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Chapitre III : Résultats et Discussion

III.2. Caractérisation physico-chimique des sédiments

III.2.4. La matière organique (MO)

La matière organique est constituée de matière animale et végétale. C’est un bon indicateur de la richesse biologique d’un écosystème. Elle constitue le premier maillon de la chaîne alimentaire dans le cycle biologique.

Les teneurs en matières organiques (MO) des sédiments des 37 sites du bassin versant Kebir Rhumel ont été déterminées en utilisant deux méthodes : par oxydation sulfochromique (tab. 13 et fig. 25) et par la perte au feu à 450 °C (tab. 13 et fig. 26). Dans la première méthode, la teneur en MO est déduite de la teneur en carbone organique.

0 10 20 30 40 50 60 Bo1 Bo2 En3 Rh4 Rh5 Rh6 Rh7 Sg8 Rh9Rh10 Rh1 1 Me1 2 Me1 3 Kb1 4 Bm 15 Br1 6 Br1 7 Bm 18 Hm 19 Hm 20 Bm 21 Bm 22 Rh2 3 Rh2 4 Rh2 5 Rh2 6 Rh2 7 Rh2 8 Sm 29 Rh3 0 Kt3 1 Rh3 2 Kb3 3 Kb3 4 Bs3 5 Kb3 6 Kb3 7

Hiver Printemps Eté Automne

CaCO3 (%)

Stations

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D'après les valeurs présentées dans le tableau 1, les résultats semblent être différents pour les deux méthodes. La teneur médiane en MO est estimée a environ 1,65 % avec un minimum de 0,04 % et un maximum de 5 % pour la première méthode, et une médiane de l’ordre de 5,22 % avec un minimum de 0,47 % et un maximum de 21,72 % % pour la deuxième méthode. La différence relative observée dépasse les 100 %. Les résultats obtenus par la méthode d’oxydation semblent plus cohérents. La perte au feu donne une estimation moins rigoureuse de la quantité de matières organiques. Elle additionne tous les départs de substances volatiles ; en plus de l’oxydation et la volatilisation du carbone, les minéraux hydratés, les sulfures, mais aussi le phosphore et l’azote organiques sont oxydés et/ou volatilisés. A cela, il faut rajouter la perte d’eau liée aux argiles minéralogiques plus prononcée pour les minéraux argileux à surface spécifique élevée (Holtzapffel, 1985). Tous ces phénomènes induisent des pertes en poids nettes supérieures à la MO estimée par oxydation.

Par ailleurs, les teneurs en MO présentent des variations considérables. L’amplitude des variations est assez importante d’une station à l’autre, d’un sous bassin à l’autre et d’une saison à l’autre.

Figure 25 : Variation spatiale et saisonnière de la MO par oxydation des sédiments.

0,00 1,00 2,00 3,00 4,00 5,00 6,00 Bo1 Bo2 En3 Rh4 Rh5 Rh6 Rh7 Sg8 Rh9Rh10Rh11 Me1 2 Me1 3 Kb1 4 Bm 15 Br1 6 Br1 7 Bm 18 Hm 19 Hm 20 Bm 21 Bm 22 Rh2 3 Rh2 4 Rh2 5 Rh2 6 Rh2 7 Rh2 8 Sm 29 Rh3 0 Kt3 1 Rh3 2 Kb3 3 Kb3 4 Bs3 5 Kb3 6 Kb3 7

Hiver Printemps Eté Automne

MO (%)

Stations

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Figure 26 : Variation spatiale et saisonnière de la MO par perte au feu des sédiments.

L’intensité des fluctuations spatiale est mise en évidence par l’analyse de la variance qui révèle un effet station significatif avec (p < 0,01, IE = 36,57 %) et (p < 0,01, IE = 36,5 %) par oxydation et perte au feu respectivement. La tendance des variations d’un sous bassin à l’autre est moins perceptible et ceci quelque soit la méthode. L’anova n’a pas révélé d’effet sous bassin significatif. Le taux médian le plus élevé (2,37 % par oxydation et 8,41 % par perte au feu) a été enregistré au niveau du sous bassin (10-03) alors que le plus faible a été enregistré au niveau du sous bassin 10-07 (1,36 % par oxydation et 4,46 % par perte au feu).

Les forts taux de matière organique dans les sédiments sont le résultat de plusieurs facteurs, tel que les apports anthropiques par les effluents (eaux usées) et les eaux des STEP. L’intensité de la productivité biologique est un facteur non négligeable aussi. Cette dernière peut avoir lieu par apports en éléments nutritifs favorables pour la productivité du phytoplancton, ajouté à cela un faible hydrodynamisme et/ou une faible hauteur de la colonne d’eau qui favorise le dépôt de la matière organique. Les résultats montrent que les teneurs maximales en MO s’observent à proximité des rejets urbains et semblent être associées à une contribution anthropique importante. En revanche, les faibles taux en MO sont observés dans les zones à hydrodynamisme relativement important qui ne favorise pas l’accumulation et la préservation de la MO. 0 5 10 15 20 25 Bo1 Bo2 En3 Rh4 Rh5 Rh6 Rh7 Sg8 Rh9Rh10Rh11 Me1 2 Me1 3 Kb1 4 Bm 15 Br1 6 Br1 7 Bm 18 Hm 19 Hm 20 Bm 21 Bm 22 Rh2 3 Rh2 4 Rh2 5 Rh2 6 Rh2 7 Rh2 8 Sm29Rh3 0 Kt3 1 Rh3 2 Kb3 3 Kb3 4 Bs3 5 Kb3 6 Kb3 7

Hiver Printemps Eté Automne

PF (%)

Stations

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Par ailleurs, il apparaît que les taux de matière organique sont liés aux saisons. Les échantillons prélevés en été présentent les teneurs les plus élevées en matière organique pour les deux méthodes. Nous avons enregistré des taux médians de l’ordre de 2,89 % et 8,29 % en été contre 1,41 % et 6,21 % en hiver pour la méthode d’oxydation et de calcination respectivement. Ceci est confirmé par l’analyse de la variance qui révèle un effet saison significatif avec (p < 0,001, IE = 19,16 %) pour la méthode d’oxydation. Un tel état des lieux peut être attribué à l’absence des pluies, entraînant l’accumulation des charges organiques dans les sédiments. Ces résultats sont similaires à ceux enregistrés par Sahli (2002) et Afri-Mehennaoui et al. (2004) pour les sédiments de l’oued Rhumel et l’oued Boumerzoug en zone urbaine. Ces auteurs ont enregistrés des taux de matière organique par perte au feu de l’ordre de (6,1 à 17 %) et (6,1 à 15,9 %) respectivement.

Les sédiments sont composés de minéraux principalement siliceux, carbonés, silico-aluminés (argile), ferriques phosphatés salins ; on y trouve aussi des restes d’organismes (Lebrun, 1972). Ces restes organiques sont représentés par divers composés provenant de l’activité biologique de la faune et de la flore aquatique et par leurs produits de dégradation à des degrés plus ou moins grands. Les proportions de ces divers éléments peuvent être variables d’un sédiment à l’autre. La grande variabilité de ces proportions est directement liée aux bassins versants, aux conditions hydrauliques, physico-chimiques et biologiques des cours d’eau. D’une manière générale, un sédiment renferme une fraction de substances organiques autochtones issues de l’activité biologique aquatique et des produits de décomposition et une fraction allochtone, terrestre à laquelle s’ajoutent les apports anthropiques, les rejets industriels, urbains et agricoles (Lebrun, 1972). Ainsi, les origines de la matière organique étant multiples, il est difficile de faire la part des influences naturelles et anthropiques sur les niveaux de concentration. Aux rejets directs de contaminants de sources industrielles, agricoles et urbaines (collectés et traités en STEP) s’ajoutent les eaux de pluie altérées au contact des matériaux rencontrés sur leurs parcours: couvert végétal, revêtements urbains et routiers, humus, matériaux superficiels et roches sous-jacentes. Ainsi, aux eaux usées non traitées viennent s’ajouter des eaux de pluie souillées par le ruissellement ayant gagné les différents cours d’eau du bassin versant Kebir Rhumel où les matières organiques sont généralement abondantes et leur influence sur le comportement des ETM est certaine. Les fortes valeurs peuvent être liées à l’importante végétation présente sur les berges et/ou dans l’eau (algue, lentille d’eau) de certains cours d’eau où ont été effectués les prélèvements mais aussi au fait que les sédiments sont relativement fins dans ces stations. De nombreux auteurs ont observé que les teneurs en carbone organique augmentaient avec la diminution de

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la taille des grains de sédiments. Les eaux usées non traitées peuvent également être responsables des taux élevés de matière organique des écosystèmes aquatiques. Les faibles valeurs sont surtout liées à l’hydrodynamisme qui favorise la biodégradation d’une partie de la matière organique mais aussi son transport vers d’autres secteurs plus calmes.

Les sédiments des oueds du bassin versant Kebir Rhumel semblent fortement chargés en matières organiques. Meybeck et al. (1998) qualifient de très forte la proportion de 10 % de matière organique dans les sédiments. Cette dernière est dépassée dans 15 % des cas, traduisant ainsi un enrichissement organique des sédiments étudiés. Les teneurs en MO sont proches de ceux enregistrés par Grumiaux et al. (1997) par perte au feu dans la région Nord Pas de Calais (2 % < COT < 6,5 %) pour des sédiments considérés comme fortement chargés en matière organique. Ils sont également semblables à ceux de Lafont (1989) déterminés par perte au feu pour les sédiments des lacs de France (1,2 % < COT < 8,5 %). Néanmoins, ils restent faibles par rapport à ceux de Khamar et al. (2000) pour les sédiments de l’oued Sebou au Maroc à substrat carbonaté et considéré comme étant très chargé en matières organiques (11,87 à 14,26 %).

La matière organique est un agent complexant des charges métalliques, (Al-Shukry et al. 1992). En effet, dans un milieu riche en matière organique, les ETM se complexent à cette dernière et deviennent par conséquent non disponibles pour les organismes vivants (cf.

chapitre 1). Notons aussi que le sédiment est un milieu complexe au sein duquel existent des

équilibres et des gradients de contaminants et de matière organique et inorganique d’origine naturelle et/ou anthropique entre le compartiment aqueux (eau interstitielle/eau surnageante) et le compartiment particulaire (matière en suspension et sédiments), (Bonnet et Garric, 2003).

Les ETM peuvent être associés à différentes phases solides du sédiment dont la matière organique sous forme vivante ou détritique. Les particules organiques véhiculées par l’eau constituent alors un important vecteur de pollution. Dans le cas des matériaux présentant de faibles taux de matières organiques (< 1 %), c’est la combinaison teneurs en argile/teneurs en cations (Ca++, Mn++, …) qui semble influencer le plus l’adsorption (Reddy et al. 1998). En effet, si certains contaminants circulent librement à l’état dissous dans l’eau, beaucoup d’autres sont presque entièrement liés à ces particules (organiques ou minérales) en suspension. Or, ces dernières ne se déplacent pas forcément au fil de l’eau, mais en alternant les phases de dépôt (où elles sont stockées au fond de la rivière) et de remise en suspension. Il en résulte un temps de séjour accru des polluants dans le réseau hydrographique.

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Les sédiments pollués sont généralement riches en matière organique et ils deviennent anoxiques dès les premiers millimètres de profondeur du fait d’une intense activité microbienne. Ils sont périodiquement sujets à des remises en suspension, résultants de phénomènes naturels ou provoqués par l’homme. La remise en suspension de sédiments anoxiques, en exposant la matière organique sédimentaire à des conditions oxiques, stimule la minéralisation de celle-ci (Wainright et Hopkinson, 1997). Or souvent la matière organique est sous-estimée en tant que substance polluante. Pourtant de nombreux produits provenant de sa dégradation sont toxiques (NH3, NO2, Phénols, etc.) et le déficit en oxygène qui en résulte peut avoir des effets néfastes sur l’écosystème.

Lors du brassage, des concentrations importantes de carbone organique dissous peuvent être relarguées, grâce aux phénomènes de biodégradation et de solubilisation d’une partie des matières organiques particulaires. Selon Saulnier et Mucci (2000), le relargage des ETM piégés par la matière organique est progressif et la minéralisation de celle-ci est responsable de l’augmentation lente de leur teneur en solution après quelques semaines de brassage. Khalid et al. (1978) soulignent que les principales phases de piégeage des ETM sont moins affectées lors d’un brassage en anoxie. Ultérieurement, différents auteurs confortent cette observation et suggèrent qu’en général, les remises en suspension de sédiments anoxiques dans une eau oxygénée ne conduisent pas à une augmentation notable de la concentration des ETM en phase dissoute par rapport à la teneur de l’eau avant le brassage, et le sédiment garde alors son rôle de piège à contaminants (Hirst et Aston, 1983 ; Calmano et al. 1994). Hirst et Aston (1983) ainsi que Förstner (1995) ont même remarqué une diminution des concentrations en contaminants métalliques dans l’eau après brassage. Cependant suite à un brassage de plusieurs jours, les teneurs en ETM relargués dans l’eau correspondent à moins de 5 % des contaminants présents dans les phases particulaires (Calmano et al. 1994 ; Petersen et al.1996).

Même si les ETM restent très majoritairement associés aux particules, les remises en suspension peuvent néanmoins conduire à des teneurs élevées des ETM en phase dissoute qui peuvent être préjudiciables aux organismes vivants (Chapman et al. 1998).

La taille des particules, paramètre important sur le pouvoir de rétention, ne semble guère intervenir dans la répartition des composés au sein du sédiment pour des valeurs de carbone organique supérieures à environ 0,5 %. Cela montre que ce sont les phases de rétention, dont la matière organique, qui jouent un rôle important vis-à vis des métaux et que les particules servent plutôt de substrat. Des sédiments sableux, très pauvres en matière organique ont une faible capacité d’adsorption (Gouy et Roulier, 2003). La matière organique,

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en complexant ou en adsorbant les contaminants, les rend moins biodisponibles que ceux qui sont moins fortement liés aux particules (Tessier et al. 1979 ; Gobas et Zhang 1994).