissance des procédures judiciaires ne résulterait pas simplement d’un manque d’espace physique dans nos palais, mais surtout du fait qu’un citoyen n’a tout simplement pas le temps ou l’intérêt pour écouter intégralement les procédures judiciaires d’une affaire pénale. Ainsi, même si les procédures étaient télédiffusées, certains auteurs sont d’avis que le public préfèrera assurément prendre connaissance des courts extraits vulgarisés et dramatisés offerts par la couverture médiatique, plutôt que d’écouter la procédure judiciaire en tant que telle386 . Les médias auront à faire des choix sur les segments des procédures judiciaires qui devraient faire l’objet d’une couverture médiatique387, ce qui ne ferait

383 S. HARDING, préc., note 289, 832; C. LASSITER, préc., note 26, 979; G. MCCALL, préc., note 289, 1547.

384 Angelique M. PAUL, « Turning the Camera on Court TV: Does Televising Trials Teach Us Anything About the Real

Law? », (1997) 58 Ohio St. L.J. 655.

385 A. KOZINSKI et R. JOHNSON, préc., note 118, 1123; D. STEPNIAK, préc., note 285, 807; L. TONG, préc., note 321. 386 D. STEPNIAK et P. MASON, préc., note 365, 73; Jane KIRTLEY, « Much Ado About Nothing - Preparing to Face

Videocameras in the Courtroom », (2000) 26(3) Litigation 35.

387 Comme dirait Lassiter: « Television plays what pays. » (C. LASSITER, préc., note 26, 977). La maximisation des profits

aurait ainsi tendance à préférer une couverture de nature sensationnaliste et dramatique, le public ayant un appétit pour le drame judiciaire (K. CRIPE, préc., note 333, 236; J. CARLISLE, préc., note 289, 307). La couverture médiatique judiciaire serait de la nature du divertissement, sélective, superficielle, et mettrait l’accent sur l’émotivité et l’immédiateté (E. THOMPSON, préc., note 289, 231; A. D. LYON, préc., note 30, 437; S. LOBEZ, préc., note 290; B. MORANT,

qu’exacerber les problématiques associées à la couverture médiatique judiciaire que nous avons soulevées.

Malgré ces réserves, nous estimons que, sans assurer une éducation parfaite sur le système pour chaque citoyen, la télédiffusion permettrait somme toute de démocratiser significativement le fonctionnement de la justice pénale, avec tous les avantages qui en résulteraient.

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